La gauche et Le Centre attendaient des mesures plus strictes
Le camp rose-vert voulait davantage d’exigences pour relever les fonds propres, limiter les montants des bonus ou séparer les activités bancaires. Au PLR, on avance la nécessité d’équilibrer réglementation et compétitivité
Les propositions du Conseil fédéral et de la ministre des Finances, Karin Keller-Sutter, pour améliorer la surveillance des banques débouchent sur des réactions peu surprenantes. Les critiques principales viennent de la gauche, et s’étendent un peu au centre de l’échiquier politique.
Ainsi, le co-chef du groupe parlementaire socialiste Samuel Bendahan (VD) attendait davantage du projet de réglementation des banques systémiques. «Les propositions sont ultralégères, regrettet-il. Aucune régulation sérieuse des bonus n’est prévue, pas plus qu’une limitation de la taille des banques ou un relèvement des fonds propres. Le renforcement de la Finma est également trop timide.»
Ancien membre du conseil d’administration de la Banque cantonale neuchâteloise, le conseiller national appuie: «Les montants des bonus doivent être limités pour sanctionner des politiques d’entreprise génératrices de risques. Le bloc de droite protège les top managers, qui prétendent être les meilleurs alors qu’en fait ils détruisent des entreprises en empochant des millions, tout en disant qu’il n’y a jamais d’argent pour la population. Le Conseil fédéral et Karin Keller-Sutter n’ont pas du tout pris la mesure du risque induit par la taille d’UBS. Beaucoup d’annonces ont été faites après la crise mais tout est retombé.»
Son allié écologiste Gerhard Andrey (FR) n’est pas loin d’adopter la même position. «Les mesures vont dans la bonne direction, mais ne sont pas suffisantes. Le Conseil fédéral ne se montre pas assez exigeant sur les fonds propres et les liquidités. Et comme il ne prévoit ni séparation des activités bancaires ni indemnisation de la garantie tacite de l’Etat, les coûts de cette garantie et les risques restent à la charge du contribuable.»
Siégeant au conseil d’administration de la Banque alternative suisse, le conseiller national estime que «la Finma doit obtenir la compétence d’infliger des amendes», et «qu’il faut aller plus loin. Les risques portés par UBS sont aujourd’hui considérables pour l’économie suisse. Le Conseil fédéral ne propose pas de mesures structurelles, comme la séparation des activités, pour les minimiser.»
Et les conflits d’intérêts?
Dans le camp bourgeois, le centriste Sidney Kamerzin (VS) ne se montre pas totalement satisfait. «On peut saluer un renforcement de la surveillance, l’augmentation des obligations pour les dirigeants et du pouvoir de la Finma», mais «sur les fonds propres, le Conseil fédéral est très prudent, avec des augmentations ciblées, et pas de règle générale», constate-t-il.
«Deux points manquent: nous n’avons plus qu’un seul acteur international, UBS, ce qui implique un risque majeur. J’aurais souhaité une réflexion à ce sujet, par exemple sur la séparation de la banque d’investissement et de la gestion de fortune,
«Il faut aller plus loin. Les risques portés par UBS sont aujourd’hui considérables»
GERHARD ANDREY, CONSEILLER NATIONAL (LES VERT·E·S/FR)
ajoute-t-il. Ou alors sur la possibilité de favoriser l’émergence d’un autre grand acteur capable d’agir au niveau international.» En outre, «le Conseil fédéral ne propose rien non plus pour renforcer la transparence et la lutte contre les conflits d’intérêts qui peuvent exister entre dirigeants d’une banque too big to fail et d’autres acteurs majeurs comme une assurance ou une caisse de pension».
C’est au sein du parti de la ministre Karin Keller-Sutter que les réactions sont les plus élogieuses. «Les enseignements de la crise Credit Suisse ont été tirés, le travail est sérieux. Renforcement de la Finma, remboursement des bonus, assurances en termes de liquidités (PLB): les mesures préventives sont prises pour diminuer l’intérêt au risque et obliger les dirigeants à assumer leurs responsabilités», apprécie Damien Cottier (NE), chef du groupe libéral-radical au parlement.
«Il s’agit d’éviter que la place financière ne perde sa compétitivité, ce qui renchérirait les crédits aux clients et ne profiterait à personne. Un relèvement des fonds propres n’aurait servi à rien pour Credit Suisse. La surréglementation peut aussi créer de nouvelles vulnérabilités, en fragilisant les banques suisses et en les poussant à prendre des risques supplémentaires.» ■