Avec les frappes à Damas, le cauchemar de Joe Biden se précise
Après le bombardement du consulat iranien en Syrie, l’administration américaine craint une extension du conflit, alors que la guerre à Gaza fragilise déjà le président en campagne
XLe téléphone suisse a crépité dans la nuit de lundi à mardi. Quelques heures plus tôt, des frappes présumées d’Israël avaient détruit le consulat iranien à Damas, la capitale de la Syrie. Treize personnes ont été tuées, selon la télévision d’Etat iranienne, dont plusieurs commandants des Gardiens de la révolution, le bras armé à l’étranger du régime iranien. Depuis la révolution islamique et la rupture des relations entre l’Iran et les Etats-Unis, la diplomatie helvétique représente les intérêts de Washington à Téhéran.
Peu après minuit, selon le ministre des Affaires étrangères iranien Hossein Amir-Abdollahian, le chargé d’affaires de l’ambassade suisse a été convoqué pour transmettre un message urgent au gouvernement américain. Ce dernier est «responsable en raison de son soutien au régime sioniste», a accusé le ministre, dans un tweet.
Washington se distancie
La réponse de l’administration Biden ne s’est pas fait attendre. Les Etats-Unis «n’ont pas été impliqués» dans cette opération, a écarté un responsable américain cité par le site Axios. «Ce message a été directement adressé à Téhéran», a précisé cet officiel. Selon le site d’informations, le gouvernement américain a été sommairement informé quelques minutes avant les frappes, quand les chasseurs israéliens avaient déjà décollé. Le bombardement a eu lieu juste avant une conférence téléphonique entre responsables américains et israéliens sur l’extension de la guerre à Gaza.
Washington tente de dissuader son allié de lancer une offensive à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, où s’entassent plus d’un million de déplacés palestiniens. Le premier ministre Benyamin Netanyahou avait d’abord annulé une rencontre la semaine dernière pour protester contre le fait que les Etats-Unis ne s’étaient pas opposés à une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU appelant à un cessez-le-feu à Gaza. Le dirigeant israélien s’était finalement ravisé, consentant à une conférence téléphonique, plutôt que d’envoyer une délégation à Washington.
Pour ne pas ajouter une humiliation supplémentaire, les frappes israéliennes n’ont pas eu lieu pendant la réunion avec les Américains, selon le responsable cité par Axios. Le fait que les Etats-Unis se sont rapidement distanciés de l’opération montre leur embarras et leur crainte d’un embrasement régional. Depuis le massacre perpétré par le Hamas en territoire israélien le 7 octobre dernier, c’est la hantise de Joe Biden. Le président craint d’entraîner son pays dans une nouvelle guerre au Moyen-Orient à quelques mois de la présidentielle américaine. La Maison-Blanche s’est rangée inconditionnellement derrière Israël face au Hamas mais multiplie les missions diplomatiques pour tenter de circonscrire le conflit.
Le grand écart de l’administration Biden, entre son soutien sans faille à Israël et son rôle de gardien contre un embrasement régional, est de plus en plus instable
Une vente d’avions de chasse
Washington manie aussi le bâton contre les groupes armés soutenus par l’Iran dans la région, qui multiplient les attaques depuis le 7 octobre en solidarité avec le Hamas, soutenu par Téhéran. Mais, contrairement à Israël, les EtatsUnis ont toujours pris soin de ne pas s’en prendre directement à l’Iran. Après la mort de trois soldats américains en Jordanie tués par une attaque d’une milice pro-iranienne, Joe Biden avait décidé en février de représailles limitées en Irak et en Syrie. Depuis, les forces américaines stationnées dans ces deux pays n’avaient plus essuyé d’attaque. Ce calme précaire est désormais remis en question, alors que l’Iran promet de venger le bombardement de son consulat et pourrait à nouveau recourir à ses supplétifs.
Le grand écart de l’administration Biden, entre son soutien sans faille à Israël et son rôle de gardien contre un embrasement régional, est de plus en plus instable. La guerre au Moyen-Orient fragilise aussi les chances de réélection de Joe Biden en novembre prochain. Le président pousse pour un cessez-le-feu à Gaza mais rechigne à conditionner l’aide militaire à Israël pour y parvenir. Dernier exemple en date, selon la presse américaine, la Maison-Blanche serait sur le point d’approuver une vente de nouveaux avions de chasse F-15 à Israël pour un montant de 18 milliards de dollars. Voilà qui ne va pas apaiser la colère grandissante d’une partie de l’électorat démocrate. Le président a déjà remporté suffisamment de primaires pour être le candidat de son parti. Mais il devait subir un nouveau vote symbolique de protestation mardi dans le Wisconsin, un Etat clé dont les déçus démocrates pourraient manquer en novembre.
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