Quand il y en a pour deux (%), il y en a pour trois
Coupera, coupera pas? Coupera un peu, ou beaucoup? Voilà les questions devenues obsessions de tout économiste ou investisseur, concernant les baisses de taux attendues des banquiers centraux en 2024. Mais quel est le combustible alimentant cette machine à paris planétaire?
L’inflation, sa trajectoire et les anticipations y relatives. Jusqu’au microscope. Un microscope réglé sur le sacro-saint objectif des 2%, jugé consubstantiel à celui de la stabilité des prix. Soit, mais le sacré est parfois fait pour être transgressé: si une banque centrale est jugée crédible dans son mandat de stabilité des prix avec un objectif d’inflation de 2%, pourquoi le serait-elle moins avec un objectif de 3% ?
Les économies avancées sont tellement avancées… que l’horloge de l’Histoire a tourné. Les défis auxquels elles sont confrontées s’appellent transition énergétique, souveraineté alimentaire, militaire, industrielle et technologique, ou relocalisation. Une vague d’investissements majeurs a démarré et doit se poursuivre.
Oui, mais ces économies avancées sont, pour la plupart, déjà lourdement endettées. Levons donc les yeux de notre microscope et regardons vers 2050, l’horizon couramment considéré pour la transition énergétique, que nous proposons d’élargir à une transition «globale», comparable à la période d’après Seconde Guerre mondiale marquée par l’investissement, le progrès… et l’inflation.
Passons du microscope à la calculatrice et considérons une zone monétaire dont le PIB et la dette seraient de 100 en 2024, soit un ratio de dette/PIB de 100%. Une économie avancée typique, dont le taux de croissance réelle – c’est-à-dire hors inflation – serait de 1,5% par an et le déficit de 3% du PIB. Sous ces hypothèses, une inflation de 2% conduit en 2050 à un PIB de 245 et une dette de 224, soit un ratio de dette/PIB de 92%, toujours élevé.
Une inflation de 3% conduirait, elle, à un PIB multiplié par 3,14 (Pi: un signe?) et à une dette de 243, certes plus élevée mais ne représentant plus que… 77% du PIB: 15 points de moins, le miracle des chiffres nominaux et de l’effet de composition.
Symétriquement, l’acceptation d’une inflation plus élevée et maîtrisée permettrait, à taux d’endettement constant, des taux de déficits budgétaires supérieurs.
De grands défis sont devant nous, qui exigeront des investissements massifs, donc des déficits structurels importants. Un objectif d’inflation légèrement supérieur à la norme des dernières décennies sera peut-être, à terme, l’un des outils pour les surmonter. Quand il y en a pour deux (%), il y en a peutêtre pour trois…■