> Chez soi
Si vous avez… 6 x 45’ «Parasyte. The Grey»
C’est le jeu du mois d’avril: le combat de tentacules. Dans Parasyte. The Grey, l’humanité est contaminée par de nouveaux agresseurs, des parasites, semble-t-il, venus de l’espace. Tombant du ciel, éclosant d’abord sous la forme de gros vers de terre, ils s’immiscent dans les oreilles, ravagent le cerveau et transforment la personne ainsi atteinte. Complication, ils prennent le visage de leur hôte, à moins d’endosser leur aspect normal: d’immenses tentacules qui sortent dudit en le déchirant, capables de balayer les adversaires, de les clouer ou de les écraser – voire de les neutraliser en leur lançant des voitures à la figure.
On le voit, Parasyte. The Grey se révèle assez brutale. La brève série commence par une dissertation sur l’abondance d’humains, et leur pollution, sur la Terre, puis entre dans le vif du sujet, une pluie de larves à l’occasion d’un festival de musique. Peu après, une jeune femme, qui pense être maudite en raison de ses souffrances accumulées en vingt-neuf ans, est contaminée alors qu’une brute l’agresse.
Mais là, l’invasion corporelle se révèle différente: la jeune femme reste lucide, elle garde sa personnalité. Elle doit être une mutante, et comme telle, elle va se trouver traquée par les deux camps: la «Division Grey» chargée d’éradiquer les parasites, et ceux-ci aussi, qui ne la reconnaissent pas. Ils gagnent le soutien de certains humains en se présentant comme une nouvelle église.
Là, le lien est fait avec Hellbound, précédente série de Yeon Sang-ho pour Netflix, qui mêlait déjà surnaturel et questions religieuses, ou sectaires. Ici, il adapte un manga fameux du Japonais Hitoshi Iwaaki, une série d’histoires lancée en 1990. On peut donc supposer qu’il y aura de la marge pour d’autres volets.
Dans ces six épisodes, le créateur mise avant tout sur l’action, le caractère spectaculaire de ces sales bêtes (surtout entre elles, les combats de tentacules!), ainsi que les destinées parallèles de la jeune femme et du vieux policier qui l’avait protégée, naguère, quand elle dénonçait son père qui la violentait. L’aspect plus global, le plan supposé des envahisseurs, apparaît finalement assez tard dans le déroulement. Peut-être, précisément, pour se ménager une suite? Tentacules, le retour. N. Du.
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Une série de Yeon Sang-ho (2024). A voir sur Netflix.
Si vous avez… 8 x 35’ «Sugar»
En 2015, dans la deuxième saison de True Detective, Colin Farrell enfilait le costume d’un inspecteur douteux enquêtant sur un homicide à L.A. Neuf ans plus tard, le voilà de retour aux affaires sous le ciel californien – il faut dire qu’il a la tête, et le charisme nonchalant, de l’emploi. Cette fois, l’acteur est Sugar, détective privé expert en affaires de disparition. Après une mission réussie au Japon, il est approché par un producteur renommé, Jonathan Siegel (James Cromwell), inquiet d’être sans nouvelles de sa petite fille Olivia, une ancienne addict.
Un mandat impossible à refuser – il faut dire que Sugar est un cinéphile, du genre obsessionnel. Il dévore les Cahiers du cinéma comme les films noirs, ces thrillers policiers des fifties dont les héros l’inspirent: La Nuit du chasseur, En quatrième vitesse, Le Grand Chantage. Des extraits en noir et blanc s’entremêlent à ses propres virées aux quatre coins de Los Angeles.
Rapidement, l’affaire s’avère plus tortueuse qu’il n’y paraît et la famille Siegel, un vrai panier de crabes où Sugar fait la connaissance du père désinvolte, du demi-frère louche, des belles-mères cachottières… et d’un cadavre dans le coffre d’Olivia, ce qui ne lui dit évidemment rien qui vaille.
Le mystère plane aussi autour de Sugar. En sucre, comme son nom l’indique – il rend service à un sans-abri et refuse le port d’armes –, il dissimule des spasmes musculaires, s’injecte des substances dans son hôtel et entretient des zones d’ombre sur son passé. Lui qui se donne des airs de Humphrey Bogart moderne, cravate noire et air mystérieux, narre tout de sa voix de crooner (certaines platitudes irritent) sans qu’on sache vraiment si c’est un rôle qu’il joue.
Là est l’originalité de Sugar, imaginée par Mark Protosevich, scénariste de Thor ou de
Je suis une légende: le charme du pastiche, cet hommage nostalgique au genre jusque dans la psyché de son personnage central. Pour le reste, l’enquête, bien ficelée et portée impeccablement par Farrell, ne révolutionne pas grand-chose. Surtout, elle sert de rampe de lancement vers un retournement qui surprendra tout le monde, au sixième épisode (sur huit). Ce nouvel éclairage, captivant s’il n’était pas si tardif, rend soudainement accessoire tout ce qui précède. Un choix étrange et par ailleurs risqué, dans une ère où les spoilers, comme des armes de poing, se dégainent sans arrêt. Virginie Nussbaum
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Une série de Mark Protosevich (2024), huit épisodes de 35', trois disponibles sur Apple TV+.