Empêcher une guerre, le nouveau défi de Joe Biden
Dans les premières heures suivant l’attaque sans précédent de l’Iran contre Israël, le président américain a réussi à dissuader son allié de riposter contre Téhéran. Mais rien n’est acquis et le démocrate est accusé de faiblesse à six mois de la président
Joe Biden est rentré en catastrophe samedi après-midi à la Maison-Blanche d’un week-end dans le Delaware. L’Iran lançait des centaines de drones et de missiles contre Israël en réponse au bombardement par l’Etat hébreu du consulat iranien à Damas, en Syrie, dix jours plus tôt. Dans la soirée, le président américain s’est entretenu avec le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, pour le dissuader d’attaquer en retour l’Iran, ce qui conduirait à une escalade incontrôlable.
A l’issue de cet entretien, la Maison-Blanche publiait une déclaration du président. «Nous avons aidé Israël à intercepter presque tous les drones et les missiles», se félicitait Joe Biden. En prévision de ces représailles, les Etats-Unis avaient déployé dans la région des avions supplémentaires ainsi que des navires de guerre avec des systèmes d’interception balistique. Plus de 300 projectiles avaient été tirés depuis l’Iran, mais aussi depuis la Syrie, l’Irak et le Yémen. Selon l’armée israélienne, 99% d’entre eux ont été détruits en vol. Des dizaines d’interceptions ont été réalisées par les Etats-Unis, selon Washington.
Triomphalisme
«Je lui [Benyamin Netanyahou, ndlr] ai dit qu’Israël avait montré une capacité remarquable à se défendre et à déjouer ces attaques sans précédent. C’est un message clair aux ennemis d’Israël qu’ils ne peuvent pas menacer sa sécurité», continuait le président. Sous entendu: les événements de la nuit de samedi à dimanche sont une victoire d’Israël.
Selon ce raisonnement triomphaliste, cette démonstration de force ne nécessite pas une riposte directe contre l’Iran, dans laquelle l’administration démocrate redoute d’être entraînée à six mois de la présidentielle de novembre. Toutefois, Joe Biden n’a pas appelé publiquement son allié à la retenue, à l’instar de ses premières déclarations après le massacre du 7 octobre perpétré par le Hamas en Israël, qui a déclenché un déluge de feu sur Gaza.
A la suite de la déclaration du président, les responsables américains ont prévenu que les Etats-Unis ne participeraient pas à une riposte directe contre l’Iran. «Nous ne voulons pas d’une guerre avec l’Iran, ni d’une escalade, ni d’un conflit régional», a élaboré dimanche John Kirby, le porte-parole du Conseil national de sécurité sur le plateau de la chaîne NBC. Mais il a reconnu qu’il appartenait à Israël de déterminer quelle serait sa réponse à l’attaque iranienne.
Ces derniers jours, le Pentagone a dénoncé le fait qu’Israël l’avait mis devant le fait accompli du bombardement contre le consulat iranien à Damas. Et il a réclamé d’être davantage informé des prochaines initiatives israéliennes. Après six mois de carnage à Gaza, de plus en plus critiqué par Joe Biden, les relations sont exécrables et la méfiance profonde vis-à-vis de Benyamin Netanyahou, même si les Etats-Unis promettent un soutien «inébranlable» à Israël pour se défendre contre l’Iran.
Pour répondre à l’attaque iranienne, Joe Biden, plutôt que de faire cavalier seul, veut consulter ses alliés du G7 pour mettre davantage de pression sur Téhéran. Cette riposte diplomatique est loin de convaincre les républicains aux EtatsUnis. Ils voient l’assaut sans précédent contre Israël comme la preuve de la faiblesse du président Joe Biden, lequel avait tenté d’en dissuader l’Iran.
Aide à Israël et à l’Ukraine débloquée
«Nous ne voulons pas d’une guerre avec l’Iran, ni d’une escalade, ni d’un conflit régional» JOHN KIRBY, PORTE-PAROLE DU CONSEIL NATIONAL DE SÉCURITÉ
«Seule l’administration Biden voit cela comme une victoire», raillait dimanche sur X le sénateur républicain de Caroline du Sud Lindsey Graham. Lors d’un meeting samedi soir en Pennsylvanie, Donald Trump a estimé que l’attaque iranienne ne serait «jamais arrivée» s’il avait toujours été à la Maison-Blanche. Cet argument invérifiable et resservi à toutes les sauces (pour l’invasion russe de l’Ukraine, le massacre du 7 octobre en Israël…) lui permet de ne pas trop s’avancer sur ce qu’il ferait à la place de Joe Biden. Sur la politique étrangère, le candidat est plutôt sur une ligne isolationniste, selon laquelle les Etats-Unis ne devraient pas se laisser entraîner dans des conflits à l’étranger.
Certains anciens responsables de l’administration Trump sont plus va-t-en-guerre, comme son ex-conseiller à la sécurité nationale John Bolton et l’un des architectes de l’invasion désastreuse de l’Irak en 2003. «Israël doit rétablir une dissuasion et cela ne peut pas se faire par une réponse proportionnée. Il serait embarrassant que Joe Biden s’oppose à des frappes israéliennes sur l’Iran, notamment sur les installations nucléaires», a-t-il lancé sur CNN. Mais ces déclarations sont isolées. L’attaque iranienne pourrait avoir un autre effet aux Etats-Unis: débloquer de nouvelles aides militaires à Israël. Un paquet d’assistance, d’un montant de 95 milliards de dollars, dont la plus grande part est destinée à l’Ukraine, est bloquée depuis des mois par les républicains au Congrès.
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