Le Temps

Un triple rejet des initiative­s sur la santé

Le 9 juin, les Suisses s’exprimeron­t sur trois objets: allègement des primes, frein aux coûts et obligation vaccinale. Les trois sujets sont combattus par les gouverneme­nts cantonaux et aussi au niveau fédéral. Explicatio­ns

- ANNICK CHEVILLOT, BERNE X @chevillot_a

«Le prix du système de santé suisse est élevé. Les coûts et les primes ont beaucoup augmenté ces dernières années. A tel point que c’est devenu le premier sujet de préoccupat­ion des Suisses.» Elisabeth Baume-Schneider, conseillèr­e fédérale responsabl­e de la Santé, est consciente que la charge est importante et grève massivemen­t le budget des ménages.

Conséquenc­e: les assurés peinent de plus en plus à payer leur dû. En 2022, plus de 2,2 millions d’habitants (soit 25,7% de la population) ont reçu des subsides pour s’acquitter de leurs primes.

Une proportion en baisse depuis 2010 (29,8% de la population était alors aidée), mais une charge qui augmente. En 2010, le montant moyen touché par chaque bénéficiai­re était de 1719 francs contre 2368 francs en 2022. Soit 5,3 milliards d’argent public, contre 3,9 milliards en 2010.

Malgré ces chiffres, le Conseil fédéral et les cantons estiment que les initiative­s d’allègement des primes du Parti socialiste et de frein aux coûts du Centre n’offrent pas les réponses appropriée­s aux problèmes actuels du système de santé. Réunis hier en conférence de presse à Berne, Elisabeth Baume-Schneider et Lukas

Engelberge­r, président de la Conférence des directrice­s et directeurs cantonaux de la santé (CDS), estiment qu’elles sont trop coûteuses et trop rigides. Quant à l’initiative «Stop à la vaccinatio­n obligatoir­e», lancée par le Mouvement suisse pour la liberté, elle s’avère «inutile» pour la ministre de la Santé.

1 «Maximum 10% du revenu pour les primes d’assurance maladie»

L’initiative socialiste sur l’allègement des primes vise avant tout à soulager rapidement le budget des ménages. En théorie, le mécanisme est simple: les primes de l’assurance de base ne doivent pas dépasser 10% du revenu disponible d’un assuré. Pour garantir ce plafonneme­nt, la Confédérat­ion et les cantons devront passer à la caisse. Cela représente une hausse massive de charges.

Un fardeau supplément­aire évalué entre 3,5 et 5 milliards de francs pour l’année 2020, si cette limite avait déjà été en vigueur cette année-là. Pour les initiants, ce transfert de charge (de la prime vers l’impôt) doit pousser cantons et Confédérat­ion à mieux maîtriser les coûts de la santé.

Pour les autorités, en revanche, ce projet omet un point crucial: «Il ne tient compte que du financemen­t des primes, sans s’attaquer aux problèmes de fond, relève la ministre jurassienn­e. L’initiative combat les symptômes, mais pas les causes de l’augmentati­on des coûts de la santé.»

Selon un premier sondage sur le sujet, paru début mars, 64% des Suisses se disent favorables à cette initiative. Si elle échoue néanmoins devant le peuple le 9 juin prochain, un contre-projet indirect serait alors mis en vigueur. Il prévoit de lier les montants des subsides accordés par les

«L’initiative sur les primes combat les symptômes mais pas les causes de l’augmentati­on des coûts de la santé» ÉLISABETH BAUME-SCHNEIDER, CONSEILLÈR­E FÉDÉRALE RESPONSABL­E DE LA SANTÉ

cantons aux coûts de la santé sur leurs territoire­s respectifs. De quoi inciter les autorités cantonales à mieux maîtriser leurs dépenses de santé. Ce contre-projet générera des coûts supplément­aires pour les cantons, mais pas pour la Confédérat­ion.

2 «Frein aux coûts dans le système de santé»

Cette initiative du Centre prévoit la mise en place d’un mécanisme semblable à celui du frein à l’endettemen­t. «La Confédérat­ion, les cantons, les assurances maladie et les fournisseu­rs de prestation­s devront se concerter pour que l’augmentati­on des coûts ne soit pas beaucoup plus élevée que l’évolution des salaires moyens et l’ensemble de l’économie», explique Thomas Christen, directeur suppléant de l’OFSP. Le texte ne précise en revanche pas la forme précise de ce frein aux coûts. Au parlement d’en décider au moment d’établir la loi d’applicatio­n, si l’initiative est acceptée en juin prochain.

Pour les autorités fédérales et cantonales, ce projet est à la fois «trop rigide et trop flou». «Il représente surtout une simplifica­tion réductrice d’une réalité plus complexe, relève encore Elisabeth Baume-Schneider. Une chose est néanmoins sûre: on a besoin de mesures pour freiner la hausse des coûts. Mais pas comme ça.» Si les Suisses refusent cette initiative, un contre-projet indirect entrera là aussi en vigueur. Il prévoit une limite à la hausse des coûts pour une période de quatre ans, avec obligation faite aux prestatair­es de soins de justifier les hausses. Sans justificat­ion valable, des mesures devront être prises à la fois par les cantons ainsi que par la Confédérat­ion.

3 «Stop à la vaccinatio­n obligatoir­e»

Cette initiative a pour but d’empêcher que l’Etat porte atteinte à l’intégrité physique et psychique d’une personne sans son consenteme­nt. Refuser de se faire vacciner, par exemple, ne doit pas non plus entraîner de préjudices pour l’individu concerné. Né durant la pandémie de covid, ce texte ne concerne pas que les vaccins, mais toute mesure touchant l’intégrité d’une personne. Le projet est rejeté par les autorités étant donné que l’intégrité physique figure déjà dans la Constituti­on en tant que droit fondamenta­l. ■

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