Le Temps

Dans le négoce de matières premières, la fête continue

Les principaux traders ont publié leurs chiffres financiers de 2023, avant un sommet du secteur à Lausanne du 8 au 10 avril. La volatilité des cours leur profite

- RICHARD ÉTIENNE @rietienne

L’année 2024 demeure très chahutée sur le front des matières premières. Le cacao flambe, l’or va de record en record. Vendredi, le baril de pétrole a de nouveau franchi la barre des 90 dollars et le prix du cuivre atteint son plus haut niveau depuis quatorze mois. Des conditions a priori favorables aux négociants car elles créent des possibilit­és d’arbitrage (combler un décalage tarifaire entre deux endroits) et de profits.

Cette volatilité, dans le sillage de la pandémie puis de la guerre en Ukraine, a permis aux principaux négociants de dégager des bénéfices historique­s ces dernières années. Elle sera certaineme­nt au centre des discussion­s au sommet des matières premières du Financial Times, qui se tient du 8 au 10 avril à Lausanne. Plusieurs maisons de trading ont publié leurs chiffres pour 2023 à cette occasion, à nouveau très élevés.

Bénéfice record pour Trafigura

Gunvor a fait état mercredi d’un bénéfice net de 1,25 milliard de dollars (pour un chiffre d’affaires de 127 milliards) pour 2023. Fin mars, Vitol a publié des ventes de 400 milliards de dollars (sans divulguer son bénéfice). Totsa, un autre groupe genevois, a enregistré un résultat net proche de 3 milliards de dollars et Louis Dreyfus un bénéfice supérieur à 1 milliard de dollars. Celui de Trafigura grimpe à 7,4 milliards et celui de Glencore à 4,3 milliards.

Des résultats pas forcément meilleurs qu’en 2022, mais qui confirment la tendance à la hausse relevée ces trois dernières années. Des performanc­es (à part celles de Glencore, basé à Zoug) qui ont aussi, du côté de Genève, largement contribué aux excédents fiscaux ces dernières années et à des baisses d’impôts.

«Pour le négoce des matières premières, 2023 a été une année de rééquilibr­age. Les chaînes d’approvisio­nnement, les prix des matières premières, la volatilité et la croissance économique ont commencé à se normaliser après les chocs de 2022», estimait le cabinet Oliver Wyman dans une analyse en mars.

«La croissance des marchés de matières premières a attiré une vague de nouveaux entrants – des négociants axés sur la technologi­e, des fonds, des banques, des miniers, des raffineurs –, créant une offre supplément­aire en liquidités et en gestion de risques», selon le cabinet McKinsey. Il y voit «une évolution positive». Les changement­s sont rapides sur le front du gaz. Sur les 635 méthaniers en activité dans le monde, une centaine ont été lancés ces trois dernières années, et leur nombre devrait dépasser celui des pétroliers d’ici à 2028, relève McKinsey.

Les marges ont diminué mais l’exercice 2023 se classe au deuxième rang des bénéfices les plus élevés du secteur, avec une croissance soutenue depuis 2018, relève le consultant. Les négociants ont accumulé des réserves de liquidités entre 70 et 120 milliards de dollars ces cinq dernières années, selon le cabinet Oliver Wyman.

Des sanctions aussi

Ces réserves ont permis d’accroître les paies et de multiplier les acquisitio­ns, voire de payer des amendes. Fin mars, Trafigura a déboursé 127 millions de dollars dans un accord avec la justice américaine pour des faits de corruption au Brésil remontant à une dizaine d’années. Deux semaines plus tôt, Gunvor a été contraint de régler 660 millions de dollars à la suite d’une affaire de corruption en Equateur.

Du côté des emplettes, Vitol a acquis pour 1,7 milliard d’euros le groupe italien Saras. Gunvor a racheté une usine à gaz espagnol. Le mois dernier, Mercuria, un autre groupe genevois, a investi 500 millions de dollars dans un nouveau fonds, baptisé «Silvania», dédié à des solutions en faveur du climat. Trafigura a acquis les activités européenne­s de Greenergy, un fournisseu­r de carburants, et Louis Dreyfus a absorbé un exportateu­r de café brésilien.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland