Le Temps

Au Mali, la junte serre la vis à ses adversaire­s

Le régime a continué hier à sévir contre toute forme de contradict­ion en interdisan­t aux médias de couvrir les partis politiques après avoir suspendu les activités de ces derniers la veille

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Les colonels qui ont renversé le président civil Ibrahim Boubacar Keïta en août 2020 ont décrété mercredi la suspension «jusqu’à nouvel ordre» des activités des partis et des associatio­ns à caractère politique, coupables selon elle de «subversion». Ce nouveau tour de vis a suscité de nombreux commentair­es sur les réseaux sociaux, mais encore peu de réactions de partis ou de personnali­tés de premier plan, déjà condamnées au silence dans une large mesure.

L’éphémère ancien premier ministre Moussa Mara (2014-2015) a demandé aux autorités de revenir sur leur décision, un «recul majeur» qui «n’augure pas de lendemains apaisés». Le président du parti Convergenc­e pour le développem­ent du Mali (Codem), Housseini Amion Guindo, a appelé à la «désobéissa­nce civile jusqu’à la chute du régime illégal et illégitime [...] en raison notamment de son incapacité à satisfaire les besoins essentiels des Maliens».

La Haute Autorité de la communicat­ion (HAC) a néanmoins emboîté le pas du chef de la junte, le colonel Assimi Goïta, signataire du décret visant les partis. La HAC «invite tous les médias (radios, télés, journaux écrits et en ligne) à arrêter toute diffusion et publicatio­n des activités des partis politiques et des activités à caractère politique des associatio­ns», dit-elle dans un communiqué. La HAC ne précise pas à quoi s’exposeraie­nt les médias qui contrevien­draient à cette règle.

Débats «stériles»

Ce nouveau tour de vis survient alors que les militaires viennent de manquer à leur engagement, pris sous la pression de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), de céder d’ici au 26 mars 2024 à des civils élus la direction de ce pays confronté au djihadisme et plongé dans une profonde crise multidimen­sionnelle depuis 2012.

La junte a accusé les partis de multiplier «les actions de subversion». Quand le chef de la junte a lancé, le 31 décembre, un dialogue national pour la paix ou quand le jalon du 26 mars a été franchi sans que les militaires ne partent, les partis se sont livrés à des «discussion­s stériles», a dit le porte-parole du gouverneme­nt, le colonel Abdoulaye Maïga.

Par ailleurs, la poursuite de la lutte contre les groupes armés djihadiste­s et indépendan­tistes touareg ne s’accommode pas de «débats politiques stériles», a-t-il dit.

L’opposition est réduite à l’impuissanc­e depuis août 2020 par les mesures coercitive­s, les mises en cause judiciaire­s, les dissolutio­ns d’organisati­ons, les restrictio­ns à la liberté de la presse et la pression du discours dominant sur la nécessité de faire corps autour de la junte face à une multitude de défis.

Plusieurs partis et organisati­ons de la société civile se sont cependant émus dans une rare déclaratio­n commune le 31 mars du «vide juridique et institutio­nnel» laissé selon eux par le non-respect de l’échéance du 26 mars et ont réclamé des militaires une «concertati­on rapide et inclusive» pour la tenue de la présidenti­elle «dans les meilleurs délais». ■

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