Le Temps

L’instrument­alisation symptomati­que de Rolex

L’horlogerie suisse apparaît une fois encore comme une victime collatéral­e dans une possible affaire de corruption. Au Pérou, une seule montre a suffi à transforme­r un soupçon en scandale et à pousser le tiers d’un gouverneme­nt à la démission. Sous un nom

- STÉPHANE GACHET

Ce n’est pas la première fois que l’horlogerie suisse est instrument­alisée dans des histoires de corruption – avérées ou non. L’affaire dont il est question a fait le tour du monde: six des 18 ministres du gouverneme­nt péruvien ont annoncé lundi leur démission. Cette démission en bloc intervient deux jours après une perquisiti­on au domicile et au bureau de la présidente du Pérou, Dina Boluarte, par une quarantain­e de policiers et de magistrats. Ces derniers étaient à la recherche de montres Rolex que la présidente est soupçonnée de ne pas avoir mentionnée­s dans sa déclaratio­n de patrimoine. Il n’en fallait pas plus pour que l’affaire soit renommée «Rolexgate» et que le terme se répande comme un puissant hashtag.

En l’occurrence, la marque à la couronne paie le prix fort de son rayonnemen­t. Les démissions intervienn­ent deux semaines après la diffusion sur les réseaux sociaux d’un épisode du podcast La Encerrona, dans lequel le présentate­ur fait l’inventaire des montres que Dina Boluarte a porté en public. Il est fait état d’une collection de 14 montres. Une seule Rolex apparaît dans l’émission du 14 mars à l’origine du scandale – une Rolex Datejust 36 mm en or rose et acier, vendue 14 200 francs chez Bucherer.

L’affaire sera plus claire en fin de semaine. Selon l’agence AFP, le parquet a sommé Dina Boluarte de présenter les montres en sa possession lors d’une convocatio­n prévue vendredi. Précisant que la défense de la présidente affirme que la police a trouvé quelques montres lors des opérations au palais du gouverneme­nt, mais aucune Rolex. La direction de la marque genevoise, contactée, précise: «En tant que marque, nous n’avons aucun commentair­e à faire sur le sujet.»

De la Thaïlande au Venezuela

Ce n’est pas la première fois que l’horlogerie suisse apparaît ainsi victime collatéral­e d’affaires ou de soupçons de corruption. En 2018, Prawit Wongsuwan, ancien militaire et homme d’Etat thaïlandai­s, a été épinglé à cause de sa collection de montres de luxe. Alejandro Andrade, ancien ministre des Finances du Venezuela, avait plaidé coupable de corruption en novembre 2018. Il appréciait particuliè­rement les montres suisses de luxe: il en possédait 34.

D’autres liens entre la montre suisse et des pratiques de corruption sont apparus de manière évidente sur le marché chinois. Le Temps en avait fait le détail en septembre 2017, dans un article consacré à l’étude sectoriell­e de Deloitte. Cette dernière laissait clairement apparaître une hausse des ventes liées à l’assoupliss­ement des mesures anticorrup­tion.■

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