Face aux géants de la tech, c’est l’heure de vérité pour l’Europe
La Commission européenne a lancé hier des procédures contre Apple, Alphabet et Meta. Il s’agit d’un premier test majeur pour le nouveau règlement sur les marchés numériques
Le temps s’accélère brusquement dans le bras de fer entre les autorités de régulation et les empires du numérique. Ces dernières semaines, le nombre de procédures avait fortement augmenté contre les géants de la tech, ces derniers répondant de plus en plus vite aux injonctions des autorités. Désormais, l’Union européenne passe la vitesse supérieure en lançant hier des procédures contre Apple, Alphabet (maison mère de Google) et Meta (propriétaire notamment de Facebook et Instagram). Avec un objectif temporel très précis: la Commission européenne affirme vouloir «clore les procédures ouvertes dans un délai de douze mois».
Combien de ces procédures sont en cours contre Apple, Amazon, Microsoft ou encore Meta? Impossible de le dire, tant elles sont nombreuses. Il y a les amendes infligées directement par des pays membres de l’UE, il y a les enquêtes menées par l’Irlande (pays hôte de nombreux sièges européens des géants de la tech), les amendes et enquêtes issues de la Commission européenne… Et en parallèle, il y a le réveil des autorités américaines. Rappelons que jeudi dernier, le Département américain de la justice ouvrait une enquête contre Apple, accusé d’abus de position dominante.
Focus sur le DMA
Au niveau européen, cela fait en tout cas dix ans que de telles procédures sont en cours, selon un schéma bien connu: enquête préliminaire de l’exécutif européen sur la base du droit actuel, puis enquête formelle, discussion avec le colosse du numérique en accusation, examen de ses propositions, parfois amende, puis appel. Mais depuis le 7 mars, il y a du nouveau: l’entrée en vigueur du règlement sur les marchés numériques, le DMA (Digital Markets Act).
Celui-ci doit accroître la concurrence entre les grandes plateformes, et surtout permettre à de plus petits acteurs de se faire une place dans les écosystèmes que sont l’App Store d’Apple, le moteur de recherche de Google ou encore les plateformes de vente d’Amazon.
«Lourdes amendes»
En ouvrant, hier, des procédures contre Apple, Meta et Alphabet (tous accusés de discriminer des concurrents et de vouloir maintenir les utilisateurs captifs de leurs services), la Commission européenne a voulu montrer qu’elle ne voulait pas perdre de temps: les enquêtes sont lancées rapidement et un délai clair est fixé pour leur aboutissement. «Si notre enquête devait aboutir à la conclusion que le règlement sur les marchés numériques n’est pas pleinement respecté, les contrôleurs d’accès pourraient se voir infliger de lourdes amendes», a averti hier Thierry Breton, commissaire au marché intérieur. Rappelons que le DMA prévoit une amende maximale allant jusqu’à 20% du chiffre d’affaires de l’entreprise en accusation. L’exécutif européen montre ainsi les muscles, et avertit aussi: il ne veut pas se laisser endormir par les solutions proposées par les empires du numérique. «Nous soupçonnons que les solutions proposées par les trois entreprises ne sont pas pleinement conformes au règlement sur les marchés numériques», a ainsi affirmé Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive chargée de la politique de concurrence.
Mais pour rester crédible, il faudra que l’UE obtienne des résultats face à des géants de la tech qui proposent sans cesse des modifications jugées insuffisantes. Il faudra aussi examiner quels moyens humains et techniques l’UE déploiera dans ses enquêtes.
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