Les propriétaires au coeur des débats
A Genève, au sein de la Commission de l’aménagement, la droite a voté un contre-projet à l’initiative «Pour un urbanisme plus démocratique». Avec ce compromis, elle exige des initiants qu’ils retirent leur texte
L’initiative «Pour un urbanisme plus démocratique» passera-t-elle devant le peuple? Rien n’est moins sûr. Une majorité de droite de la Commission de l’aménagement a voté un contre-projet, indique la Tribune de Genève vendredi. Le but: convaincre le comité d’initiative à l’origine du texte «Pour un urbanisme plus démocratique» de le retirer.
L’initiative suscite la crainte des députés, car en cas d’acceptation par le peuple, elle pourrait bien bloquer les processus d’aménagement. Le texte prévoit de modifier les règles entourant l’aboutissement des nouveaux plans localisés de quartier (PLQ). Les initiants veulent donner plus de pouvoir aux communes et aux propriétaires concernés par un PLQ. L’initiative prévoit par exemple la suspension d’un PLQ en cas de préavis négatif du Conseil municipal ou lors d’un référendum communal. Dans ce cas, la commune ou les propriétaires concernés ont douze mois pour proposer une alternative, qui peut elle aussi être opposée. Le canton perdrait ainsi le dernier mot au profit des communes et les procédures seraient rallongées.
Le contre-projet définitif proposé par la commission n’est pas encore connu dans les détails. Toutefois, il ancre, comme le demandaient les initiants, le principe de la concertation publique dans la loi. Il obligerait l’Etat à consulter les habitants de quartier dès le début des procédures de réalisation de PLQ. Ensuite, il donne la possibilité aux propriétaires des parcelles concernées de lancer un référendum communal si une majorité d’entre eux, en nombre et en surface, sont mécontents du plan du canton. Cette votation serait consultative, et le canton garderait finalement la main.
Suspense autour du retrait de l’initiative
Alain Burri, président du comité d’initiative, adhère au compromis. «Le comité prévoit de retirer son initiative si le contre-projet correspond à ce qui a été négocié avec la commission», indiquet-il. Il se réjouit: «La concertation serait ainsi réalisée dès les ébauches du projet et non pas lorsqu’il atteindrait sa forme définitive. Ancrer ceci dans la loi permettrait de garantir que les habitants du quartier auraient réellement leur mot à dire sur l’évolution de leur environnement.» Quant à la critique à l’encontre de l’initiative de bloquer éternellement les projets d’aménagement, Alain Burri la rejette: «Si un projet est accepté en votation communale, il sera difficile pour un propriétaire d’aller à l’encontre de la volonté populaire.»
Adrien Genecand, député PLR et président de la Commission de l’aménagement, a cherché le compromis avec les initiants: «Nous sommes conscients que l’initiative peut être acceptée. Elle aurait des effets délétères: en pleine pénurie de logements, elle bloquerait tous les projets d’aménagement. Ce contre-projet est un pas vers les initiants, à condition qu’ils retirent leur texte», souligne-t-il. Il identifie un point positif du contre-projet: «Permettre aux propriétaires concernés de déclencher un vote populaire poussera le canton à mener de meilleures discussions en amont, afin de convaincre un maximum de propriétaires récalcitrants.»
Le camp rose-vert n’a pas apprécié que la droite abandonne un premier contre-projet, moins favorable aux initiants. Il n’intégrait pas la possibilité d’un référendum communal. Le Grand Conseil avait préféré renvoyer le premier contre-projet en commission. «Ce consensus est bancal, juge Dilara Bayrak, députée verte. Plutôt que de privilégier un contre-projet qui a fait l’unanimité au sein des partis, la droite a préféré ne pas froisser les initiants, et met ainsi en péril le développement du canton.»
Un autre point pose un problème de principe à la gauche: «Il suffit par exemple que trois propriétaires concernés par un PLQ sur cinq soient contrariés par le projet pour qu’ils aient la capacité de lancer un référendum, au seul motif qu’ils ont le privilège d’être propriétaires, illustre Matthieu Jotterand, député socialiste. Cela crée une inégalité avec le reste de la population, qui est contrainte à obtenir un certain nombre de signatures pour lancer un référendum.» Il relève également qu’un propriétaire étranger aurait la capacité d’enclencher cet outil démocratique, bien qu’il n’ait pas le droit de vote.
«L’initiative pourrait avoir des effets délétères sur l’aménagement dans une période de pleine pénurie de logements» ADRIEN GENECAND, DÉPUTÉ PLR GENEVOIS
Un livre blanc de la concertation en gestation
Le contre-projet sera présenté en plénière lors de la prochaine session du parlement début mai. A cette occasion, le Département du territoire, chapeauté par le Vert Antonio Hodgers, devra se prononcer. Un rapport de majorité sera rédigé par une députée PLR, et deux rapports de minorité émaneront des camps socialiste et écologiste. Si le contre-projet obtient une majorité au Grand Conseil et que l’initiative est retirée, la population n’aura pas à se prononcer sur cette modification. A moins qu’un référendum ne soit lancé.
En marge de ce débat politique, plusieurs associations planchent sur un «livre blanc de la concertation». Il devrait être présenté à l’automne aux autorités cantonales genevoises. «Ce n’est pas une approche législative, explique Jean Hertzschuch, président de Sauvegarde Genève. Il s’agit avant tout de faire des propositions afin d’améliorer l’implication des habitants lorsque des décisions d’aménagement concernant leur quartier sont prises.» Les débats sur la concertation sont loin d’être clos.
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