Des titres aux destins boursiers contrastés
Les performances mirobolantes des Sept Magnifiques de la tech américaine ont dirigé les marchés en 2023. Présentés comme leurs équivalents européens, les Granolas ont des trajectoires différentes
Si vous avez un oeil sur la bourse, difficile d’être passé à côté du phénomène des Magnificent Seven. En 2023, ces sept titres ont porté les marchés financiers avec des croissances supérieures à celle du S&P 500 (l’indice boursier des 500 plus grandes sociétés cotées aux Etats-Unis). Derrière ce surnom: Alphabet, Amazon, Apple, Meta, Microsoft, Nvidia et Tesla. Début janvier, ces entreprises pesaient pour environ 30% de la capitalisation boursière du S&P 500.
Mais existe-t-il un pendant européen à ces sociétés américaines qui affolent les investisseurs? En 2020, la banque américaine Goldman Sachs avait créé le groupe des Granolas rassemblant 11 valeurs boursières européennes aux profils attractifs: GlaxoSmithKline, Roche Holding, ASML, Nestlé, Novartis, Novo Nordisk, L’Oréal, LVMH, AstraZeneca, SAP et Sanofi. D’autres se sont essayées à donner leurs alternatives aux cavaliers européens. Le groupe Citi a ses Super Seven, reprenant certains noms des Granolas (Novo Nordisk, ASML, LVMH, SAP, Schneider Electric, Richemont et Ferrari), tandis que la banque française Société Générale recense ses Sept Merveilles (Novo Nordisk, ASML, LVMH, SAP, Siemens, Schneider Electric et Hermès). Des sociétés qui ont pesé pour plus du tiers de la hausse du Stoxx Europe 600 (indice boursier composé de 600 des principales capitalisations boursières européennes) depuis janvier 2020.
Un éclat perdu
«L’ensemble de ces sociétés connaissent des cycles qui leur sont propres, donc elles sont difficilement comparables», nuance d’emblée Jérôme Schupp, responsable de la recherche chez le gestionnaire de fortune Prime Partners. Là où les Sept Magnifiques sont tous actifs dans la tech, leurs challengers européens évoluent dans domaines divers allants du luxe à la pharma en passant par l’agroalimentaire et l’informatique.
Au-delà des différences de secteur d’activité, ces sociétés ne connaissent pas des destins aussi uniformes que ces catégories le laissent penser. Ces derniers mois, même certaines des valeurs américaines ont perdu de leur éclat. «Les Sept Magnifiques ont été à la mode mais toutes ne sont plus aussi magnifiques aujourd’hui. Depuis le début de l’année, les destins de Tesla ou d’Apple sont très différents de ceux de Nvidia ou de Microsoft», relève Jérôme Schupp. En trois mois, la valeur du constructeur automobile d’Elon Musk a reculé d’environ 30%, celle d’Apple de 7,6% tandis que Nvidia, fabricant américain de puces dédiées à l’intelligence artificielle, a vu la sienne s’envoler de plus de 87% sur la même période.
«Ce qui est intéressant depuis le début de l’année, c’est que le Nasdaq et le S&P 500 ont quasiment la même trajectoire, ce qui signifie qu’il ne s’agit pas que d’une bonne performance de la tech, note l’expert. Les secteurs financiers et de la santé se portent très bien également.» La société financière JPMorgan a vu sa valeur augmenter de 15% tandis que le laboratoire pharmaceutique Eli Lilly, propulsé par le succès des traitements contre l’obésité, prend environ 36%.
Environnement compliqué
Côté européen, l’évolution de ces différentes valeurs est aussi inégale. Depuis 2022, Roche a vu son titre s’effondrer, reculant de quasiment 40% (-8,8% depuis le début de l’année) tandis que celui du danois Novo Nordisk, actif tout comme Eli Lilly dans le domaine des antidiabétiques et de la perte de poids, ne cesse de progresser. Le laboratoire s’est imposé comme la première capitalisation boursière d’Europe, devant LVMH. Le néerlandais ASML, qui fabrique les machines permettant de produire les puces électroniques de dernière génération, gagne, lui, 34% depuis le début de l’année.
«Ce sont des arbres qui cachent la forêt, parce que ces sociétés sont très internationales. Si elles ne réalisaient leur chiffre d’affaires qu’en Europe, où l’économie est à la peine, la situation ne serait pas aussi reluisante», souligne Jérôme Schupp. Pour l’année en cours, la croissance allemande est attendue à 0,1% tandis que la France se débat avec son déficit public, qui a atteint 5,5% de son PIB en 2023.
«Contrairement à d’autres périodes, les marchés sont aujourd’hui tirés vers le haut par les croissances bénéficiaires. Avant ils étaient portés par l’espérance d’une diminution des taux, mais nous sommes passés de six à trois baisses anticipées, et pourtant il n’y a pas de mouvement baissier sur les marchés. Cela s’explique parce que l’économie américaine continue de fonctionner mieux qu’anticipé, et certaines entreprises affichent des bénéfices importants. Nous sommes revenus à des fondamentaux», conclut Jérôme Schupp.
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