Zurich veut plus de soins palliatifs à domicile
DIGNITÉ Un projet pilote entend permettre aux patients en phase terminale de mourir chez eux, en souffrant le moins possible. Pour la «NZZ», Andreas Weber, un médecin-chef spécialiste en la matière, présente ces choix, qui pourraient faire des émules
En Suisse, les soins palliatifs manquent cruellement de moyens. L’offre d’accompagnement des personnes en fin de vie est, au mieux, inégale sur le territoire national, voire presque inexistante par endroits. Selon une recherche de l’Office fédéral de la santé publique présentée l’année passée, 19 cantons font état de lacunes au niveau du financement. Le canton de Zurich veut y remédier et va financer un projet pilote à hauteur de 9,5 millions de francs. La NZZ détaille l’ambition zurichoise à travers l’interview d’Andreas Weber, médecin-chef de l’hôpital de Wetzikon que le quotidien présente comme le pionnier des soins palliatifs.
Un pionnier qui n’y va pas par quatre chemins: «Beaucoup de gens ne peuvent pas mourir comme et où ils le souhaitent. […] Les spécialistes et les connaissances nécessaires manquent souvent […]. Et le financement est insuffisant presque partout pour l’utilisation d’unités mobiles de soins palliatifs. Il en résulte des transferts inutiles à l’hôpital ou des mesures de maintien en vie qui ne sont même pas souhaitées. Ou la pire des variantes: les patients sont condamnés à souffrir durant leurs dernières heures, ils vomissent – et personne ne peut les aider.»
Percement d’un poumon
Andreas Weber et son équipe proposent au contraire une offre de soins palliatifs à domicile, ou dans certaines maisons de repos, comme à Uster. Ce sont ces unités mobiles qui inspirent particulièrement le Conseil d’Etat zurichois et sa ministre de la Santé, Natalie Rickli. La recherche encourage la démarche: selon l’Université de Berne, 20 millions de francs investis dans les soins palliatifs permettraient une économie de 150 à 450 millions en frais hospitaliers, assure la NZZ.
Andreas Weber illustre le propos avec le cas récent d’un patient en fin de vie qui suffoquait à domicile et qui a été traité chez lui. «Le médecin est venu avec un échographe et a percé les poumons. Deux litres d’eau sont sortis et l’essoufflement a disparu. Sans cette aide, le patient aurait été transporté aux urgences en ambulance et y serait probablement resté jusqu’à sa mort.» Une intervention que le médecin estime à 500 francs, alors qu’avec une hospitalisation, «on peut vite atteindre plus de 10 000 francs».
Les morts ne peuvent pas faire de lobby
Le canton de Zurich entend donc développer son offre en misant sur trois axes: la formation continue pour que les professionnels eux-mêmes privilégient le plus possible les soins à domicile – pour Andreas Weber, «les médecins qui viennent des hôpitaux orientent souvent trop rapidement les patients palliatifs vers les urgences» –, une extension des visites médicales chez les patients (y compris pour les enfants malades) et le développement d’unités de soins palliatifs dans les maisons de repos. Le médecin-chef de l’hôpital de Wetzikon croit en ces mesures, sur la base de son expérience avec le home d’Uster. «Nous y avons prodigué des soins palliatifs à 60 patients, auxquels nous avons dû consacrer entre quatre à six heures par personne. Le foyer a assuré le reste lui-même grâce à une bonne formation.»
Les 9,5 millions de francs que Zurich va investir dans le domaine ne seront toutefois pas suffisants aux yeux d’Andreas Weber, qui voit dans ce projet «une solution temporaire». Il reste beaucoup de travail pour faire passer l’idée à l’échelon national et trouver une solution avec les assurances maladie (qui prennent en charge les soins palliatifs réalisés à l’hôpital, mais pas à domicile). Et le médecin de conclure: «Tout le monde pense que notre travail est important mais, en fin de compte, vous ne pouvez pas gagner beaucoup d’argent en tant qu’établissement proposant des soins palliatifs. C’est pour cela que nous manquons d’un lobby puissant qui pourrait influencer la politique. […] Or, ceux qui ont bénéficié de nos soins ne peuvent pas y contribuer, puisqu’ils sont déjà morts.»
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