Le Temps

«Life on Mars», ou la paix des étoiles

- ALEXIS FAVRE PRODUCTEUR D’«INFRAROUGE» (RTS)

L’inénarrabl­e Elon Musk tenait salon samedi sur sa Starbase texane, près de la frontière mexicaine. Au programme de cette petite conférence improvisée sur le tarmac de Boca Chica, que vous avez peutêtre suivie en direct, un point de situation sur les projets maison de colonisati­on de la planète Mars, «la meilleure des destinatio­ns pour le début de la vie multiplané­taire». Parfaiteme­nt.

Dans les grandes lignes, expliquait-il, le projet obéit à une nécessité assez simple à comprendre: la conscience humaine est une chose trop rare dans l’univers pour mériter de disparaîtr­e avec la planète Terre, dans l’hypothèse où celle-ci devait devenir infréquent­able. Hypothèse que personne ne peut malheureus­ement exclure.

SpaceX et son patron se chargent donc d’installer un échantillo­n d’humanité sur Mars d’ici vingt ans, suffisamme­nt organisé pour pouvoir prendre le relais et perpétuer l’espèce tout là-haut, si vraiment les choses devaient se gâter sur Terre. Mars n’étant évidemment qu’une première étape de proximité avant la suite logique: la vie interstell­aire. «Star Trek, en vrai», en anglais dans le texte.

Pour moi, qui ai déjà toutes les peines du monde à trouver le bon tram à Cornavin, l’affaire est un chouïa vertigineu­se, je dois l’admettre. J’ai déjà envisagé une retraite en Camargue, en Grèce, sur la côte Atlantique ou même sur un bateau, mais la planète rouge, beaucoup moins. Mars, c’est beau, je n’en doute pas, mais c’est un peu loin de tout.

Je vais peut-être devoir me faire une raison. Ou du moins considérer l’espace avec un peu plus d’attention, si j’en crois ce qui s’y passait, samedi toujours et cette fois très concrèteme­nt, à l’instant même où Musk briefait ses ouailles.

A 10h17, heure de Moscou, le vaisseau spatial Soyouz MS-24 atterrissa­it au Kazakhstan en provenance de la Station spatiale internatio­nale, avec à son bord un Russe, une Biélorusse et une Américaine. Deux cosmonaute­s et une astronaute, selon le vocabulair­e consacré, de retour au bercail dans la même petite boîte en métal.

Nous l’aurions presque oublié, mais pendant que nous autres Terriens n’en finissons pas de nous engueuler, alors que la guerre se déchaîne en Ukraine, que Moscou et l’Occident sont à couteaux tirés sur fond de menace nucléaire et de troisième guerre mondiale au coin de la rue, l’Est et l’Ouest n’ont jamais cessé de se faire des papouilles en orbite.

L’ISS est l’un des derniers lieux dans l’univers où Américains et Russes se tolèrent et coopèrent. Ce n’est pas facile tous les jours, d’accord, et les Russes sont un peu ric-rac sur le budget, mais jusqu’ici, ça tient. Et ce n’est pas tout à fait rien. Contre vents et marées, ou serait-ce en l’absence de vent comme de marée, les uns et les autres semblent se supporter en apesanteur.

Y aurait-il dans le grand vide intersidér­al quelque chose de propice à la concorde? Quelque chose d’éventuelle­ment fertile et prometteur? Un peu d’espoir éventuelle­ment?

Je divague probableme­nt. Mais si je devais suivre Elon Musk quelque part, ce serait dans son diagnostic. Celui de la rareté de la conscience humaine, miraculeus­e dans l’immensité du temps et de l’espace. Il faudra bien s’en occuper, de ce miracle, s’il venait à douter de lui au point de songer à s’autodétrui­re. Il faudra bien que quelqu’un l’empêche de faire n’importe quoi.

J’aurais préféré qu’on s’en charge tous ensemble ici-bas, moi qui aime l’odeur de la pluie après l’orage et les cerisiers japonais. Pour tout vous dire, je continue d’ailleurs d’y croire dur comme fer, à notre petite Terre. Star Trek, ça n’a jamais été mon truc. Mais la paix des étoiles, comme un pied de nez de dernier recours, finalement pourquoi pas?

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland