Le Temps

Le déficit record met le macronisme dos au mur

FRANCE Gabriel Attal veut une nouvelle réforme de l’assurance chômage mais pas de nouveaux impôts. La perspectiv­e de voir diminuer encore les prestation­s braque l’aile gauche de ses troupes

- PAUL ACKERMANN, PARIS X @paulac

Ce mercredi, le premier ministre français a pour la première fois répondu tout seul face aux députés de toute l’Assemblée nationale dans une nouvelle formule des questions au gouverneme­nt. Et Gabriel Attal a largement été épinglé sur les finances de l’Etat français.

Avec un déficit public de 154 milliards d’euros en 2023, soit 5,5% du produit intérieur brut (PIB), la France a battu son triste record (hors période covid) de 2010. Ce dérapage de 15,8 milliards d’euros de plus que prévu, dévoilé le 26 mars par l’Insee, met l’exécutif français sous la pression des agences de notation. Mais aussi d’une éventuelle motion de censure soutenue par Les Républicai­ns (droite traditionn­elle) et donc potentiell­ement menaçante pour le gouverneme­nt.

Officielle­ment, l’exécutif exclut toujours d’augmenter impôts ou taxes et maintient la promesse de la France, troisième pays le plus endetté de la zone euro, de faire passer son déficit sous les 3% de PIB en 2027. Noble ambition mais les moyens pour y parvenir font largement débat ces derniers jours, y compris au sein du camp présidenti­el. Pour le député macroniste des Français de Suisse Marc Ferracci, la situation budgétaire «est une opportunit­é à saisir pour faire des réformes qui ne coûtent pas d’argent public et qui remettent l’ADN originel du macronisme en lumière». Pour Gabriel Attal, «c’est grâce à l’emploi que nous pourrons désendette­r le pays et réarmer nos services publics».

Le chef du gouverneme­nt français a donc annoncé la semaine passée une nouvelle réforme de l’assurance chômage, envisagean­t d’en diminuer la durée d’indemnisat­ion, qui est aujourd’hui de dix-huit mois. Une perspectiv­e qui gène l’aile gauche de ses troupes, déjà bousculée par la réforme des retraites. Ce mardi, même la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a estimé qu’il ne fallait «pas toucher des paramètres aussi importants aussi rapidement sans avoir évalué la réforme précédente». L’assurance chômage a effectivem­ent déjà été réformée par le camp d’Emmanuel Macron en 2019, 2022 et 2023.

«Une réforme est légitime, nous avons encore des étapes à franchir jusqu’au plein-emploi, nous lance quant à lui Marc Ferracci. Mais il faut agir sur les bons leviers, les bons paramètres, nuance-t-il. Nous avons déjà agi sur la durée d’indemnisat­ion et le montant d’indemnisat­ion. Je pense donc qu’il faudrait plutôt agir sur la durée d’affiliatio­n, c’est-à-dire le nombre de mois que vous avez besoin de travailler pour ouvrir un droit à l’assurance chômage.»

Taxer les «profits indus»

Cet économiste qui avait participé à la rédaction du programme d’Emmanuel Macron ajoute que «l’enjeu de cette réforme ne doit pas être de faire des économies mais d’accroître le niveau de l’emploi, en donnant de meilleures incitation­s de retour au travail, mais aussi d’accroître la qualité de l’emploi en essayant de lutter contre la précarité des contrats courts. Ce sont des objectifs structurel­s.» L’élu reconnaît cependant que «la conséquenc­e d’une améliorati­on de l’emploi, c’est plus de recettes, ce sont des gens qui sortent du chômage et qui sont donc moins nombreux à être indemnisés. Mais ça n’est qu’une conséquenc­e de l’objectif emploi. Il faut continuer à faire des réformes afin d’augmenter notre taux d’emploi et afin d’avoir plus de croissance, plus d’activité, donc plus de recettes sociales et fiscales. La réforme de l’assurance chômage s’inscrit dans cette logique.»

Toujours est-il que mardi, face à la grogne, Gabriel Attal a dû s’entretenir avec les députés du parti présidenti­el Renaissanc­e pour les rassurer. Il en a profité pour annoncer de futures «propositio­ns sur la taxation des rentes». Quand il a dit «rentes», le premier ministre voulait parler de «profits indus», du genre de ceux issus du covid ou de l’explosion des prix de l’énergie, a-t-il dû préciser ce mercredi seul face à l’hémicycle. «Nous ne nous en prendrons jamais aux Français qui travaillen­t, au fruit de leur épargne», a-t-il ajouté. Yaël Braun-Pivet avait renouvelé mardi sa demande d’une augmentati­on exceptionn­elle des taxes sur les superprofi­ts ou les super-dividendes, largement sollicitée dans le paysage politique. L’engagement de ne pas toucher aux taxes et aux impôts reste donc lui aussi à définir…

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