Les troubles neurologiques, principale cause d’invalidité dans le monde
Les pathologies du système nerveux sont désormais la principale cause mondiale de problèmes de santé selon une étude publiée le 15 mars dernier dans «Lancet Neurology». L’OMS appelle à des actions de santé publique pour limiter la prévalence
L’allongement de l’espérance de vie est sans doute l’une des plus grandes réussites des systèmes de santé dans le monde. Cette augmentation est toutefois responsable d’une hausse des troubles neurologiques, tels que les démences et les accidents vasculaires cérébraux (AVC).
Selon une étude publiée le 14 mars dans Lancet Neurology, ce ne sont plus les maladies cardiovasculaires mais bien les troubles neurologiques qui causent le plus d’invalidités. En 2021, 3,4 milliards d’individus étaient touchés par un trouble neurologique, ce qui correspond à 43% de la population mondiale, selon ce travail mené par des chercheurs de l’Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME) basé à Seattle en collaboration avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Un nombre qui s’est accentué de 18% depuis 1990. Les scientifiques y voient une conséquence du vieillissement associé à un accroissement de la population mondiale. Les facteurs de risque métaboliques et environnementaux sont également évoqués pour expliquer cette progression.
«Il est important de veiller à ce que la santé cérébrale soit mieux comprise, valorisée et protégée, de la petite enfance au troisième âge» TEDROS ADHANOM GHEBREYESUS, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’OMS
Accidents vasculaires cérébraux en tête
Un autre élément permet de comprendre cette évolution. L’OMS répertorie une classification internationale des maladies (la CIM) pour assurer un suivi sanitaire. Celui-ci est modifié en fonction de l’évolution des pathologies. En 2018, la 11e modification de la CIM a classifié les AVC comme des maladies neurologiques et plus comme des maladies cardiovasculaires. «Avant cette modification, nous avions une vision faussée de la progression des invalidités liées aux maladies neurologiques, indique la Dre Pot Caroline, professeure de neurologie au CHU de Lausanne et vice-présidente de la Société suisse de neurologie. De nombreux troubles n’étaient pas mesurés car ils ne faisaient pas partie de la bonne classification.»
Dans l’étude menée par l’IHME, les chercheurs ont évalué ce que l’on appelle les Daly pour disability-adjusted life years. «C’est un indicateur de santé publique qui calcule la somme des années de vie en bonne santé perdues en raison de la mortalité prématurée ou d’un handicap», explique la Dre Pot. Et ce sont de loin les accidents vasculaires cérébraux qui provoquent le plus de déficits, avec 160 millions d’années de vie en bonne santé en moins. Suivis de près par l’encéphalopathie néonatale, la migraine, la démence, la méningite, l’épilepsie, les complications neurologiques liées à la prématurité, les troubles du spectre autistique et les cancers du système nerveux.
Mais le trouble qui a connu l’accroissement le plus rapide reste la neuropathie diabétique: une complication du diabète. Chez les personnes atteintes, la hausse de la glycémie, à savoir le taux de sucre dans le sang, peut à terme endommager les vaisseaux sanguins qui irriguent les nerfs. Ce qui provoque des fourmillements, voire des douleurs. Selon l’OMS, le nombre d’individus touchés par cette complication a triplé dans le monde depuis 1990, pour atteindre 206 millions de cas en 2021.
Les chercheurs ont également isolé la perte de santé neurologique causée par des maladies infectieuses. Les séquelles neurologiques du covid comme le syndrome de Guillain-Barré (un trouble neurologique rare où le système immunitaire attaque par erreur le système nerveux périphérique) arrivent au 20e rang du classement des affections handicapantes selon l’IHME. Toutefois, ce chiffre pourrait évoluer. Les chercheurs considèrent en effet que certains troubles cognitifs consécutifs à un covid semblent s’améliorer avec le temps.
Par ailleurs, plus de 80% des décès d’origine neurologique surviennent dans les pays à faible revenu où l’accès au traitement varie considérablement. Ceux à revenu élevé comptent jusqu’à 70 fois plus de professionnels de santé spécifiques à la neurologie pour 100 000 habitants.
«Les affections neurologiques causent de grandes souffrances aux personnes qu’elles affectent, et privent les communautés et les économies de leur capital humain, a déclaré Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS lors d’un communiqué de presse à la sortie de cette publication. Cette étude doit servir d’appel urgent à l’action pour intensifier les interventions ciblées afin de permettre un accès aux soins, aux traitements et à la réadaptation de qualité. Il est important de veiller à ce que la santé cérébrale soit mieux comprise, valorisée et protégée, de la petite enfance au troisième âge», affirme-t-il.
Comme le précise le directeur général de l’OMS, les adultes ne sont pas les seuls touchés. Les scientifiques mettent en avant la prévalence des maladies neurologiques chez l’enfant. Celle-ci correspond à 80 millions d’années de vie en bonne santé perdues dans le monde en 2021. «Les encéphalopathies néonatales, les méningites et les anomalies de fermeture du tube neural sont responsables de la majorité des troubles neurologiques chez les jeunes enfants», explique Caroline Pot.
Améliorer la prévention
La neuropathie diabétique est le trouble qui a connu l’accroissement le plus rapide
Identifier les facteurs de risque reste le meilleur moyen de diminuer la prévalence des maladies neurologiques dans la population. «Un sommeil de bonne qualité d’au moins sept heures par nuit, une alimentation équilibrée, une activité physique régulière, l’arrêt du tabac, la prise de l’acide folique pendant la grossesse sont des moyens de prévention efficaces pour réduire certaines pathologies neurologiques», indique la médecin.
La Société suisse de neurologie soutient d’ailleurs le «Swiss Brain Health Plan» pour prévenir et traiter les maladies neurologiques. «Ce projet cherche à favoriser une prise de conscience générale sur l’augmentation des troubles neurologiques, et également une prise de position politique pour lancer des programmes de prévention et promouvoir la santé cérébrale. Il est également important de former des médecins neurologues afin d’améliorer la prise en charge globale de ces maladies», exprime Caroline Pot. Ce programme est également porté par l’Académie européenne de neurologie en Europe.
Et qui parle de santé publique, dit action politique. Lors de l’Assemblée mondiale de la santé en 2022, les Etats membres ont adopté le Plan d’action mondial intersectoriel sur les troubles neurologiques. «Ce plan établit une feuille de route pour les pays afin d’améliorer la prévention, l’identification précoce, le traitement et la réadaptation des troubles neurologiques. Pour parvenir à l’équité et à l’accès à des soins, nous devons investir davantage dans la recherche, améliorer le soutien au personnel de santé et offrir des services adéquats», a déclaré Dévora Kestel, directrice du département Santé mentale et usage de substances psychoactives de l’OMS. Un enjeu de taille, sachant que les problèmes neurologiques sont responsables de la mort de plus de 11 millions de personnes à travers le monde en 2021.
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