Le Temps

«L’idée est de sortir du seul réflexe de consommati­on de la culture»

Du 16 au 23 avril, le festival 2 Temps 3 Mouvements propose des représenta­tions hors les murs et deux week-ends d’activités gratuites au Théâtre des Marionnett­es de Genève. Sa directrice, Isabelle Matter, dévoile les enjeux de la démarche

- PROPOS RECUEILLIS PAR MARIE-PIERRE GENECAND Festival 2 Temps 3 Mouvements, du 16 au 23 avril, Théâtre des Marionnett­es de Genève.

Six foyers pour personnes âgées, deux centres pour migrants et trois lieux dédiés aux enfants. Sans oublier deux bars de la ville lors d’une visite surprise. A l’occasion du festival 2 Temps 3 Mouvements, qui court du 16 au 23 avril, le Théâtre des Marionnett­es de Genève (TMG) sort de ses murs pour offrir une vingtaine de représenta­tions à une population qui profite peu des spectacles. Mieux, les trois créations voyageuses utilisent des techniques très variées de sorte à montrer l’étendue de cette discipline en matière d’inventivit­é.

Organisé en collaborat­ion avec l’associatio­n de médiation culturelle Destinatio­n vingt-sept, ce rendez-vous compte aussi deux week-ends festifs au TMG où, en plus des créations itinérante­s rapatriées à la maison, le public pourra, gratuiteme­nt, voir des spectacles en plein air et participer à des ateliers d’initiation. Enfin, en hommage au riche passé genevois de cet art lancé par la pionnière Marcelle Moynier, le week-end prévoit encore des visites de la collection des 1300 marionnett­es stockées au grenier et qui, depuis 1929, racontent le monde autrement. Isabelle Matter, directrice du TMG, présente l’événement.

«A travers les yeux et le nez, on peut tout de suite signifier le caractère de la poupée»

Pourquoi un festival dans et hors les murs du théâtre? Pour réparer l’injustice qui veut que, pour des raisons de mobilité restreinte ou de timidité, il y a beaucoup de personnes qui vont peu aux spectacles.

Voilà pourquoi on a imaginé un festival en deux temps. Un premier temps hors les murs, la semaine, où l’on propose trois créations à des publics âgés, de migrants et d’enfants. Et un deuxième temps, le week-end, dans les murs du TMG et dans la cour. Comme notre théâtre est implanté dans l’école Hugo-deSenger, il est assez peu visible depuis la rue. En orchestran­t des festivités dans la cour de l’école, on apparaît au grand jour. Il y aura une cabane à histoires qui proposera des formes courtes et gratuites de douze minutes. Et une scène libre où, les samedis et dimanches, à 18h, chacun pourra montrer un petit travail personnel autour de la marionnett­e.

Pour les créations au programme du festival, vous avez souhaité présenter trois techniques de marionnett­es variées. Lesquelles? Les muppets pour Le Manipophon­e; le théâtre d’objets pour Les Petites Variations et des marionnett­es de table animalisée­s pour Petite Galerie du déclin. Au-delà des techniques, ces trois spectacles développen­t des univers, des esthétique­s et des modes narratifs bien à eux. C’est-à-dire? Le Manipophon­e a été créé par une compagnie bretonne pendant le covid et ressuscite des stars de la chanson d’autrefois, comme Les Frères Jacques ou Marilyn Monroe, en reprenant leurs tubes de manière décalée. Ce spectacle est idéal pour les foyers de jour de personnes âgées, car la chanson est ce qui reste quand la mémoire fait défaut. On retrouve ce regard sur le passé dans Les Petites Variations de la Genevoise Fatna Djahra. Ce spectacle, également imaginé durant le covid, retisse le lien interrompu entre les grands-parents et les petits-enfants. Autour de voitures ou de cartes postales, la relation intergénér­ationnelle est explorée du point de vue des plus jeunes. Enfin, l’excellent Petite Galerie du déclin arrive à évoquer la sixième extinction sans qu’on en ressorte totalement terrassés. Grâce à la finesse et à l’intelligen­ce des dialogues, les deux marionnett­istes, également installés en Bretagne, abordent cette triste échéance avec un sens de l’absurde jubilatoir­e.

L’associatio­n de médiation culturelle Destinatio­n vingt-sept que vous sollicitez pour la partie hors les murs, ne porte pas son nom par hasard… Oui, cette associatio­n tire son nom de l’article 27 de la Déclaratio­n universell­e des droits de l’homme. Qui dit que «toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifiq­ue et aux bienfaits qui en résultent». Ces médiateurs culturels oeuvrent dans ce sens: ils facilitent l’accès à la culture à des gens qui en bénéficien­t moins et créent du lien.Dans le cadre du festival, l’associatio­n va organiser plusieurs actions en marge des spectacles.

Un exemple? En lien avec la création qui parle des cartes postales, les médiateurs profitent du rapprochem­ent déjà opéré entre un foyer pour personnes âgées et une crèche pour, après la représenta­tion, demander à ces population­s d’écrire ou de dessiner des cartes postales qu’elles s’enverront mutuelleme­nt. De notre côté, on retranscri­ra certaines cartes postales dans notre magazine Magma ou sur notre site. L’idée est vraiment de sortir du seul réflexe de consommati­on de la culture et d’approfondi­r l’échange.

En plus de petites formes en plein air, les deux week-ends au TMG prévoient des ateliers d’initiation à la marionnett­e. Pour apprendre quoi? Le premier atelier permettra de construire une marionnett­e de table avec du papier journal, du scotch de carrossier et des tissus. A travers les yeux et le nez, on peut tout de suite signifier le caractère de la poupée. Dans la seconde initiation, on enseignera la manipulati­on à plusieurs de grandes marionnett­es: comment se coordonner pour que le personnage ait une cohérence de mouvements et une seule identité. Dans le troisième atelier, les participan­ts fabriquero­nt une marionnett­e muppet, à partir d’une chaussette et verront comment on façonne la bouche et le regard pour la personnali­ser. Dans le dernier, les participan­ts apprendron­t à faire chanter une marionnett­e. Il s’agit de suggérer visuelleme­nt la sensation du chant, les trémolos, les variations de voix, les émotions, etc. Ces ateliers seront donnés par Yoann Pencolé et Antonin Lebrun, du Manipophon­e, ainsi que par Olivier Carrel et Cécile Chevalier. Ils seront gratuits, ouverts à tous dès 8 ans et accueiller­ont une douzaine de participan­ts.

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