En Israël, Benny Gantz brise le tabou des élections
Pour la première fois depuis le début de la guerre à Gaza, le principal rival du premier ministre Netanyahou a appelé à la tenue des législatives, surfant sur la colère populaire
Mercredi soir, Benny Gantz a brisé un tabou en Israël: celui d’appeler à des élections législatives anticipées alors que la guerre n’est pas terminée. Le moment ne doit rien au hasard. L’annonce survient alors qu’Israël vient de connaître sa plus grande manifestation anti-Netanyahou depuis des mois. Samedi, le rassemblement de milliers d’Israéliens marquait l’entrée du pays dans sa troisième grande vague de protestations en cinq ans. Après s’être insurgés en mai 2020 contre Benny Gantz qui rompait sa promesse en annonçant entrer dans le gouvernement Netanyahou, et avoir, dès janvier 2023, réagi au retour de ce dernier et aux tentatives d’affaiblir la Cour suprême, la population descend à nouveau dans la rue. Le résultat de l’alliance entre les groupes d’opposition actifs en 2020 et 2023 et certaines familles d’otages convaincues que la pression sur Netanyahou permettra des avancées dans les négociations qui s’enlisent.
Fervent défenseur de la conscription pour tous, le général Benny Gantz profite aussi de l’impact de l’annonce, la semaine dernière, d’une réforme du service militaire visant à intégrer les juifs orthodoxes. La proposition met Netanyahou en difficulté, car sa fragile coalition dépend des deux grands partis représentant les ultra-orthodoxes. Mais elle est plébiscitée par de nombreux Israéliens scandalisés par l’exemption alors que le pays est en guerre.
Si Benny Gantz parle maintenant d’élections anticipées, c’est enfin qu’il cherche à tirer profit de la crise diplomatique entre Israël et les Etats-Unis pour se positionner comme l’homme de la réconciliation. Alors que Netanyahou ne l’y avait pas autorisé, il s’était rendu à Washington et à Londres. Le premier ministre, lui, n’a pas parlé à Joe Biden depuis le 18 mars. Nul doute que le sort des sept travailleurs humanitaires de l’ONG américaine World Central Kitchen tués lundi à Gaza a fait l’objet d’âpres discussions lors de leur appel téléphonique d’hier, le premier depuis plusieurs jours.
Face à Netanyahou, Gantz a cependant un problème: c’est l’absence d’opposition unie. Quel prix accepter pour libérer les otages? Est-ce pertinent de manifester alors que le Hamas n’est pas défait? Personne n’est d’accord mais mercredi soir, le Likoud, parti de Netanyahou, rejetait l’appel à des élections qui «nuiraient aux combats». Voilà qui parlait d’autant plus aux Israéliens que les frappes de lundi sur le consulat d’Iran à Damas ont provoqué la crainte de représailles. Le brouillage GSP a été activé dans le centre du pays, les familles se ruent dans les supermarchés et l’armée a suspendu les congés des unités de combat. «Je ne suis pas sûr que le pire soit derrière nous», affirmait le chef de la direction du renseignement militaire Aharon Haliva. Voilà qui n’aidera pas Benny Gantz à prouver qu’il fait cavalier seul pour le bien du pays s’il quitte le cabinet de guerre. ■