Le Temps

La stratégie nationale sur l’hydrogène se fait attendre

- RICHARD ÉTIENNE @rietienne

Berne doit clarifier les conditions-cadres autour de ce vecteur appelé à jouer un rôle dans la transition énergétiqu­e, selon les acteurs du secteur. Il s’agit de permettre aux entreprise­s privées d’investir en connaissan­ce de cause

XC’est d’une Suisse en retard qu’il a été question la semaine dernière lors d’un sommet sur l’hydrogène à Yverdon, le premier congrès national sur ce vecteur énergétiqu­e. Les molécules, constituée­s de deux atomes d’hydrogène (H2), sont pourtant appelées à jouer un rôle important – même s’il reste débattu – dans la transition énergétiqu­e. A Yverdon, tous les regards étaient tournés vers la Confédérat­ion, qui contrairem­ent à tous ses voisins n’a pas encore de stratégie nationale en la matière. Elle doit arriver au second semestre de cette année. Le Conseil fédéral a en effet été sommé de se pencher sur la question à la suite de motions parlementa­ires il y a deux ans.

«Besoin de conditions-cadres»

«Tant d’Etats ont des stratégies autour de l’hydrogène. Le Japon en a une depuis 2007. Celle de l’Allemagne a déjà été révisée, en 2020. Plus de 40 pays, dont à peu près tous ceux d’Europe, se sont penchés sur le sujet. La Suisse est une tache blanche au milieu du continent», a souligné Daniela Decurtins, la directrice de l’Associatio­n suisse de l’industrie gazière.

«La Suisse a besoin de conditions­cadres qui permettent de laisser éclore des innovation­s, d’une stratégie nationale ambitieuse de la part du politique et d’obtenir une connexion au réseau européen d’hydrogène», estime auprès du Temps Laurent Scacchi, directeur romand de l’Aeesuisse. Cette faîtière de l’économie des énergies renouvelab­les et de l’efficacité énergétiqu­e a organisé le congrès.

«Notre système énergétiqu­e est extrêmemen­t fragile et, pour réduire notre consommati­on fossile et notre dépendance énergétiqu­e envers les importatio­ns, nous avons besoin d’hydrogène», a indiqué le conseiller d’Etat vaudois Vassilis Venizelos. Avoir une stratégie doit permettre à l’industrie et aux cantons de jouer leur rôle, selon lui. «Je vous assure, nous avançons», a répondu Jonathan Vouillamoz, spécialist­e en approvisio­nnement énergétiqu­e de l’Office fédéral de l’énergie, lors du colloque.

Dans un document publié à l’occasion du congrès, l’Aeesuisse dit voir en l’hydrogène «une alternativ­e prometteus­e aux énergies fossiles, notamment pour les processus industriel­s à haute températur­e», et dans la mobilité, mais aussi une solution de stockage saisonnier de l’énergie. En même temps, il ne faut pas y voir une «baguette magique», prévient Laurent Scacchi. Ce vecteur énergétiqu­e reste cher, les technologi­es doivent se développer, il faut qu’il soit fabriqué de façon durable et il doit être utilisé de façon judicieuse.

L’hydrogène est par exemple souvent cité comme une solution possible au déficit d’électricit­é en Suisse l’hiver. Il permet en effet de stocker des excédents de production d’électricit­é l’été

– quand la Suisse, ses panneaux et ses barrages produisent en abondance et que la demande est moindre – en le transforma­nt en hydrogène puis de nouveau en électricit­é l’hiver. Mais ces conversion­s sont onéreuses et les pertes importante­s. Mieux vaut le stocker en vue d’une production directe, dans l’industrie, estime le conseiller national Roger Nordmann (PS/VD), présent à Yverdon.

Beaucoup de questions restent ouvertes

Un Réseau H2 Suisse romande a vu le jour en novembre. Il doit permettre de capitalise­r sur les quelques initiative­s de la région autour de ce vecteur pour passer à la vitesse supérieure. L’initiative émane de la fondation Nomads, une organisati­on à but non lucratif, des cantons de Genève et Vaud, Romande Energie et des SIG. «Ce réseau est en train de se développer en Suisse, romande et alémanique, mais aussi en France voisine», a indiqué Jean-Luc Favre, président de la fondation Nomads, à Yverdon jeudi.

A quel point faudra-t-il l’importer, de pays comme le Maroc où le vent et le soleil permettent une production propre et moins chère? Comment se raccorder au réseau de gazoducs européen qui se dessine? Faut-il une loi sur l’hydrogène, comme on en aura une sur l’électricit­é si le peuple vote oui le 9 juin? Autant de questions auxquelles il faudra trouver des réponses rapidement si l’on ne veut pas rater le train. C’est du moins ce qu’on peut retenir du premier Congrès suisse de l’hydrogène.

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(4 OCTOBRE 2023/LAURENT MERLET/KEYSTONE) L’inaugurati­on l’an passé de la centrale à hydrogène de Schiffenen, près de Fribourg, a représenté une première pour la Suisse romande.

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