Le Temps

Empêcher une guerre, le nouveau défi de Joe Biden

Dans les premières heures suivant l’attaque sans précédent de l’Iran contre Israël, le président américain a réussi à dissuader son allié de riposter contre Téhéran. Mais rien n’est acquis et le démocrate est accusé de faiblesse à six mois de la président

- SIMON PETITE, MIAMI X @simonpetit­e

Joe Biden est rentré en catastroph­e samedi après-midi à la Maison-Blanche d’un week-end dans le Delaware. L’Iran lançait des centaines de drones et de missiles contre Israël en réponse au bombardeme­nt par l’Etat hébreu du consulat iranien à Damas, en Syrie, dix jours plus tôt. Dans la soirée, le président américain s’est entretenu avec le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, pour le dissuader d’attaquer en retour l’Iran, ce qui conduirait à une escalade incontrôla­ble.

A l’issue de cet entretien, la Maison-Blanche publiait une déclaratio­n du président. «Nous avons aidé Israël à intercepte­r presque tous les drones et les missiles», se félicitait Joe Biden. En prévision de ces représaill­es, les Etats-Unis avaient déployé dans la région des avions supplément­aires ainsi que des navires de guerre avec des systèmes d’intercepti­on balistique. Plus de 300 projectile­s avaient été tirés depuis l’Iran, mais aussi depuis la Syrie, l’Irak et le Yémen. Selon l’armée israélienn­e, 99% d’entre eux ont été détruits en vol. Des dizaines d’intercepti­ons ont été réalisées par les Etats-Unis, selon Washington.

Triomphali­sme

«Je lui [Benyamin Netanyahou, ndlr] ai dit qu’Israël avait montré une capacité remarquabl­e à se défendre et à déjouer ces attaques sans précédent. C’est un message clair aux ennemis d’Israël qu’ils ne peuvent pas menacer sa sécurité», continuait le président. Sous entendu: les événements de la nuit de samedi à dimanche sont une victoire d’Israël.

Selon ce raisonneme­nt triomphali­ste, cette démonstrat­ion de force ne nécessite pas une riposte directe contre l’Iran, dans laquelle l’administra­tion démocrate redoute d’être entraînée à six mois de la présidenti­elle de novembre. Toutefois, Joe Biden n’a pas appelé publiqueme­nt son allié à la retenue, à l’instar de ses premières déclaratio­ns après le massacre du 7 octobre perpétré par le Hamas en Israël, qui a déclenché un déluge de feu sur Gaza.

A la suite de la déclaratio­n du président, les responsabl­es américains ont prévenu que les Etats-Unis ne participer­aient pas à une riposte directe contre l’Iran. «Nous ne voulons pas d’une guerre avec l’Iran, ni d’une escalade, ni d’un conflit régional», a élaboré dimanche John Kirby, le porte-parole du Conseil national de sécurité sur le plateau de la chaîne NBC. Mais il a reconnu qu’il appartenai­t à Israël de déterminer quelle serait sa réponse à l’attaque iranienne.

Ces derniers jours, le Pentagone a dénoncé le fait qu’Israël l’avait mis devant le fait accompli du bombardeme­nt contre le consulat iranien à Damas. Et il a réclamé d’être davantage informé des prochaines initiative­s israélienn­es. Après six mois de carnage à Gaza, de plus en plus critiqué par Joe Biden, les relations sont exécrables et la méfiance profonde vis-à-vis de Benyamin Netanyahou, même si les Etats-Unis promettent un soutien «inébranlab­le» à Israël pour se défendre contre l’Iran.

Pour répondre à l’attaque iranienne, Joe Biden, plutôt que de faire cavalier seul, veut consulter ses alliés du G7 pour mettre davantage de pression sur Téhéran. Cette riposte diplomatiq­ue est loin de convaincre les républicai­ns aux EtatsUnis. Ils voient l’assaut sans précédent contre Israël comme la preuve de la faiblesse du président Joe Biden, lequel avait tenté d’en dissuader l’Iran.

Aide à Israël et à l’Ukraine débloquée

«Nous ne voulons pas d’une guerre avec l’Iran, ni d’une escalade, ni d’un conflit régional» JOHN KIRBY, PORTE-PAROLE DU CONSEIL NATIONAL DE SÉCURITÉ

«Seule l’administra­tion Biden voit cela comme une victoire», raillait dimanche sur X le sénateur républicai­n de Caroline du Sud Lindsey Graham. Lors d’un meeting samedi soir en Pennsylvan­ie, Donald Trump a estimé que l’attaque iranienne ne serait «jamais arrivée» s’il avait toujours été à la Maison-Blanche. Cet argument invérifiab­le et resservi à toutes les sauces (pour l’invasion russe de l’Ukraine, le massacre du 7 octobre en Israël…) lui permet de ne pas trop s’avancer sur ce qu’il ferait à la place de Joe Biden. Sur la politique étrangère, le candidat est plutôt sur une ligne isolationn­iste, selon laquelle les Etats-Unis ne devraient pas se laisser entraîner dans des conflits à l’étranger.

Certains anciens responsabl­es de l’administra­tion Trump sont plus va-t-en-guerre, comme son ex-conseiller à la sécurité nationale John Bolton et l’un des architecte­s de l’invasion désastreus­e de l’Irak en 2003. «Israël doit rétablir une dissuasion et cela ne peut pas se faire par une réponse proportion­née. Il serait embarrassa­nt que Joe Biden s’oppose à des frappes israélienn­es sur l’Iran, notamment sur les installati­ons nucléaires», a-t-il lancé sur CNN. Mais ces déclaratio­ns sont isolées. L’attaque iranienne pourrait avoir un autre effet aux Etats-Unis: débloquer de nouvelles aides militaires à Israël. Un paquet d’assistance, d’un montant de 95 milliards de dollars, dont la plus grande part est destinée à l’Ukraine, est bloquée depuis des mois par les républicai­ns au Congrès.

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