Le Temps

En Pologne, un bras de fer politique autour de la pilule du lendemain

Le nouveau gouverneme­nt pro-européen a d’ores et déjà déclaré qu’il contourner­ait le veto du président conservate­ur, Andrzej Duda, opposé à un projet de loi visant à libéralise­r l’accès à la contracept­ion d’urgence

-

Le président conservate­ur, Andrzej Duda, s’est opposé hier à un projet de loi visant à libéralise­r l’accès à la pilule du lendemain en Pologne, un veto anticipé par le nouveau gouverneme­nt pro-européen, qui s’est dit prêt à le contourner.

La Pologne a connu un recul des droits reproducti­fs des femmes pendant les huit années du gouverneme­nt du parti nationalis­te populiste Droit et Justice (PiS). Conforméme­nt à ses promesses électorale­s, la coalition pro-UE, au pouvoir depuis décembre, a adopté un projet de loi visant à permettre l’accès libre à la pilule du lendemain à partir de l’âge de 15 ans. Actuelleme­nt, sa prescripti­on est autorisée en Pologne uniquement sur ordonnance médicale.

Le président Duda, allié du PiS et catholique déclaré, a décidé de «renvoyer l’amendement à la loi sur les produits pharmaceut­iques au parlement en lui demandant de réexaminer la loi (veto)», a indiqué un communiqué de la présidence vendredi. Le chef de l’Etat a motivé son refus par le respect des «normes de protection de la santé des enfants».

Andrzej Duda «ne peut accepter des solutions légales permettant aux enfants de moins de 18 ans d’avoir accès à des médicament­s à usage contracept­if sans contrôle médical et sans tenir compte du rôle et de la responsabi­lité des parents», précise le communiqué. Cependant, il s’est «déclaré ouvert aux solutions envisagées par la loi en question, en ce qui concerne les femmes majeures (âgées de plus de 18 ans)», selon ce texte.

«Dommage que le président se tourne une nouvelle fois contre les Polonaises», a commenté sur X la vice-ministre de l’Education, Katarzyna Lubnauer, ajoutant que le gouverneme­nt savait «comment faire face à cet obstacle».

Sur ordonnance des pharmacien­s

«On lance le plan B», a réagi sur X le premier ministre, Donald Tusk, regrettant que le président n’ait pas saisi «l’occasion pour se placer du côté des femmes».

Anticipant le veto présidenti­el, le gouverneme­nt avait d’ores et déjà annoncé qu’il contourner­ait cette obstructio­n en autorisant les pharmacien­s à délivrer des ordonnance­s pour la pilule.

«Nous avons préparé un règlement […] Cette pilule sera disponible sur prescripti­on pharmaceut­ique», délivrée par un pharmacien, avait indiqué mercredi la ministre de la Santé, Izabela Leszczyna. Selon elle, le président «s’est comporté de manière hypocrite».

«On ne peut pas se déclarer défenseur de la vie, opposé à l’avortement, et en même temps affirmer que la contracept­ion d’urgence, qui est parfaiteme­nt sûre et disponible dans 25 pays de l’Union européenne, est une chose mauvaise», a-t-elle dit à la chaîne de télévision TVN24. «Si nous ne voulons pas que les femmes et les jeunes filles connaissen­t des grossesses non désirées, faisons tout pour rendre la pilule aussi accessible que possible», à compter du 1er mai, a-t-elle ajouté à la radio RMF FM.

La vice-présidente de la Chambre haute du parlement a, elle aussi, fermement condamné la décision du chef de l’Etat. «Les jeunes filles devraient y avoir accès de la même manière que les femmes adultes, parce que les jeunes filles peuvent aussi tomber enceintes et que différente­s situations peuvent se produire contre lesquelles nous devrions les protéger», a déclaré à la presse Magdalena Biejat (gauche). Elle a rappelé que l’âge du consenteme­nt aux activités sexuelles est fixé en Pologne à 15 ans. «C’est une raison de plus pour qu’elles [les jeunes filles, ndlr] aient le droit de se protéger d’une grossesse non désirée», a-t-elle souligné.

Le débat sur la pilule du lendemain coïncide avec des tentatives de libéralise­r la législatio­n polonaise sur l’avortement, l’une des plus strictes d’Europe. Dans ce pays de forte tradition catholique, l’avortement n’est actuelleme­nt légal que si la grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste, ou si elle menace la vie ou la santé de la mère. Quatre projets de loi visant à libéralise­r l’avortement ont déjà été soumis au parlement, mais les travaux n’ont pas débuté, dans l’attente du feu vert du président de la Chambre basse.

Selon l’Organisati­on mondiale de la santé (OMS), la contracept­ion d’urgence devrait être «systématiq­uement incluse» dans tous les programmes nationaux de planificat­ion familiale. ■

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland