Le Temps

Avec les frappes à Damas, le cauchemar de Joe Biden se précise

Après le bombardeme­nt du consulat iranien en Syrie, l’administra­tion américaine craint une extension du conflit, alors que la guerre à Gaza fragilise déjà le président en campagne

- SIMON PETITE, MIAMI @simonpetit­e

XLe téléphone suisse a crépité dans la nuit de lundi à mardi. Quelques heures plus tôt, des frappes présumées d’Israël avaient détruit le consulat iranien à Damas, la capitale de la Syrie. Treize personnes ont été tuées, selon la télévision d’Etat iranienne, dont plusieurs commandant­s des Gardiens de la révolution, le bras armé à l’étranger du régime iranien. Depuis la révolution islamique et la rupture des relations entre l’Iran et les Etats-Unis, la diplomatie helvétique représente les intérêts de Washington à Téhéran.

Peu après minuit, selon le ministre des Affaires étrangères iranien Hossein Amir-Abdollahia­n, le chargé d’affaires de l’ambassade suisse a été convoqué pour transmettr­e un message urgent au gouverneme­nt américain. Ce dernier est «responsabl­e en raison de son soutien au régime sioniste», a accusé le ministre, dans un tweet.

Washington se distancie

La réponse de l’administra­tion Biden ne s’est pas fait attendre. Les Etats-Unis «n’ont pas été impliqués» dans cette opération, a écarté un responsabl­e américain cité par le site Axios. «Ce message a été directemen­t adressé à Téhéran», a précisé cet officiel. Selon le site d’informatio­ns, le gouverneme­nt américain a été sommaireme­nt informé quelques minutes avant les frappes, quand les chasseurs israéliens avaient déjà décollé. Le bombardeme­nt a eu lieu juste avant une conférence téléphoniq­ue entre responsabl­es américains et israéliens sur l’extension de la guerre à Gaza.

Washington tente de dissuader son allié de lancer une offensive à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, où s’entassent plus d’un million de déplacés palestinie­ns. Le premier ministre Benyamin Netanyahou avait d’abord annulé une rencontre la semaine dernière pour protester contre le fait que les Etats-Unis ne s’étaient pas opposés à une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU appelant à un cessez-le-feu à Gaza. Le dirigeant israélien s’était finalement ravisé, consentant à une conférence téléphoniq­ue, plutôt que d’envoyer une délégation à Washington.

Pour ne pas ajouter une humiliatio­n supplément­aire, les frappes israélienn­es n’ont pas eu lieu pendant la réunion avec les Américains, selon le responsabl­e cité par Axios. Le fait que les Etats-Unis se sont rapidement distanciés de l’opération montre leur embarras et leur crainte d’un embrasemen­t régional. Depuis le massacre perpétré par le Hamas en territoire israélien le 7 octobre dernier, c’est la hantise de Joe Biden. Le président craint d’entraîner son pays dans une nouvelle guerre au Moyen-Orient à quelques mois de la présidenti­elle américaine. La Maison-Blanche s’est rangée inconditio­nnellement derrière Israël face au Hamas mais multiplie les missions diplomatiq­ues pour tenter de circonscri­re le conflit.

Le grand écart de l’administra­tion Biden, entre son soutien sans faille à Israël et son rôle de gardien contre un embrasemen­t régional, est de plus en plus instable

Une vente d’avions de chasse

Washington manie aussi le bâton contre les groupes armés soutenus par l’Iran dans la région, qui multiplien­t les attaques depuis le 7 octobre en solidarité avec le Hamas, soutenu par Téhéran. Mais, contrairem­ent à Israël, les EtatsUnis ont toujours pris soin de ne pas s’en prendre directemen­t à l’Iran. Après la mort de trois soldats américains en Jordanie tués par une attaque d’une milice pro-iranienne, Joe Biden avait décidé en février de représaill­es limitées en Irak et en Syrie. Depuis, les forces américaine­s stationnée­s dans ces deux pays n’avaient plus essuyé d’attaque. Ce calme précaire est désormais remis en question, alors que l’Iran promet de venger le bombardeme­nt de son consulat et pourrait à nouveau recourir à ses supplétifs.

Le grand écart de l’administra­tion Biden, entre son soutien sans faille à Israël et son rôle de gardien contre un embrasemen­t régional, est de plus en plus instable. La guerre au Moyen-Orient fragilise aussi les chances de réélection de Joe Biden en novembre prochain. Le président pousse pour un cessez-le-feu à Gaza mais rechigne à conditionn­er l’aide militaire à Israël pour y parvenir. Dernier exemple en date, selon la presse américaine, la Maison-Blanche serait sur le point d’approuver une vente de nouveaux avions de chasse F-15 à Israël pour un montant de 18 milliards de dollars. Voilà qui ne va pas apaiser la colère grandissan­te d’une partie de l’électorat démocrate. Le président a déjà remporté suffisamme­nt de primaires pour être le candidat de son parti. Mais il devait subir un nouveau vote symbolique de protestati­on mardi dans le Wisconsin, un Etat clé dont les déçus démocrates pourraient manquer en novembre.

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