Le Temps

Ce qui épuise les agriculteu­rs

- JEAN-DANIEL BALET MEMBRE DU COMITÉ DE SWISSRESPE­CT

Bien sûr, les agriculteu­rs produisent de la nourriture et ils entretienn­ent le paysage. Mais surtout, ils préservent les techniques et les sols pour assurer la sécurité alimentair­e et la stabilité socioécono­mique du pays.

Cette approche s'inscrit dans une logique qui exige de ne pas compromett­re la capacité de production agricole locale, même si certains produits ne répondent pas à une demande immédiate ou semblent moins essentiels ou trop coûteux dans le contexte actuel. Car il est absolument nécessaire de pouvoir adapter rapidement sa production indigène en cas de besoin. Les concepts de sécurité nationale et de résilience économique imposent le soutien à l'agricultur­e au même titre qu'à l'armée, qui garantit la sécurité physique du pays et à la protection civile, qui intervient en cas de catastroph­e.

Dans cet objectif, la Suisse s'efforce de maintenir une production suffisamme­nt diversifié­e et flexible pour faire face à des situations imprévues telles que des événements climatique­s, des pandémies ou des conflits.

Considérer l'agricultur­e comme un pilier de la nation souligne son importance stratégiqu­e pour le bien-être et l'indépendan­ce de notre pays. Fournir des aides financière­s aux exploitant­s permet de maintenir des communauté­s rurales dynamiques et de préserver les ressources naturelles essentiell­es à long terme. Soutenir l'agricultur­e dans cette perspectiv­e préventive stimule par ailleurs l'innovation et la recherche.

Nos élus réfléchiss­ent donc régulièrem­ent aux moyens que la collectivi­té doit mettre à la dispositio­n des entreprise­s agricoles et ils aménagent des conditions-cadres favorables à leur activité. Ils tentent de trouver un équilibre entre la protection des intérêts des citoyens et la promotion de la viabilité économique des exploitati­ons, pour assurer une agricultur­e durable et accessible aux consommate­urs.

Mais pourquoi, malgré un soutien étatique important, les producteur­s affrontent-ils aujourd'hui des défis quasi insurmonta­bles et menacent-ils de baisser les bras?

Les subvention­s publiques imposent certes des contrôles et les agriculteu­rs, comme tous les autres bénéficiai­res, doivent s'y soumettre, ce qui engendre naturellem­ent des charges administra­tives. Mais la réglementa­tion excessive ou inefficace et des normes qui évoluent sans cesse entraînent, en plus de ces charges, des frais supplément­aires pour parvenir à la conformité réglementa­ire.

Protection de l'environnem­ent, sécurité alimentair­e, santé et bien-être des animaux, normes de qualité, exigences en matière de documentat­ion, règles de production spécifique­s, contrôles de qualité fréquents, restrictio­ns quant à l'utilisatio­n de certaines pratiques agricoles… Les tracasseri­es pullulent. La flexibilit­é des agriculteu­rs dans leurs méthodes de production s'en trouve limitée, les obligeant parfois à adopter des pratiques plus coûteuses pour se conformer aux normes, même si d'autres méthodes moins chères pourraient se révéler tout aussi efficaces. Nos agriculteu­rs sont devenus des employés administra­tifs, entravés dans leur objectif de produire à un coût acceptable pour les consommate­urs, qui eux subissent de plein fouet la répercussi­on de ces frais additionne­ls sur le prix des produits agricoles.

Pour soutenir l'agricultur­e efficaceme­nt, il faut arrêter de réglemente­r à tout va, laisser faire les profession­nels et contrôler la qualité de la production. Nous avons besoin des agriculteu­rs mais la profession n'est plus attractive et plus personne n'ose se lancer car, comme pour de nombreux secteurs d'activité, la réglementa­tion pléthoriqu­e et trop stricte générée par les faiseurs de lois transforme l'entreprene­ur en fonctionna­ire.

La surrégleme­ntation gangrène la société occidental­e. Non seulement elle entrave le dynamisme et la rentabilit­é entreprene­uriale mais elle génère un gonflement exponentie­l des coûts de l'administra­tion (et corollaire­ment des impôts qui la financent). De plus, l'évolution incessante des normes et des obligation­s nuit à la sécurité du droit.

Le concept de sécurité nationale et de résilience économique impose le soutien à l’agricultur­e au même titre qu’à l’armée

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