Une solution au dilemme hypothécaire
Le changement de cap de la BNS est en principe une bonne nouvelle pour les propriétaires. Les hypothèques du marché monétaire pourraient bientôt redevenir plus avantageuses que les échéances fixes. Combiner les deux peut s’avérer judicieux
La Banque nationale suisse (BNS) a pris de court analystes et investisseurs jeudi dernier en abaissant son taux directeur de 0,25 point à 1,5%. Cette détente monétaire, qui confirme que l’inflation est sous contrôle, devrait avoir un impact favorable sur le marché immobilier et sur le coût du logement, mais cet effet positif est toutefois à relativiser.
«Les marchés des taux d’intérêt intègrent déjà depuis quelque temps des baisses de taux pour cette année, explique Fredy Hasenmaile, chef économiste chez Raiffeisen. Ces attentes se sont donc déjà répercutées sur les conditions des hypothèques à taux fixe à long terme. Depuis l’automne dernier, elles sont devenues sensiblement moins onéreuses.»
Actuellement, les taux d’intérêt des hypothèques à échéance fixe sur deux ans se situent en moyenne à 2,16%, ceux sur cinq ans à 2,13% et ceux sur dix ans à 2,26%, selon les estimations du site de comparaison Moneyland.ch. Dans la foulée de l’assouplissement monétaire de la BNS, les taux ont légèrement baissé la semaine passée.
L’attrait du Saron
L’impact est en revanche immédiat pour les hypothèques du marché monétaire, dont l’écart avec les échéances fixes se resserre. Le Saron, directement indexé sur le taux directeur de la BNS, diminue de 0,25 point. Les hypothèques qui y sont liées oscillent désormais entre 2,1 et 2,6%. Pour rappel, celles-ci se composent du taux de la Banque nationale, à présent de 1,5%, auquel les banques ajoutent une marge qui dépend de la solvabilité du client.
Les hypothèques Saron pourraient bientôt redevenir plus avantageuses que celles à taux fixe. Car de nombreux économistes s’attendent à ce que la BNS abaisse encore deux fois son taux directeur de 0,25 point cette année, ce qui le ferait tomber à 1% à fin 2024. Selon ce scénario de base, les hypothèques du marché monétaire devraient coûter entre 1,6 et 2,1% en mars 2025, calculent dans leur dernière analyse les économistes d’UBS.
D’un point de vue historique, les emprunts indexés sur le Saron ont presque toujours été plus favorables que les échéances fixes. Mais le brutal resserrement monétaire entrepris par la BNS pour endiguer l’inflation a nettement renchéri ce type de crédits hypothécaires, ceux-ci passant de moins de 1% à plus de 2,5% en l’espace d’un an. Résultat: depuis l’automne dernier, les hypothèques à taux fixe sont plus avantageuses que les emprunts du marché monétaire.
En revanche, la décision de la BNS «devrait déjà être prise en compte dans les taux d’intérêt des hypothèques fixes, ce qui plaide plutôt pour une évolution stable des taux, anticipe Benjamin Manz, directeur de Moneyland.ch. Toutefois, les prévisions sont en principe délicates, des événements inattendus au niveau de l’inflation et de la conjoncture peuvent modifier la situation.»
Choisir de diversifier les risques
Le revirement de la BNS changet-il fondamentalement la donne pour les propriétaires et ceux qui envisagent de le devenir? Le choix du modèle de financement ne dépend pas seulement de l’évolution des taux, mais également de la propension aux risques. «Les personnes qui ont besoin d’une sécurité de planification ou qui ne disposent que de petites réserves financières pour faire face à des changements imprévus des taux d’intérêt réussissent mieux avec une hypothèque à taux fixe», rappelle Fredy Hasenmaile.
Ce constat est également valable pour les emprunteurs hypothécaires pour qui les hausses et les baisses des taux d’intérêt sont «synonymes de stress», relève le chef économiste de Raiffeisen. Les hypothèques à taux fixe sur deux et trois ans sont actuellement les plus avantageuses. Pour tous les autres, le Saron ouvre des perspectives intéressantes, note Fredy Hasenmaile. Une combinaison d’hypothèques à taux fixe et de Saron est souvent pertinente, car ce choix permet de diversifier les risques, relève-t-il.
Dans leur scénario de base, les experts d’UBS estiment qu’un échelonnement composé d’une hypothèque à taux fixe sur trois ans suivie d’un emprunt indexé sur le marché monétaire constitue la variante de financement la plus avantageuse sur une durée de dix ans. Selon les spécialistes de la grande banque, «l’avantage en termes de coûts d’intérêts de cette variante représente environ 10% des paiements d’intérêts cumulés d’une hypothèque à taux fixe sur dix ans».
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«Des événements inattendus au niveau de l’inflation peuvent encore modifier la situation» BENJAMIN MANZ, DIRECTEUR DE MONEYLAND.CH