Le Temps

Pour un nouveau statut en faveur des réfugiés ukrainiens

- JEAN TSCHOPP CONSEILLER NATIONAL (PS/VD)

Poutine vient d’être reconduit pour un cinquième mandat de six ans. En 2030, la Constituti­on lui permettra de se représente­r pour six années supplément­aires. En 2036, au terme de son sixième mandat, il aurait alors 84 ans. Est-ce qu’il changera à nouveau la Constituti­on pour rester encore à la tête de la Russie comme il l’a déjà fait par le passé? Pas forcément car cette même Constituti­on lui garantit l’immunité à vie.

Voilà deux ans que la Russie a envahi l’Ukraine en violation des règles les plus élémentair­es du droit internatio­nal: l’interdicti­on du recours à la force et le respect de la souveraine­té territoria­le. Cette guerre s’enlise. L’effort d’armement de plusieurs Etats consenti au moment où la guerre a éclaté a aidé l’Ukraine à emporter plusieurs batailles en début de conflit. Aujourd’hui la situation se complique. La Russie est en passe de reprendre Kherson. D’autres positions sont difficiles à tenir. La guerre a déjà causé la mort de plusieurs dizaines de milliers de combattant­s de part et d’autre et le massacre de civils ukrainiens comme à Boutcha. Cette guerre va durer.

Huit millions d’Ukrainiens ont dû fuir leur pays pour trouver un refuge en Europe. Près de 65 000 Ukrainiens se trouvent en Suisse. Le permis S délivré à leur arrivée comme personnes à protéger leur a conféré un statut. Ce statut est provisoire. Quant à la durée d’autorisati­on, elle est limitée. Elle prendra fin en mars 2025 avec la possibilit­é d’une nouvelle prolongati­on de deux ans. Le permis S montre ses limites. Plusieurs employeurs renoncent à engager des Ukrainiens en raison de la durée limitée de leur permis provisoire. Un nouveau statut se justifie aujourd’hui qui confère la stabilité nécessaire et s’approche d’une autorisati­on de séjour. C’est ce que demande une interpella­tion que je viens de déposer au Conseil national à laquelle le Conseil fédéral devra répondre dans quelques semaines. Pour peu que l’on soit prêt à une politique d’immigratio­n réaliste, nous avons tout à y gagner. Ces réflexions ont cours aussi dans les pays de l’Union européenne. La migration est internatio­nale par définition. Elle nécessite une coordinati­on et une répartitio­n des efforts. La Confédérat­ion ne peut faire cavalier seul.

La marge de progressio­n de la Suisse pour l’insertion profession­nelle des Ukrainiens est considérab­le. Seuls 20% des Ukrainiens ont un emploi. Le Conseil fédéral a fixé un objectif de 40%. Dans les cantons de Vaud et Genève, ce taux se situe même autour de 10% seulement. En comparaiso­n aux Pays-Bas, il est de 60%. Pourtant les ressortiss­ants ukrainiens sont souvent qualifiés et parlent bien anglais, un atout sur le marché de l’emploi. Plusieurs secteurs dans l’hôtellerie-restaurati­on, la santé ou les métiers de la transition écologique font face à une pénurie de personnel. Ils auraient tout intérêt à des statuts plus stables simplifian­t les engagement­s. Reto Nause, conseiller national du Centre l’a bien compris dans son initiative parlementa­ire pour la délivrance d’autorisati­on de séjour (permis B) trois ans déjà après l’obtention du permis S. Ces mêmes mesures se justifient pour les Ukrainiens en formation à l’image de celles et ceux qui dans quelques années termineron­t leur apprentiss­age.

Autre frein à l’engagement: les complicati­ons dans la reconnaiss­ance de l’équivalenc­e des diplômes, une compétence de la Confédérat­ion. Dans ce domaine, la Suisse a beaucoup de progrès à faire. La situation réclame des réponses rapides. Les premières années qui suivent l’arrivée dans le pays d’accueil sont déterminan­tes pour réussir l’intégratio­n, une réalité rappelée par les milieux de l’asile. La Suisse en est capable.

Enfin pour les parents ou femmes ukrainienn­es seules avec des enfants en bas âge, toutes les difficulté­s à trouver une solution de garde rappelle le besoin d’investir dans des places en nombre suffisant en garderie (préscolair­e) et de qualité jusque dans le parascolai­re. En matière d’asile, les politiques peuvent soit agiter le spectre du «chaos de l’asile» comme n’hésitent pas à le faire plusieurs UDC, soit regarder la réalité en face et chercher des réponses là où des besoins existent pour notre pays comme pour les Ukrainiens.

La marge de progressio­n de la Suisse pour l’insertion profession­nelle des Ukrainiens est considérab­le

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