Formation et recherche, un financement fondamental
Au début du mois de mars 2024, le Conseil fédéral a approuvé son message FRI (encouragement de la formation, de la recherche et de l’innovation) pour les quatre prochaines années (2025-2028). Pour la première fois, ce message avait été mis en consultation durant l’été 2023. Il était ainsi très attendu: le gouvernement avait préparé le terrain par des interventions médiatiques ciblées, laissant entrevoir une cure d’austérité. Celle-ci comporte à mon sens une vertu et un danger. Les deux éléments ne sont pas d’égale importance.
La vertu, d’abord. Respecter le frein à l’endettement, qui est une volonté populaire rappelons-le, c’est un engagement sociétal compréhensible. Lorsque je discute avec mes homologues italiens, je m’aperçois à quel point le service de la dette est un poison pour les institutions, car il dévore l’argent public et réduit les marges de manoeuvre. Y compris pour les objectifs les plus nobles et les plus stratégiques, comme le soutien aux universités et à la science. Donc oui, restons attentifs à ne pas charger excessivement la barque, et faisons des choix.
C’est exactement là que résident le problème et le danger de ce message. Freiner l’endettement ne signifie pas renoncer à faire des choix. Or, ce que dit le message FRI relève d’un total manque de courage politique. En résumé, les taux de croissance budgétaire nominaux pour le financement de base ne dépassent pas 0,6% pour les universités, et 0,7% pour les HES, ce qui entérine une baisse réelle des contributions en prenant en compte une inflation modérée. A cela s’ajoute que le Conseil fédéral a encore raboté un demi-milliard de francs par rapport au message initial
Les coupes linéaires n’ont jamais été une stratégie. Il faut donc revoir cette copie et dégager les bonnes priorités. Quelles sont-elles? Dans la situation actuelle, où la nécessité de resserrer les cordons de la bourse est une volonté politique prédominante, il est indispensable de préserver le financement de base des hautes écoles. Celui-ci est crucial pour développer la formation des talents et pour générer la recherche de financements par des tiers. Le financement de base est le moteur de la dynamique vertueuse du système suisse. Si des économies sont nécessaires, il faut aller les trouver dans des projets ponctuels qui n’ont qu’une incidence et un effet multiplicateur moindres.
Les hautes écoles ont un rôle décisif face aux enjeux qui, déjà aujourd’hui, nécessitent un engagement total de notre société: la quatrième révolution industrielle, la numérisation et l’avènement de l’intelligence artificielle; la transition énergétique, la durabilité et les réponses urgentes au dérèglement climatique; la pression sur le système de santé et les soins à la population; les questions de mobilité… partout, il faut former des talents, répondre à la pénurie de main-d’oeuvre qualifiée, préparer les défis de demain.
On me rétorquera sans doute que le montant de 29,2 milliards de francs prévus par le message FRI, c’est beaucoup d’argent. Mais recontextualisons: cette somme représente moins de 1% du PIB suisse (statistiques 2022). Si l’on considère qu’il s’agit d’un investissement pour la prospérité de notre pays, est-ce bien si cher? En particulier lorsqu’il s’agit d’un domaine stratégique qui, selon une étude de l’EPFL, génère 5 francs pour chaque franc investi.
Alors oui, faisons des économies ciblées mais ne touchons pas au financement de la formation, de la recherche et de l’innovation. Et partons ensemble de ce principe pour construire un avenir stable, positif et confiant qui soit bénéfique pour tout le pays. ■