Le Temps

Elections européenne­s: quels enjeux?

- MARIE-HÉLÈNE MIAUTON CHRONIQUEU­SE

Début juin, 450 millions de citoyens des 27 membres de l’Union européenne désigneron­t les 720 députés du Parlement. Si la Suisse en faisait partie, et par analogie avec l’Autriche qui compte approximat­ivement le même nombre d’habitants, elle enverrait 20 élus à Bruxelles, soit un ruisseau dans la mer. Pas grave puisque le Parlement européen n’a pas le vrai pouvoir! En réalité, c’est bel et bien la Commission qu’il convient d’investir pour faire et défaire les politiques européenne­s. D’ailleurs, seule sa présidente, actuelleme­nt Ursula von der Leyen, dispose d’une réelle notoriété.

Les institutio­ns européenne­s sont difficiles à comprendre parce qu’elles ne sont pas calquées sur l’organisati­on classique des nations démocratiq­ues. De par son histoire complexe et sa nature hybride, ni Etat ni Confédérat­ion d’Etats, les fonctions législativ­es et exécutives de l’UE sont distribuée­s de façon contre-intuitive. C’est ainsi que le Parlement, pourtant élu au suffrage universel pour mettre en valeur la souveraine­té populaire, n’a pas le pouvoir de faire les lois, tâche qui lui revient dans les pays démocratiq­ues. C’est plutôt une chambre d’enregistre­ment des propositio­ns élaborées par la Commission et le Conseil des ministres de l’UE, même si elle peut les discuter et soumettre des amendement­s. Et encore, ses prérogativ­es sont rognées dans de nombreux domaines, notamment le budget, et ses votes peuvent être retoqués. Cette distorsion démocratiq­ue qui entache Bruxelles n’est pas nouvelle puisque, à sa naissance en 1957, le Parlement européen n’était qu’une délégation de députés nationaux, sans responsabi­lités bien définies.

Dans les faits, le rôle central revient à la Commission qui détient le monopole de l’initiative législativ­e. Elle seule produit les projets de textes et dispose des moyens juridiques et financiers pour élaborer les lois dans leurs détails, avec son administra­tion de 25 000 fonctionna­ires. «C’est une machine à produire et à digérer de l’analyse, à préparer des textes législatif­s, mais aussi de la doctrine avec des livres verts, des livres blancs, des communicat­ions diverses», lisait-on dans le no 66 de la revue Vacarme. Pourtant, malgré toutes ces prérogativ­es capitales, les commissair­es ne sont pas élus mais nommés par les Etats membres, qui choisissen­t souvent d’anciens ministres issus des exécutifs nationaux. Il en résulte des critiques récurrente­s sur le manque de légitimité démocratiq­ue de l’UE et sur son caractère technocrat­ique. Les élections européenne­s tournent essentiell­ement autour de problémati­ques intérieure­s et servent surtout à mesurer l’état de l’opinion vis-à-vis de la majorité en place. Pour leur donner du relief et du sens, les citoyens devraient désigner leurs commissair­es européens et non pas seulement leurs eurodéputé­s. Mais ce serait trop dangereux, évidemment, de confier un tel pouvoir à l’inconstanc­e des peuples plutôt qu’à la sagesse des gouvernant­s!

A côté du Parlement et de la Commission, l’UE compte également deux autres instances. Le Conseil européen réunit quatre fois par an les chefs d’Etat pour définir les stratégies de l’Union. Quant au Conseil de l’UE, formé des ministres des Etats membres, il est chargé de coordonner les politiques, de négocier et de signer les traités, d’élaborer les lois avec la Commission avant de les soumettre au Parlement.

Finalement, l’UE repose sur un système de démocratie représenta­tive: les dirigeants du Conseil européen nomment les ministres qui composent le Conseil de l’UE, désignent en outre les membres de la Commission et son président. Ils distribuen­t ainsi tous les pouvoirs alors que le peuple élit un Parlement privé de réelles responsabi­lités et de toute initiative. Pourtant, il tend à se rebiffer, entre autres concernant le président de la Commission. Il exige un lien clair et crédible entre le choix des électeurs et ce poste, au lieu desaccords à huis closqui ont prévalu en 2019. Ursula von der Leyen aurait-elle du souci à se faire? Réponse le 9 juin.

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