«Je défends une écologie rassembleuse»
Maire d’Onex et nouvelle présidente des Vert·e·s genevois·es, Maryam Yunus Ebener prône un retour aux fondamentaux pour renouer avec le succès. Les élections municipales de 2025 feront office de premier test
Il souffle un vent de changement à la tête des Vert·e·s genevois·es. Elue à la quasi-unanimité samedi dernier au terme d'un congrès placé sous le signe de l'introspection, la nouvelle présidente, Maryam Yunus Ebener, aura la tâche de ramener le parti sur la route du succès, lui qui a encaissé plusieurs échecs en 2023 sur les plans cantonal et fédéral.
Seule candidate en lice, la maire d'Onex a su convaincre en prônant un retour aux fondamentaux écologiques. Dans la perspective des municipales de 2025, sa connaissance de la politique communale et de ses enjeux concrets est considérée comme un atout. D'autant qu'elle préside aussi l'Union des villes genevoises.
Arrivée en Suisse à 8 ans, Maryam Yunus Ebener est la première femme d'origine afghane à siéger dans un exécutif romand. Décrite comme une femme de terrain, elle incarne un changement d'approche. Un discours anti-fataliste qui s'inscrit dans la ligne du conseiller d'Etat Antonio Hodgers et de son Manifeste pour une écologie de l’espoir. «Avec son élection, c'est la tendance réaliste qui revient», se réjouit un membre du parti.
Trop de moralisme et d’interdits, ce sont les raisons mises en avant dans un sondage interne pour expliquer les récents échecs des Vert·e·s. Partagez-vous l’analyse? Il y a eu des moments où nous avons passé plus de temps à dénoncer les problèmes qu'à les résoudre, et nous avons parfois manqué de clarté. Nous avons passé trop de temps à débattre des questions identitaires, parfois au point de perdre de vue l'écologie. Aujourd'hui, la demande de changement vient de l'interne et je m'inscris dans cette ligne. Nous continuerons à défendre l'égalité sous toutes ses formes, mais je prône un retour à l'ADN premier des Vert·e·s.
En quoi consiste-t-il? Je défends une écologie rassembleuse, populaire. Nos valeurs ne vont pas changer, mais au lieu de culpabiliser les gens, il faut leur donner envie. On doit faire comprendre qu'avec notre programme, on ne vivra pas moins bien mais mieux, que l'écologie est positive pour la planète, le porte-monnaie, la santé et la qualité de vie. Cela signifie agir au niveau du territoire pour préparer les villes à lutter contre les canicules, aménager des îlots de fraîcheur, développer l'accès à l'eau, végétaliser massivement. Aujourd'hui, certaines personnes vont se terrer dans les centres commerciaux lorsqu'il fait trop chaud. Il faut offrir un autre environnement. Cela passe aussi par des aménagements de mobilité.
Les Vert·e·s genevois·es vont-ils abandonner leur aile sociale? Non. Nous resterons proches des gens et de leurs préoccupations. Nous continuerons à initier et soutenir les lois sociales ou celles qui encadrent le travail. Aujourd'hui, le PIB croît mais les inégalités aussi. Ce n'est pas acceptable. Au niveau des emplois, il y a une transition à faire vers les métiers d'avenir où la main-d'oeuvre manque. Il faut anticiper en investissant dans la formation et les reconversions professionnelles.
Le canton a annoncé des comptes excédentaires historiques. Comment dépenseriez-vous cet argent? J'investirais dans la formation et l'isolation des bâtiments. J'aiderais les communes, en particulier les villes, à rénover leurs infrastructures vétustes et à aménager des espaces extérieurs pour la population. Les baisses d'impôts devraient concerner la classe moyenne stricto sensu – le Conseil d'Etat a inventé une définition englobant des revenus de plus de 400 000 francs, ce n'est pas sérieux.
Vous avez adhéré au parti en 2003. A quoi ressemblait-il à cette époque? C'était un parti dynamique, qui donnait envie et offrait des solutions concrètes aux problèmes de pollution, d'embouteillages et de destruction de la nature, ou de gaspillage. Dans les années 2015, la prise de conscience du réchauffement climatique et l'essor des manifestations pour le climat nous ont propulsés sur le devant de la scène. A l'intérieur du parti, on a été soulagés de voir que notre message était entendu. Au point de croire, à tort peut-être, que c'était acquis.
Maryam Yunus Ebener: «Il ne faut pas culpabiliser les gens.»
Quelle est votre position vis-à-vis des activistes du climat? En tant que parti, nous avons choisi la voie des institutions. Tout ce qui ne rentre pas dans le cadre de la loi ne peut pas recevoir notre soutien. Les militants du climat poursuivent les mêmes buts que nous mais adoptent d'autres moyens, parfois contre-productifs. Je ne peux que les encourager à nous rejoindre pour consacrer leur énergie au combat politique. Plutôt que de prendre les gens en otage en bloquant un pont, il faut leur proposer des solutions, des alternatives à la voiture.
Quel genre de présidente souhaitez-vous être? En prenant la présidence, j'accepte de m'exposer. En tant que femme de terrain, je veux rester accessible. Au sein d'une famille politique, on doit pouvoir parler sans tabou. Je veux organiser des conférences, des débats sur divers thèmes: aménagement, social, santé, économie. J'aimerais que les élus de tous les échelons soient plus en contact les uns avec les autres. Chacun a à y gagner.
«Nous avons choisi la voie des institutions»
Quelle est la stratégie des Vert·e·s pour les municipales 2025? Nous allons travailler sur deux axes: le bilan de nos élus, très compétents, convaincus et courageux, et l'alliance avec les socialistes, qui est cohérente. L'objectif étant au minimum de maintenir nos sièges actuels. Etes-vous féministe? Bien sûr. Par mon histoire, je connais le prix de l'émancipation, je sais combien il faut se battre pour obtenir ce qu'on veut. Si j'ai dévoilé certains aspects de ma vie privée, c'est que la liberté est essentielle à mes yeux et qu'elle s'acquiert de haute lutte. Dans ce dévoilement, il y a un message politique pour toutes les femmes.
■