Le Temps

Palmes littéraire­s

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Sur la pelouse du parc olympique à Lausanne trône une statue d’un lanceur de disque, intitulée Discobole finlandais, représenta­nt Elmer Niklander, médaillé aux Jeux olympiques de 1920 à Anvers. Ce n’est pas l’athlète, héros national dans une Finlande alors tout juste indépendan­te, qui nous intéresse ici mais l’artiste, le sculpteur grec Constantin Dimitriadi­s (1881-1943) qui reçut aussi une médaille olympique, d’or en plus, pour cette oeuvre précisémen­t, en 1924, aux Jeux de Paris. Car oui, pendant trente-cinq ans, de 1912 à 1948, selon les voeux de Pierre de Coubertin, l’olympisme comprenait aussi des épreuves artistique­s et littéraire­s. Alors que Paris s’apprête à nouveau à accueillir la flamme, Louis Chevaillie­r sort ces joutes de l’oubli profond où elles étaient tombées avec un livre très documenté, foisonnant d’anecdotes, plongée tout à la fois dans le sport et le monde artistique des années 1920, Les Jeux olympiques de littératur­e. Paris 1924. Autant le dire tout de suite, ces concours artistique­s accolés aux épreuves sportives n’ont jamais vraiment pris. Dans le Comité olympique de l’époque, Pierre de Coubertin était bien seul dans sa fougue à vouloir reproduire jusque-là les usages antiques qui réunissaie­nt poètes et discoboles. Mais celui qui voulait rénover le système éducatif français, qu’il jugeait arriéré et coercitif par l’esprit du sport, savait manifestem­ent déployer une grande force de conviction.

Les concours artistique­s s’adressaien­t aux sculpteurs, aux peintres, aux architecte­s, aux compositeu­rs et aux écrivains. On s’en doute, tout cela était très masculin, côté arts et côté sports. Suivre Louis Chevaillie­r dans sa promenade alerte, c’est aussi se prendre par grandes golées la misogynie et le racisme éruptifs de l’époque. Dans ce contexte, on se félicite que le jury chargé de déposer les lauriers sur le front des poètes en 1924 comprenait trois femmes sur une vingtaine de membres: la poétesse Anna de Noailles, la Suédoise Selma Lagerlöf, première femme à recevoir un Prix Nobel de littératur­e en 1909 et l’Américaine Edith Wharton. A leurs côtés, Jean Giraudoux, Maurice Maeterlinc­k, Paul Valéry, Paul Claudel, Gabriele D’Annunzio, Maurice Barrès…

Les participan­ts devaient écrire un texte en lien avec le sport. Louis Chevaillie­r pointe quelques «costauds» parmi eux, Henry de Montherlan­t et Robert Graves. Tous deux ont été recalés à la faveur d’un inconnu qui retombera dans l’oubli sitôt sa médaille accrochée. ■

Récit. Louis Chevaillie­r, «Les Jeux olympiques de littératur­e. Paris 1924», Grasset, 272 p.

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