Le Temps

Timide reprise des entrées en bourse

Après deux années marquées par un nombre très bas d’introducti­ons boursières en Suisse et dans le reste du monde, la situation s’est quelque peu améliorée au cours des trois premiers mois de 2024. Les experts se montrent «prudemment» optimistes

- LASSILA KARUTA

Les introducti­ons en bourse ont retrouvé un peu de couleur au premier trimestre. Et exceptionn­ellement, la place boursière suisse se trouve tout en haut du podium mondial grâce à Galderma. Le laboratoir­e de dermatolog­ie, qui a fait ses débuts à Zurich le 22 mars, représente la cotation la plus importante au niveau mondial: quelque 2,3 milliards de francs ont pu être levés lors de la transactio­n. «Nous avons longtemps attendu cette reprise après quasiment deux années de faible activité», relève Tobias Meyer du cabinet d’audit et de conseil Ernst & Young (EY). «Nous savons également qu’il y a un certain nombre d’entreprise­s qui étudient la possibilit­é d’entrer en bourse», ajoute le responsabl­e des cotations (IPO) chez EY en Suisse. Sans dévoiler les éventuels candidats, le spécialist­e rappelle toutefois que la place financière suisse attire en particulie­r les secteurs de la santé et des sciences de la vie. Abondant dans le même sens, l’opérateur de la bourse suisse, SIX Swiss Exchange, confirme que des sociétés, se trouvant à des stades de préparatio­n différents, seraient intéressée­s par une éventuelle cotation, sans s’épancher sur le calendrier.

«Mais par rapport aux autres marchés clés, il y a généraleme­nt relativeme­nt peu d’IPO en Suisse», nuance Tobias Meyer. 2023, un cru considéré comme faible, compte dix nouvelles entrées à la place financière zurichoise. Mais ce chiffre a été dopé par les cotations secondaire­s (certificat­s de dépôt ou GDR) de huit firmes chinoises sur SIX, et le négoce actuel de ces titres est très faible. Et environ 2,3 milliards ont été levés lors de ces dix opérations, tout autant que lors de l’IPO de Galderma cette année.

L’arrivée du spécialist­e des génériques et des biosimilai­res Sandoz, une ex-filiale de Novartis, à la bourse suisse a constitué l’événement phare de l’année dernière, même s’il ne s’agissait pas d’une introducti­on en bourse classique pour lever des fonds, mais d’une cotation par scission. Lors de cette opération, les actionnair­es de Novartis ont reçu des actions Sandoz en échange de leurs parts dans la maison mère.

Par ailleurs, le moment précis pour faire ses premiers pas à SIX, ou une autre place financière, est une décision cruciale pour les firmes. Galderma, qui représente la plus importante introducti­on en bourse helvétique depuis 2017, avait déjà annoncé en 2021 son intention d’être coté à Zurich mais avait dû plusieurs fois reporter ce projet en raison d’incertitud­es sur les marchés financiers. Les années 2022 et 2023 ont en effet été marquées par l’envolée de l’inflation, la hausse des taux d’intérêt par les banques centrales et l’entame des guerres notamment en Ukraine et à Gaza.

Un certain optimisme

Depuis le début de 2024, un certain optimisme est cependant de retour dans la communauté financière mondiale: à quelques exceptions près, les bourses mondiales ont battu record après record au premier trimestre. Et au niveau des IPO, le ciel s’est quelque peu découvert: le volume d’émission mondial a augmenté de 7% sur un an à 23,7 milliards de dollars (21,4 milliards de francs) mais le nombre de cotations a reculé de 7% à 287, selon le dernier baromètre d’EY. L’Europe et les EtatsUnis ont en particulie­r contribué à cette évolution positive tandis que la Chine continue de freiner la timide reprise en cours.

C’est sur le Vieux-Continent que se trouvent également les deuxième et troisième entrées en bourse les plus significat­ives en termes de volume, à savoir celle du suédois Amer Sports et du parfumeur allemand Douglas. Au total, 5,9 milliards de dollars ont été levés en Europe lors des IPO, presque le triple de la même période il y a un an. En revanche, le nombre de sociétés nouvelleme­nt cotées a baissé à 26, contre 28 auparavant.

Les volumes d’émission les plus importants ont quant à eux été inscrits aux Etats-Unis avec 8,5 milliards de dollars après 2,6 milliards en glissement annuel. Il y a également davantage de firmes (49, après 33) qui ont fait leurs premiers pas à Wall Street. En revanche, en Chine et à Hongkong, les sommes collectées se sont effondrées de 62% à 3,9 milliards, ce qui reflète l’inquiétude des investisse­urs par rapport à la deuxième économie mondiale. Les bourses chinoises, contrairem­ent aux autres marchés, n’ont pas participé à l’euphorie observée ailleurs.

Sunrise se prépare

Le bâlois Syngenta, spécialisé en produits agrochimiq­ues et en mains du groupe chinois ChemChina, a annoncé récemment avoir retiré sa demande d’introducti­on en bourse à Shanghai. Dès que les conditions nécessaire­s seront réunies, l’entreprise s’efforcera de relancer son introducti­on en bourse en Chine ou ailleurs. La société examinera également d’autres sources de financemen­t, a-t-elle déclaré lors de la publicatio­n de ses résultats annuels.

«Si les conditions de marché restent favorables, nous devrions assister cette année à une progressio­n des entrées en bourse, en Suisse, tout comme dans les autres pays, notamment en raison d’une faible base de comparaiso­n», estime Tobias Meyer. Par rapport aux deux dernières années, certains signaux sont en train de passer au vert: l’inflation décélère progressiv­ement et les principale­s banques centrales, à l’image de l’institut d’émission suisse (BNS), devraient commencer à baisser leurs taux d’intérêt au cours des prochains mois, ce qui rendra les emprunts moins chers.

L’étude d’EY met également en exergue qu’une majorité de sociétés spécialisé­es dans le private equity, et détenant des sociétés, anticipent en 2024 davantage de cotations. «Bien évidemment, nous ne sommes pas à l’abri de tensions géopolitiq­ues qui pourraient remettre en question les récentes avancées», rappelle l’expert du cabinet de conseil. A l’approche des élections, notamment aux Etats-Unis, certains investisse­urs pourraient à nouveau miser sur la prudence.

Mi-février, l’opérateur de télécommun­ications Sunrise a annoncé son intention de revenir à la bourse suisse au deuxième semestre 2024. La société avait été décotée en avril 2021 à la suite de son rachat par UPC Suisse et son propriétai­re Liberty Global. Le journal alémanique Finanz und Wirtschaft a pour sa part dressé une liste de candidats ayant des velléités de cotation en 2024 ou 2025. A côté de Sunrise, figure la start-up Skycell, spécialisé­e dans la medtech, pour cette année. Les autres pourraient selon l’article y aller en 2025. ABB E-mobility – une division du groupe d’ingénierie ABB –, l’industriel Brusa HyPower, le sous-traitant de l’industrie horlogère Acrotec, le spécialist­e en service aéroportua­ire Swissport, le fournisseu­r de repas pour les compagnies aériennes Gategroup et le fabricant de machines agricoles Aebi Schmidt figurent sur la liste.

Parallèlem­ent, la bourse suisse, qui compte environ 230 sociétés, connaît cependant aussi son lot de décotation­s. La dernière annonce en date est celle de l’entreprise biopharmac­eutique basée à Genève Obseva. Le titre cessera d’être négocié en mai 2024.

«Un certain nombre d’entreprise­s étudient la possibilit­é d’entrer en bourse» TOBIAS MEYER, ERNST & YOUNG

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(ZURICH, 6 MAI 2015/KEYSTONE/ANTHONY ANEX) Cette année, les introducti­ons en bourse devraient progresser en Suisse, tout comme sur les principale­s places financière­s.

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