Le Groupe Sapec en quête urgente de relève
Jacques Nuoffer, cofondateur de l'association, quittera ses fonctions à la fin de l'année et lance un appel pour que l'aide aux victimes puisse perdurer
«Urgent: le comité a besoin de relève». Le message saute aux yeux de quiconque se connecte sur le site internet du Groupe Sapec et a le mérite d’être clair. L’avenir de l’association de soutien aux personnes abusées dans une relation d’autorité religieuse est suspendu à l’engagement de nouvelles personnes motivées à reprendre le flambeau. Les cofondateurs du groupe Marie-Jo Aeby et Jacques Nuoffer ont quitté ou quitteront leurs fonctions, respectivement en mars et en décembre prochain.
Cela fait bientôt quatorze ans que Jacques Nuoffer, psychologue de métier, accueille la parole des victimes de violences dans l’Eglise, anime les activités du comité, répond aux journalistes, prépare des conférences, discute avec des institutions concernées, peaufine des procès-verbaux de séances. «J’ai investi bénévolement l’équivalent d’un mi-temps depuis 2010», précise-t-il. Gagné par la fatigue et une certaine lassitude, le Fribourgeois bientôt octogénaire, lui-même victime d’abus par un clerc, décide de vivre sa retraite à la suite d’un chemin intense.
Créé en 2010 «dans la colère» et l’urgence de venir en aide aux victimes de clercs catholiques, le Groupe Sapec a d’abord fait face à une institution religieuse «dans laquelle 99% des prélats avaient choisi de rester sourds ou mentaient», se souvient le président. Le groupe travaillera sans relâche pour la reconnaissance des violences sexuelles en contexte ecclésial et pour la création d’une Commission indépendante et neutre d’écoute, de conciliation, d’arbitrage et de réparation en faveur des victimes: la Cecar.
Délicate position d'intermédiaire
Cette année 2024 est donc cruciale pour le Groupe Sapec: «Soit on trouve des personnes pour assurer la relève du comité, soit on dissout l’association», résume Jacques Nuoffer. A l’heure où le thème des violences sexuelles dans l’Eglise a explosé en Suisse, l’engagement dans une telle association s’annonce évidemment conséquent. L’actuel président rêverait de voir les rênes reprises par des personnes qui ont bénéficié du soutien du Groupe Sapec ou par des membres de leur entourage. «Il faudra continuer de développer ce rôle d’intermédiaires entre les personnes victimes et l’Eglise, dans une posture où l’on collabore avec cette dernière notamment pour avoir des informations, où elle nous fait confiance, mais sans que cette proximité soit trop grande ni perçue comme un manque d’indépendance de notre part.»
Jacques Nuoffer estime que la dimension multireligieuse pourrait aussi s’imposer aux combats du Groupe Sapec de demain, les violences sexuelles étant un triste dénominateur commun à nombre de groupes confessionnels. Si l’association perdure, il continuera à y mettre son énergie en tant que membre, tout comme son ex-collègue Marie-Jo Aeby, restée active en soutien aux victimes au sein de l’Eglise protestante. «Il y aura toujours des personnes qui doivent sortir du silence et qui auront besoin d’un espace neutre où des gens sont disponibles.»
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