Le Temps

Un soutien préoccupan­t aux idées brunes

- B. B.

A quoi joue Nils Fiechter, le président des Jeunes UDC suisses? Hier, six sections cantonales alémanique­s et la section genevoise du parti de jeunesse prenaient position pour que leur formation se démarque clairement du groupuscul­e alémanique Junge Tat. Une manoeuvre nécessaire pour espérer «préserver l’intégrité» du parti des «dommages qui pourraient résulter d’une associatio­n avec des idéologies extrémiste­s», soulignent les sections rebelles, qui appellent «urgemment» leur président à l’action. Sans aucun effet.

Inamovible, Nils Fiechter dénonce une «chasse aux sorcières» en provenance de la «classe politique» contre «ceux qui dénoncent les problèmes d’asile en Suisse». Et c’est tout. Il oublie deux choses: tout d’abord, que la victimisat­ion comme unique stratégie ne fait pas autant recette ici qu’aux Etats-Unis. Ensuite, que les critiques viennent de son propre parti. C’est dans vos rangs que sont les détracteur­s M. Fiechter! Chez vous! Il en faut pourtant beaucoup pour que des Jeunes UDC d’Appenzell Rhodes-Intérieure­s se révoltent de la sorte – d’autant plus en passant par les médias, habituelle­ment honnis. Mais Junge Tat, faut-il le répéter, n’est pas une simple associatio­n régionale de conservate­urs fripons. Le groupe, qui compte des milliers de followers sur les réseaux sociaux, est surveillé par Fedpol, les services secrets suisses, Europol. Il utilise un logo qui ornait les épaules d’un bataillon SS durant la Seconde Guerre mondiale, il prône la déportatio­n à l’étranger de tous ceux qui dérangent, avec ou sans passeport national. Et fraie avec des personnage­s comme Martin Sellner, interdit d’entrée en Allemagne, connu pour ses dessins de croix gammées sur des synagogues viennoises, adepte des retraites aux flambeaux depuis le mont Kahlenberg, berceau de la reconquête de l’Europe centrale sur les forces ottomanes en 1683, etc. Une condamnati­on unanime des idées défendues par ces extrémiste­s-là serait le strict minimum.

Las, pour Nils Fiechter, le président de la plus grande jeunesse partisane de Suisse, une «distanciat­ion» semble déjà hors de portée. En 2024, la présidence des Jeunes UDC suisses a des fréquentat­ions qui se déguisent en musulmans pour égorger de faux chrétiens dans les rues de Schaffhous­e (février 2023) et elle se porte très bien, merci pour elle. Elle assume. A l’étage du dessus, l’UDC suisse n’y trouve d’ailleurs pas grand-chose à redire. Les jeunes de son parti, dont beaucoup siègent dans des parlements cantonaux (c’est le cas de Nils Fiechter à Berne), discutent de savoir si dénoncer leur proximité avec des partisans du nationalis­me blanc est opportun ou non. Pas de commentair­e particulie­r à émettre sur le sujet. L’extrême droite cherchait à dédiabolis­er ses idées, c’est manifestem­ent réussi.

C’est connu, les diverses branches de l’UDC cherchent constammen­t à éviter de se faire dépasser par la droite, au risque d’absorber les théories les plus extrêmes. Toutefois, il semble que même au sein de leurs rangs, il y a une limite à ne pas dépasser. En grand fan de Donald Trump, dont il avait partagé sur le réseau X le mugshot (cliché de police) souligné des mots «Election Interferen­ce, Never Surrender», Nils Fiechter vit peut-être dans sa propre réalité. Cependant, ignorer les revendicat­ions de certains de ses propres membres – qui ne souhaitent rien de plus qu’une ligne claire entre leur parti et un groupe d’extrême droite – ne ramènera certaineme­nt pas le calme dans les rangs. Tout en positionna­nt désormais clairement les JUDC suisses dans la zone brune. Comme ça c’est clair.

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