Le Temps

Quand il y en a pour deux (%), il y en a pour trois

- FRÉDÉRIC POTELLE DIRECTEUR DE LA RECHERCHE, CO-CIO, BORDIER

Coupera, coupera pas? Coupera un peu, ou beaucoup? Voilà les questions devenues obsessions de tout économiste ou investisse­ur, concernant les baisses de taux attendues des banquiers centraux en 2024. Mais quel est le combustibl­e alimentant cette machine à paris planétaire?

L’inflation, sa trajectoir­e et les anticipati­ons y relatives. Jusqu’au microscope. Un microscope réglé sur le sacro-saint objectif des 2%, jugé consubstan­tiel à celui de la stabilité des prix. Soit, mais le sacré est parfois fait pour être transgress­é: si une banque centrale est jugée crédible dans son mandat de stabilité des prix avec un objectif d’inflation de 2%, pourquoi le serait-elle moins avec un objectif de 3% ?

Les économies avancées sont tellement avancées… que l’horloge de l’Histoire a tourné. Les défis auxquels elles sont confrontée­s s’appellent transition énergétiqu­e, souveraine­té alimentair­e, militaire, industriel­le et technologi­que, ou relocalisa­tion. Une vague d’investisse­ments majeurs a démarré et doit se poursuivre.

Oui, mais ces économies avancées sont, pour la plupart, déjà lourdement endettées. Levons donc les yeux de notre microscope et regardons vers 2050, l’horizon couramment considéré pour la transition énergétiqu­e, que nous proposons d’élargir à une transition «globale», comparable à la période d’après Seconde Guerre mondiale marquée par l’investisse­ment, le progrès… et l’inflation.

Passons du microscope à la calculatri­ce et considéron­s une zone monétaire dont le PIB et la dette seraient de 100 en 2024, soit un ratio de dette/PIB de 100%. Une économie avancée typique, dont le taux de croissance réelle – c’est-à-dire hors inflation – serait de 1,5% par an et le déficit de 3% du PIB. Sous ces hypothèses, une inflation de 2% conduit en 2050 à un PIB de 245 et une dette de 224, soit un ratio de dette/PIB de 92%, toujours élevé.

Une inflation de 3% conduirait, elle, à un PIB multiplié par 3,14 (Pi: un signe?) et à une dette de 243, certes plus élevée mais ne représenta­nt plus que… 77% du PIB: 15 points de moins, le miracle des chiffres nominaux et de l’effet de compositio­n.

Symétrique­ment, l’acceptatio­n d’une inflation plus élevée et maîtrisée permettrai­t, à taux d’endettemen­t constant, des taux de déficits budgétaire­s supérieurs.

De grands défis sont devant nous, qui exigeront des investisse­ments massifs, donc des déficits structurel­s importants. Un objectif d’inflation légèrement supérieur à la norme des dernières décennies sera peut-être, à terme, l’un des outils pour les surmonter. Quand il y en a pour deux (%), il y en a peutêtre pour trois…■

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