Mistral AI lève un coin de voile sur son ascension fulgurante
TECHNOLOGIE Timothée Lacroix, cofondateur de la star française de l’intelligence artificielle, était à l’EPFL lundi soir à la conférence AMLD. L’occasion d’en savoir un peu plus sur cette start-up à la trajectoire hors du commun
Dans l’univers en constant bouleversement de l’intelligence artificielle (IA), c’est un ovni. Partie de presque rien, la start-up française Mistral AI est parvenue en quelques semaines à obtenir une valorisation de plus de 2 milliards de dollars. L’IA est un monde où tout va très vite. Mais Mistral AI a vu une progression encore plus rapide que ses concurrents. Lundi soir, Timothée Lacroix, cofondateur de la société et directeur technique de Mistral AI, était de passage à Lausanne. Invité dans le cadre de la conférence AMLD de l’EPFL, dédiée chaque année à l’IA, le responsable a levé un coin de voile sur son entreprise.
D’abord, Timothée Lacroix est revenu sur une année extraordinaire. Mistral AI n’est né qu’en avril 2023. «L’été de l’année passée, nous avons lancé un modèle de langage aussi bon que les concurrents qui étaient deux fois plus gros. En septembre, nous avons proposé sans doute le meilleur modèle open source au monde. Et désormais, nous sommes très bien positionnés, avec des modèles open source et d’autres, commerciaux».
Mistral AI s’est tout de suite lancé dans la création de modèle de langage, comme Google, Microsoft ou OpenAI, des modèles qui sont à la base de l’IA générative. «Aujourd’hui, nos modèles sont à peine moins performants que ceux d’OpenAI et d’Anthropic. Mais notre but est de faire mieux qu’eux», assure Timothée Lacroix.
Sur scène, Marcel Salathé, organisateur des AMLD et codirecteur du centre sur l’IA à l’EPFL, lui demande comment Mistral AI a pu, dès le début lever 100 millions de dollars. «Nous avons créé la société alors qu’OpenAI avait déjà fait beaucoup de bruit avec ChatGPT, les investisseurs savaient du coup de quoi nous parlions, ils étaient aussi au courant des investissements énormes à consentir dans les puces et les systèmes informatiques. Il faut beaucoup d’argent pour être efficace. Et nous avons obtenu des sommes importantes», répond Timothée Lacroix. Il y avait aussi le pedigree des trois cofondateurs, tous issus de Meta – c’est le cas pour Timothée Lacroix – et de Google.
«Nos modèles sont à peine moins performants que ceux d’OpenAI et d’Anthropic. Mais notre but est de faire mieux qu’eux» TIMOTHÉE LACROIX, COFONDATEUR DE MISTRAL AI
La question de l’open source
Aujourd’hui, la société a levé au total plus de 500 millions de dollars, principalement auprès d’investisseurs américains. Fin février, Microsoft injectait 15 millions de dollars dans Mistral AI. En parallèle, la société abandonnait son idée de se baser sur l’open source (permettant à tous d’analyser et de modifier les modèles), en lançant des modèles commerciaux pour les entreprises. «Ce n’est pas incompatible, assure Timothée Lacroix. Les modèles les plus performants sont destinés à être vendus et servent à financer en partie la société. Les modèles en open source sont facilement utilisables par tout un chacun.»
Aujourd’hui, l’entreprise ne compte que 35 employés. «Notre plus grand défi, c’est d’avoir le temps de faire tout ce que nous voulons, poursuit le responsable technique. Nous devons planifier tous nos projets six mois en avance, notamment en termes de capacité de calcul. Ce n’est vraiment pas facile, il est compliqué de prévoir nos besoins. En parallèle, je ne pensais pas que recruter des collaborateurs prendrait autant de temps.»
L’ombre de Microsoft
Mistral AI, mais aussi le gouvernement français, a récemment été montré du doigt par des partisans d’une régulation européenne stricte de l’IA. D’abord favorable à une telle réglementation, la France avait ensuite changé de cap et s’était prononcée en faveur d’une vision plus souple. Et Mistral AI avait été soupçonné d’avoir été le cheval de Troie de Microsoft. Sans se prononcer directement sur ce point, Timothée Lacroix affirme qu’«une régulation européenne trop stricte aurait été une mauvaise chose, nous sommes satisfaits de ce qui a été finalement décidé. Bien sûr, il faut une régulation pour éviter des dérives, mais de manière souple.»
Que pense le responsable de l’arrivée, annoncée par certains, d’une super IA générale capable de «penser» par elle-même? «Je ne sais même pas si on y arrivera un jour. Et je ne sais pas non plus si cette super IA sera dangereuse pour l’humanité. Je pense que le plus important, aujourd’hui, est de s’intéresser aux problèmes actuels de l’IA: les biais, l’impact sur la société, sa mauvaise utilisation… Gérons d’abord ces soucis.»
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