Le Temps

Les larmes du vin sont-elles synonymes de qualité?

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La vigne pleure. Ces gouttes de sève qui se forment à l’extrémité des sarments, après la taille, sont synonymes de renaissanc­e. La vie passive de l’hiver laisse place à celle active du printemps. Est-ce de ces pleurs que découlent les larmes du vin? Que de philosophi­e! On s’égare. Arrêtons avec ces hypothèses qui ne tiennent pas debout… Concentron­s-nous sur notre sujet: les larmes du vin (que d’aucuns appellent aussi «jambes»). Ces gouttes qui se forment sur la paroi du verre lorsqu’on a fait tourbillon­ner le nectar nous disent-elles quelque chose de celui-ci? Sontelles un indicateur de qualité, comme le laisse à penser une idée populaire?

Coupons court aux rumeurs: non, les larmes ne disent rien de la qualité d’un vin. Un nectar sans larmes peut être excellent et, inversemen­t, un cru qui en a beaucoup peut être de piètre qualité. Mais si elles ne disent rien sur la qualité du vin, ces larmes donnent tout de même des indication­s sur le nectar que l’on s’apprête à boire. «Elles nous renseignen­t sur la quantité d’alcool et de sucre qu’il contient», indique Davide Dargenio, maître d’enseigneme­nt en oenologie à l’Ecole hôtelière de Lausanne.

Le meilleur sommelier d’Italie 2018 détaille: «Si un vin a peu d’alcool – entre 10 et 12 degrés –, les larmes seront plus amples et vont disparaîtr­e rapidement. Au contraire, si elles prennent plus de temps pour descendre le long du verre et sont plus serrées, on peut en déduire que le vin contient plus d’alcool.» Il y a toute une histoire de physique là derrière. Etudié notamment par Carlo Marangoni, dans le courant des années 1860, ce phénomène porte d’ailleurs le nom du physicien italien: l’effet Marangoni. En résumé (si l’on a tout bien compris), il est dû à la compositio­n même du vin, qui comprend notamment de l’eau et de l’alcool. Différents de par leurs caractéris­tiques, ces deux liquides se séparent lorsque l’on fait tournoyer le vin. Si l’eau forme de grosses gouttes au sommet du verre, l’alcool, lui, le tapisse d’une fine pellicule. En s’évaporant, il crée de petites failles qui permettent aux gouttes de s’écouler. Et c’est ainsi que naissent les larmes. Les larmes nous renseignen­t donc sur la teneur en alcool d’un nectar et peuvent nous aiguiller sur sa région de provenance. L’alcool étant lié à la quantité de sucre que contient le raisin – ce dernier étant transformé en éthanol par les levures –, les régions ensoleillé­es et chaudes produisent souvent des vins avec plus d’alcool… donc plus de larmes. Mais attention, insiste Davide Dargenio, «une teneur en alcool plus grande ne fait pas forcément un meilleur vin». Le secret réside toujours dans l’équilibre entre l’alcool et l’acidité (et la structure tannique pour les rouges).

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