Une biographie égratigne Olaf Scholz
Le chef du gouvernement est-il en passe de devenir l’un des chanceliers les plus impopulaires? Se demande la «NZZ» après lecture de l’ouvrage de Daniel Brössler qui met en évidence un certain dogmatisme et une utilisation tactique de la peur
«Olaf Scholz n’est définitivement pas le plus populaire de tous les chefs de gouvernement allemands – mais il est peut-être en passe de devenir le plus impopulaire.» C’est la présomption assumée dans la NZZ après lecture d’une biographie dédiée au neuvième chancelier allemand. Et le livre vaut le détour, si l’on en croit le quotidien alémanique. «[…] Ecrire un livre sur Olaf Scholz, qui explique ses déficits sans le vilipender et qui, en même temps, ne passe pas sous silence ses points forts existants, a dû être un défi. Le journaliste Daniel Brössler l’a maîtrisé. Un Chancelier allemand. Olaf Scholz, la guerre et la peur mérite d’être lu, car cette biographie explique de manière plausible les raisons pour lesquelles l’éloignement politique entre le gouvernement et la population ne cesse de s’aggraver en Allemagne», analyse la NZZ.
Un travail fouillé
La précision du travail mené par le journaliste allemand, rédacteur en chef au bureau parlementaire berlinois de la Süddeutsche Zeitung, tient notamment au fait que ce dernier a pu s’entretenir à plusieurs reprises avec le chancelier, et à son accès privilégié à certains de «ses confidents politiques». Olaf Scholz est ainsi décrit comme un politicien extrêmement intelligent et vif d’esprit, convaincu de ses capacités intellectuelles.
«L’auteur cite le social-démocrate et ancien chancelier autrichien Alfred Gusenbauer. Celui-ci connaît Scholz depuis l’époque des Jeunes socialistes et le caractérise par cette sottise: on peut soit être d’accord avec Scholz, et alors on est avec les intelligents. Sinon, on est avec les imbéciles», relate la NZZ.
Le quotidien zurichois examine ensuite l’évolution politique du chef d’Etat depuis ses débuts chez les Jeunes socialistes. «Scholz se rattache à l’aile Stamokap, qui défend la thèse du SED sur le capitalisme monopoliste d’Etat. Selon cette théorie, il existe une sorte de conspiration légale entre l’Etat et le grand capital, qui sert à promouvoir les intérêts du capital tout en immobilisant la population. Les partisans de Stamokap sont favorables à la RDA et à l’URSS; ils considèrent les Etats-Unis «impérialistes» comme leur ennemi juré. Ils s’opposent au réarmement de l’OTAN», précise la NZZ.
Le biographe prête également à Olaf Scholz une utilisation tactique de la peur comme un outil politique. «La peur est en outre, comme le formule Brössler, une force politique énorme. Elle a marqué une génération, elle a aussi marqué Scholz. […] Elle peut déplacer des masses, et elle ne disparaît pas par de bonnes paroles. Le biographe souligne habilement à quel point le chancelier actuel a assimilé cette leçon. Et à quel point le fait d’avoir raison d’une part et l’utilisation tactique de la peur d’autre part marquent sa Chancellerie.»
Le rapport qu’entretient Olaf Scholz avec l’opinion publique et les médias est également mis en avant, notamment ce qui est décrit comme une incapacité à communiquer efficacement ses idées et sa vision pour l’Allemagne. «Le chancelier a de plus en plus de mal avec l’opinion publique et le journalisme, écrit son biographe en faisant un jeu de mots: les discours de principe, selon Scholz, sont en principe ignorés. Les exigences qui lui sont posées en matière de soutien à l’Ukraine sont, selon lui, erronées et dangereuses», détaille la NZZ.
«On peut soit être d’accord avec Scholz, et alors on est avec les intelligents. Sinon, on est avec les imbéciles» ALFRED GUSENBAUER, ANCIEN CHANCELIER AUTRICHIEN
Il n’en reste pas moins que le chancelier Scholz est une figure énigmatique, suggère la NZZ en se référant à la biographie. «Daniel Brössler […] ne peut pas davantage regarder dans la tête du chancelier que le public irrité. C’est pourquoi la biographie de Brössler peut être décrite comme un livre sensible et bien informé sur une boîte noire.» ■