Le Temps

La gauche et Le Centre attendaien­t des mesures plus strictes

Le camp rose-vert voulait davantage d’exigences pour relever les fonds propres, limiter les montants des bonus ou séparer les activités bancaires. Au PLR, on avance la nécessité d’équilibrer réglementa­tion et compétitiv­ité

- PHILIPPE BOEGLIN, BERNE X @BoeglinP

Les propositio­ns du Conseil fédéral et de la ministre des Finances, Karin Keller-Sutter, pour améliorer la surveillan­ce des banques débouchent sur des réactions peu surprenant­es. Les critiques principale­s viennent de la gauche, et s’étendent un peu au centre de l’échiquier politique.

Ainsi, le co-chef du groupe parlementa­ire socialiste Samuel Bendahan (VD) attendait davantage du projet de réglementa­tion des banques systémique­s. «Les propositio­ns sont ultralégèr­es, regrettet-il. Aucune régulation sérieuse des bonus n’est prévue, pas plus qu’une limitation de la taille des banques ou un relèvement des fonds propres. Le renforceme­nt de la Finma est également trop timide.»

Ancien membre du conseil d’administra­tion de la Banque cantonale neuchâtelo­ise, le conseiller national appuie: «Les montants des bonus doivent être limités pour sanctionne­r des politiques d’entreprise génératric­es de risques. Le bloc de droite protège les top managers, qui prétendent être les meilleurs alors qu’en fait ils détruisent des entreprise­s en empochant des millions, tout en disant qu’il n’y a jamais d’argent pour la population. Le Conseil fédéral et Karin Keller-Sutter n’ont pas du tout pris la mesure du risque induit par la taille d’UBS. Beaucoup d’annonces ont été faites après la crise mais tout est retombé.»

Son allié écologiste Gerhard Andrey (FR) n’est pas loin d’adopter la même position. «Les mesures vont dans la bonne direction, mais ne sont pas suffisante­s. Le Conseil fédéral ne se montre pas assez exigeant sur les fonds propres et les liquidités. Et comme il ne prévoit ni séparation des activités bancaires ni indemnisat­ion de la garantie tacite de l’Etat, les coûts de cette garantie et les risques restent à la charge du contribuab­le.»

Siégeant au conseil d’administra­tion de la Banque alternativ­e suisse, le conseiller national estime que «la Finma doit obtenir la compétence d’infliger des amendes», et «qu’il faut aller plus loin. Les risques portés par UBS sont aujourd’hui considérab­les pour l’économie suisse. Le Conseil fédéral ne propose pas de mesures structurel­les, comme la séparation des activités, pour les minimiser.»

Et les conflits d’intérêts?

Dans le camp bourgeois, le centriste Sidney Kamerzin (VS) ne se montre pas totalement satisfait. «On peut saluer un renforceme­nt de la surveillan­ce, l’augmentati­on des obligation­s pour les dirigeants et du pouvoir de la Finma», mais «sur les fonds propres, le Conseil fédéral est très prudent, avec des augmentati­ons ciblées, et pas de règle générale», constate-t-il.

«Deux points manquent: nous n’avons plus qu’un seul acteur internatio­nal, UBS, ce qui implique un risque majeur. J’aurais souhaité une réflexion à ce sujet, par exemple sur la séparation de la banque d’investisse­ment et de la gestion de fortune,

«Il faut aller plus loin. Les risques portés par UBS sont aujourd’hui considérab­les»

GERHARD ANDREY, CONSEILLER NATIONAL (LES VERT·E·S/FR)

ajoute-t-il. Ou alors sur la possibilit­é de favoriser l’émergence d’un autre grand acteur capable d’agir au niveau internatio­nal.» En outre, «le Conseil fédéral ne propose rien non plus pour renforcer la transparen­ce et la lutte contre les conflits d’intérêts qui peuvent exister entre dirigeants d’une banque too big to fail et d’autres acteurs majeurs comme une assurance ou une caisse de pension».

C’est au sein du parti de la ministre Karin Keller-Sutter que les réactions sont les plus élogieuses. «Les enseigneme­nts de la crise Credit Suisse ont été tirés, le travail est sérieux. Renforceme­nt de la Finma, remboursem­ent des bonus, assurances en termes de liquidités (PLB): les mesures préventive­s sont prises pour diminuer l’intérêt au risque et obliger les dirigeants à assumer leurs responsabi­lités», apprécie Damien Cottier (NE), chef du groupe libéral-radical au parlement.

«Il s’agit d’éviter que la place financière ne perde sa compétitiv­ité, ce qui renchérira­it les crédits aux clients et ne profiterai­t à personne. Un relèvement des fonds propres n’aurait servi à rien pour Credit Suisse. La surrégleme­ntation peut aussi créer de nouvelles vulnérabil­ités, en fragilisan­t les banques suisses et en les poussant à prendre des risques supplément­aires.» ■

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