Ce qui épuise les agriculteurs
Bien sûr, les agriculteurs produisent de la nourriture et ils entretiennent le paysage. Mais surtout, ils préservent les techniques et les sols pour assurer la sécurité alimentaire et la stabilité socioéconomique du pays.
Cette approche s'inscrit dans une logique qui exige de ne pas compromettre la capacité de production agricole locale, même si certains produits ne répondent pas à une demande immédiate ou semblent moins essentiels ou trop coûteux dans le contexte actuel. Car il est absolument nécessaire de pouvoir adapter rapidement sa production indigène en cas de besoin. Les concepts de sécurité nationale et de résilience économique imposent le soutien à l'agriculture au même titre qu'à l'armée, qui garantit la sécurité physique du pays et à la protection civile, qui intervient en cas de catastrophe.
Dans cet objectif, la Suisse s'efforce de maintenir une production suffisamment diversifiée et flexible pour faire face à des situations imprévues telles que des événements climatiques, des pandémies ou des conflits.
Considérer l'agriculture comme un pilier de la nation souligne son importance stratégique pour le bien-être et l'indépendance de notre pays. Fournir des aides financières aux exploitants permet de maintenir des communautés rurales dynamiques et de préserver les ressources naturelles essentielles à long terme. Soutenir l'agriculture dans cette perspective préventive stimule par ailleurs l'innovation et la recherche.
Nos élus réfléchissent donc régulièrement aux moyens que la collectivité doit mettre à la disposition des entreprises agricoles et ils aménagent des conditions-cadres favorables à leur activité. Ils tentent de trouver un équilibre entre la protection des intérêts des citoyens et la promotion de la viabilité économique des exploitations, pour assurer une agriculture durable et accessible aux consommateurs.
Mais pourquoi, malgré un soutien étatique important, les producteurs affrontent-ils aujourd'hui des défis quasi insurmontables et menacent-ils de baisser les bras?
Les subventions publiques imposent certes des contrôles et les agriculteurs, comme tous les autres bénéficiaires, doivent s'y soumettre, ce qui engendre naturellement des charges administratives. Mais la réglementation excessive ou inefficace et des normes qui évoluent sans cesse entraînent, en plus de ces charges, des frais supplémentaires pour parvenir à la conformité réglementaire.
Protection de l'environnement, sécurité alimentaire, santé et bien-être des animaux, normes de qualité, exigences en matière de documentation, règles de production spécifiques, contrôles de qualité fréquents, restrictions quant à l'utilisation de certaines pratiques agricoles… Les tracasseries pullulent. La flexibilité des agriculteurs dans leurs méthodes de production s'en trouve limitée, les obligeant parfois à adopter des pratiques plus coûteuses pour se conformer aux normes, même si d'autres méthodes moins chères pourraient se révéler tout aussi efficaces. Nos agriculteurs sont devenus des employés administratifs, entravés dans leur objectif de produire à un coût acceptable pour les consommateurs, qui eux subissent de plein fouet la répercussion de ces frais additionnels sur le prix des produits agricoles.
Pour soutenir l'agriculture efficacement, il faut arrêter de réglementer à tout va, laisser faire les professionnels et contrôler la qualité de la production. Nous avons besoin des agriculteurs mais la profession n'est plus attractive et plus personne n'ose se lancer car, comme pour de nombreux secteurs d'activité, la réglementation pléthorique et trop stricte générée par les faiseurs de lois transforme l'entrepreneur en fonctionnaire.
La surréglementation gangrène la société occidentale. Non seulement elle entrave le dynamisme et la rentabilité entrepreneuriale mais elle génère un gonflement exponentiel des coûts de l'administration (et corollairement des impôts qui la financent). De plus, l'évolution incessante des normes et des obligations nuit à la sécurité du droit.
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Le concept de sécurité nationale et de résilience économique impose le soutien à l’agriculture au même titre qu’à l’armée