Le Temps

Le détenu modèle Brian Dorsey a été exécuté

Le condamné à mort a reçu une injection létale dans un pénitencie­r du Missouri, au centre des Etats-Unis. Fait inédit, environ 70 de ses gardiens avait appelé en vain à l’épargner

- SIMON PETITE, MIAMI X @simonpetit­e

Brian Dorsey a été déclaré mort mardi à 18h11, heure locale, dans le pénitencie­r de Bonne Terre au Missouri, l’un des derniers Etats à appliquer la peine de mort aux Etats-Unis. Quelques minutes plus tôt, cet homme de 52 ans avait reçu une injection létale, la méthode d’exécution la plus utilisée outre-Atlantique. Brian Dorsey est le cinquième condamné exécuté depuis le début de l’année dans le pays.

La particular­ité de ce cas? Environ 70 de ses gardiens de prison ont imploré la clémence pour cet homme qui a reconnu le meurtre, le 23 décembre 2006, de sa cousine Sarah Bonnie et de son mari Ben, chez qui il était hébergé pour échapper à des trafiquant­s de drogue qui lui réclamaien­t de l’argent. Jade, la fille de 4 ans du couple, qui dormait dans une autre chambre, avait été épargnée. «C’est la première fois que je vois un tel soutien pour la clémence de la part d’employés pénitentia­ires en activité ou à la retraite», commente Robin Maher, directrice du Death Penalty Informatio­n Center, une ONG qui documente l’usage de la peine de mort aux Etats-Unis et milite pour son abolition.

«Je me considère comme un conservate­ur qui soutient la loi et l’ordre. Je suis favorable à la peine de mort, commençait Tim Lancaster, un ancien employé du système pénitentia­ire du Missouri, dans une lettre publiée le 1er avril dernier dans le Kansas City Star. Mais, comme 70 de mes collègues, je ne peux soutenir l’exécution de Brian Dorsey. Je soutiens les droits des victimes et je ne veux pas manquer de respect à la famille Bonnie. Mais Brian Dorsey est un exemple de rédemption qui montre qu’on peut changer après une erreur terrible.»

La Cour suprême n’intervient plus pour stopper les exécutions

«Les mots ne peuvent pas porter le poids de ma culpabilit­é et de ma honte» BRIAN DORSEY, EXÉCUTÉ MARDI SOIR

L’ancien employé pénitentia­ire pointe le comporteme­nt exemplaire du condamné pendant ses dix-sept années d’incarcérat­ion. «Pas un seul écart de conduite», écrit-il, voyant dans ce cas la raison d’être du système de correction. Selon lui, le détenu était tellement apprécié et considéré comme fiable que, pendant une décennie, il a coupé les cheveux et la barbe des employés de la prison de Bonne Terre, y compris du directeur, une lame de rasoir sur leur cou.

Ces appels, de même que ceux de certains élus républicai­ns, d’un ancien juge de la Cour suprême du Missouri et d’anciens jurés lors du procès de Brian Dorsey, n’ont pas fait bouger le gouverneur du Missouri. Le républicai­n Mike Parson n’a pas prononcé la moindre grâce pour un condamné à mort depuis qu’il est entré en fonction en 2018. «On ne pourra jamais remédier à la peine infligée par Dorsey. Mais procéder à son exécution, conforméme­nt à la loi du Missouri et aux décisions des tribunaux, apportera la justice et fermera ce chapitre», a déclaré lundi le gouverneur, dans un communiqué. Restait la Cour suprême des Etats-Unis, mais cette dernière, avec six juges conservate­urs sur les neuf magistrats, n’intervient plus pour stopper les exécutions, malgré la défense bâclée du prévenu.

«Si un jury avait pu réexaminer ce cas…»

D’après le Death Penalty Informatio­n Center, les avocats de Brian Dorsey ont été payés selon un forfait fixe de 12 000 dollars, ce qui peut sembler beaucoup. Mais, selon une étude menée par les cours fédérales et datant de 2010, la défense d’un condamné à mort prend en moyenne 3557 heures. S’ils avaient fait leur travail correcteme­nt, les avocats auraient donc été payés moins de 4 dollars par heure. Au contraire, ils ont omis de plaider que leur client souffrait de graves troubles mentaux. Ce système de forfait fixe a, depuis, été aboli au Missouri pour les affaires dans lesquelles les détenus risquent la peine de mort.

«De nombreux détenus se trouvant dans les couloirs de la mort ne seraient pas condamnés à la peine capitale de nos jours, explique Robin Maher. Parce que les avocats sont bien mieux formés à présenter les faits qui pourront épargner leur client. C’est aussi parce que notre société comprend mieux les effets des traumatism­es, des abus, des addictions et des troubles mentaux. Le soutien pour la peine de mort, et la confiance dans le fait qu’elle est appliquée de manière équitable, est aujourd’hui bien moindre qu’il ne l’était quand Brian Dorsey a été condamné. Si un jury avait pu réexaminer ce cas, il aurait probableme­nt trouvé de nombreuses raisons de le condamner à la prison à vie plutôt qu’à la mort.» Vingt-quatre personnes ont été exécutées en 2023 aux Etats-Unis, un chiffre en augmentati­on par rapport aux années précédente­s mais loin des records des années 2000, quand près de 100 condamnés étaient exécutés par an.

Son sort scellé, Brian Dorsey a exprimé d’ultimes remords pour son crime dans un dernier message manuscrit. «Les mots ne peuvent pas porter le poids de ma culpabilit­é et de ma honte», écrivait-il. Il disait n’avoir «aucune colère» contre son exécution, seulement de la «compréhens­ion et de l’acceptatio­n», tout en remerciant toutes celles et tous ceux qui se sont battus pour tenter de le sauver. Les familles des victimes étaient divisées. Certains proches dénonçaien­t cette issue irréversib­le. D’autres affirmaien­t avant l’exécution qu’ils «voyaient la lumière au bout du tunnel» à l’idée «que justice soit enfin rendue».

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