Le Temps

Le rôle le plus scabreux de Stormy Daniels

L’ancienne actrice de films pornograph­iques sera au coeur du procès qui s’ouvre à New York contre Donald Trump. Dans un documentai­re, elle dit regretter sa brève liaison, niée par l’intéressé, qui ne lui a apporté que des malheurs

- S. PE.

Elle est à l’origine du premier procès visant un ancien président des EtatsUnis. Stephanie Clifford ne cesse de payer son ancienne rencontre avec Donald Trump. Dans un documentai­re diffusé à la mi-mars par la plateforme Peacock et intitulé Stormy, l’ancienne actrice et réalisatri­ce pornograph­ique, connue sous son nom de scène Stormy Daniels, livre sa version sordide de la bataille médiatico-judiciaire qui l’oppose à l’un des hommes les plus puissants du monde. Alors qu’elle s’apprête à témoigner contre le favori à la course à la Maison-Blanche, elle avoue sa lassitude et son effroi, mais aussi sa déterminat­ion. «Je dis la vérité, même si je ne suis pas sûre que cela compte encore.»

En première ligne lors de la première présidence Trump, Stormy Daniels avait retrouvé «un semblant de normalité» depuis 2021 et le retrait, pensait-on irréversib­le, de l’ancien président. Elle

«C’est bien pire qu’avant, quand on me traitait de pute et d’arriviste» STEPHANIE CLIFFORD, ALIAS STORMY DANIELS

s’était installée à la campagne, avec des chevaux, sa passion. Elle a refait sa vie avec un ancien partenaire rencontré sur un plateau, devenu son quatrième mari. Surtout, elle pouvait enfin voir régulièrem­ent sa fille. Son mariage avec le père n’avait pas résisté à la précédente tempête médiatique. Mais, depuis une année, le ciel tombe à nouveau sur la tête de Stormy Daniels. Le 30 mars 2023, Donald Trump a été inculpé à New York pour avoir dissimulé un paiement de 130 000 dollars pour acheter le silence de la star du X. Depuis, les menaces de mort crépitent sur son téléphone. «C’est bien pire qu’avant, quand on me traitait de pute et d’arriviste», s’alarme l’ancienne actrice, qui affirme avoir été menacée avec sa fille il y a plusieurs années dans un parking par un inconnu et, plus récemment, qu’un de ses chevaux a essuyé un tir de balles en plastique.

«J’étais jeune et naïve»

La plantureus­e blonde, née dans un quartier difficile de Baton Rouge en Louisiane et élevée par une mère seule qu’elle qualifie de négligente, dit avoir rencontré Donald Trump en juillet 2006 lors d’un tournoi de golf dans la station chic de Lake Tahoe, en Californie. Déjà connue dans l’industrie du X, la jeune femme est alors hôtesse pour les invités prestigieu­x. Le magnat de l’immobilier, qui venait de se marier avec son épouse actuelle, Melania, l’invite à dîner. Elle accepte par curiosité, mais au lieu du restaurant, il lui donne rendez-vous dans sa chambre.

«J’étais jeune et naïve, dit-elle avec le recul. Il était en peignoir et je me suis moquée de lui. Nous avons commencé par discuter, il n’y avait pas d’avances sexuelles explicites, même pas de sous-entendus.» Le sexagénair­e fait miroiter à son invitée alors âgée de 27 ans une apparition dans son émission de téléréalit­é, The Apprentice, qui lui servira de tremplin politique.

Accusée d’extorsion

Elle s’éclipse un instant dans la salle de bains. Quand elle en ressort, toujours selon son récit, Donald Trump est en sous-vêtements. «Ce n’était en aucune manière un viol.» Elle s’étonne d’être devenue un symbole du mouvement #MeToo et une icône de la gauche américaine, alors qu’elle affirme être toujours républicai­ne. «Au début, je n’ai agi que pour moi, pas pour les autres.» De son côté, Donald Trump l’accuse de l’avoir extorqué en vendant cette histoire, selon lui montée de toutes pièces.

Se disant terrifiée, Stormy Daniels voyait surtout l’accord de confidenti­alité avec à la clé les fameux 130 000 dollars comme une assurance vie. Car «des gens sont tués pour des raisons politiques», assure-t-elle. Le moment était critique pour la campagne de Donald Trump. A un mois de la présidenti­elle face à Hillary Clinton, un ancien enregistre­ment datant de 2005 avait refait surface. Le candidat se vantait de pouvoir «attraper les femmes par la chatte» en toute impunité. Comment le politicien pourrait-il s’en relever?

Le 27 octobre 2016, à quelques jours du scrutin, les 130 000 dollars sont finalement virés par Michael Cohen, l’avocat de Donald Trump, pour prévenir un autre incendie. L’instigateu­r n’était autre que le futur président, selon l’acte d’accusation de la justice newyorkais­e, qui accuse Donald Trump d’avoir ensuite dissimulé ce paiement ainsi que deux autres pour étouffer d’autres scandales. «Trump avait raison, conclut Stormy Daniels, désillusio­nnée. Les femmes laissent faire, non pas parce qu’elles le veulent mais parce qu’elles ne disent pas non. C’est ce qui m’est arrivé. Chaque jour, je me le reproche, pour moi, mais aussi parce que, si je l’avais mis sur le cul, cela l’aurait peut-être freiné.»

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