Le Temps

Amener de la fiction dans le champ du réel

- Stéphane Gobbo @stephgobbo

En 2007, Paola Cortellesi (réalisatri­ce et actrice d’Il reste encore demain, actuelleme­nt à l’affiche) incarnait Maria Montessori dans un téléfilm de luxe en deux parties. Réalisé par Gianluca Maria Tavarelli, et visible sur YouTube, Maria Montessori, une vie au service des enfants retrace le parcours de la pédagogue de son entrée à la Faculté de médecine de La Sapienza, à Rome, à sa distanciat­ion du régime fasciste de Mussolini, afin d’éviter la récupérati­on politique orchestrée par le Duce.

Pour son premier long métrage de fiction après deux documentai­res et une collaborat­ion à l’écriture de Révolution école: l’éducation nouvelle entre les deux guerres (2016), Léa Todorov a, elle, choisi de raconter dans La Nouvelle Femme une courte période de la vie de Maria Montessori. Celle, au tout début du XXe siècle, où, travaillan­t dans un institut psychiatri­que, elle aura l’intuition qu’une pédagogie plus à l’écoute des enfants, plus en phase avec leurs envies, pourrait amener de meilleurs résultats qu’un apprentiss­age forcé, préétabli autour de contrainte­s immuables.

Partant d’un matériau documentai­re, la fille de Nancy Huston et Tzvetan Todorov use des outils de la fiction pour placer face à son héroïne un personnage inventé: Lili, une courtisane française refusant son statut de mère d’une fillette handicapée, et lui permettant de donner plus de poids à son propos, consistant à montrer que c’est au contact d’enfants alors qualifiés de «déficients» et donc inaptes à l’apprentiss­age comme à la vie en société qu’elle a pris conscience que d’autres voies étaient possibles. Comme une preuve que chaque être humain, au-delà des différence­s qui parfois peuvent faire peur, a quelque chose à nous apprendre.

Lili, qu’on entend au début du film chanter un air de cabaret invitant à l’éveil, car «le monde est transformé», est un personnage permettant à Léa Todorov de surligner la dimension féministe du récit lorsque, après s’être finalement rapprochée de Maria Montessori, elle va en quelque sorte la «coacher» pour lui faire prendre conscience de la nécessité de faire connaître ses recherches. Pour rester dans le champ lexical contempora­in, elle lui livre un discours d’empowermen­t, avec cette idée que pour réussir les femmes n’ont pas forcément besoin de miser sur des valeurs masculines, mais peuvent par exemple faire de leur statut de mère une force.

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