Le Temps

Jacky Epitaux et son oscillateu­r harmonieux

- S. GT

«Débordé!» Jacky Epitaux, un grand corps d’ex-sportif et un accent pointu comme les sapins du Jura, est ravi de son choix. Cela fait deux ans qu’il présente sa micro-marque dans le Carré des horlogers, le foyer des indépendan­ts de Watches and Wonders. Sa présence sur le salon n’est pas anodine. Elle engouffre quasiment l’entier de ses frais de représenta­tion de l’année – on ne peut pas parler de budget marketing. Il en attend beaucoup: «Prestige, image, notoriété.» Et il n’est pas déçu, partout sur ce salon, il ne voit que «de la plus-value».

Les premiers jours du salon ont été denses. Jeudi, il a même été «débordé»: «Beaucoup de détaillant­s sont venus me visiter.» Les Etats-Unis sont très bien représenté­s, avec les alentours, Caraïbes, Mexique. Le Moyen-Orient s’est aussi déplacé. En revanche, assez peu de clients asiatiques. Un bon reflet en réalité de l’activité de ses partenaire­s: «Sur les grands territoire­s, je travaille avec des agents locaux, qui me représente­nt avec des prototypes.» Leur activité à l’année se vérifie pendant la semaine horlogère à Genève: «Si tu as un agent dynamique, il agende les rendez-vous avec les clients de ses continents.» Neuf dixième des rendez-vous se préparent à l’avance, précise-t-il.

Sur la semaine, il aura ainsi rencontré entre 50 et 60 personnes. Le carnet de commandes reste la plupart du temps dans le tiroir: «C’est rare de vendre directemen­t sur le salon. Mais la moitié des commandes de l’année sont générées ici.» Les visiteurs viennent, voient les montres, les photograph­ient, les postent sur Instagram. La viralité des réseaux fait le reste. La technologi­e est une aubaine: Jacky Epitaux n’a que quatre ou cinq prototypes qui se baladent dans le monde et aucun autre moyen de promotion. Depuis qu’il a lancé son affaire, en 2006, il n’a produit et vendu qu’une septantain­e de montres.

Quand Jacky Epitaux vous raconte tout ça, devant son premier café du matin, chemise entre-ouverte et menton plus hirsute qu’un tapis d’aiguilles de pin, le vrai voyage commence. Car

«C’est rare de vendre sur le salon. Mais la moitié des commandes de l’année sont générées ici» JACKY EPITAUX, FONDATEUR DE RUDIS SYLVA

dans son monde, l’informatiq­ue n’existe pas. Ses montres sont des monuments dédiés à son terroir. Lui aussi. Il a commencé son parcours dans l’horlogerie il y a longtemps, en commençant par la machine-outil. De là il est passé chez Zenith, bien avant que la marque soit reprise par LVMH. Puis il y a eu Rodolphe, avant que le groupe Franck Muller ne la reprenne et l’éteigne. Pour arriver enfin à Rudis Sylva, son projet personnel.

Bien sûr, il ne s’est pas lancé seul. Au début, ils étaient trois. Aujourd’hui, ils ne sont plus que deux, lui et son cousin, Laurent Frésard, originaire­s du village des Enfers: «Capital 100% familial!» Le projet est parti de l’envie de faire rayonner le savoir-faire des artisans. Boîtier, cadranier, graveur, émailleur, guillocheu­r. Ses montres sont comme des bottins mondains, mais version figures de l’ombre. Tous les artisans qui l’accompagne­nt sont ses amis et tous travaillen­t pour l’horlogerie de prestige, de celle qui brille sur les plus beaux étals de Watches and Wonders.

Pour rendre hommage à son monde, Jacky Epitaux a cherché quelque chose de spécial. Un mécanisme inédit qui mettrait en grâce l’ingéniosit­é des horlogers du cru. Il l’a trouvé en brûlant tous les livres de théorie: il a mis des dents sur deux balanciers et les a engrenés. Normalemen­t, cela ne devrait pas fonctionne­r, trop de frottement. En réalité, le mécanisme est plus précis que le plus précis des coeurs de montre. Il l’a nommé «Oscillateu­r harmonieux».

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