Téhéran et Washington ont activé le «canal suisse»
L’Iran et les Etats-Unis ont fait référence à des messages échangés et transmis via l’ambassade de Suisse à Téhéran à propos de l’attaque sur Israël
Ce week-end, la Suisse a joué les bons offices. Dans la nuit de samedi à dimanche, au plus fort de la crise, alors que l’attaque iranienne est en cours, que plusieurs centaines de drones et de missiles sont lancés depuis l’Iran en direction d’Israël et que Joe Biden suit la situation en direct depuis la salle de crise de la Maison-Blanche, Berne transmet un message à Washington de la part de Téhéran: «Nous avons reçu un message des Iraniens alors que l’attaque était en cours par l’intermédiaire de la Suisse. Il laissait entendre qu’ils auraient terminé après cette opération, que l’intention était destructrice», livre un responsable américain à l’agence de presse Reuters le lendemain.
Alerté 72 heures avant l’attaque?
Du côté iranien, une même référence à la Suisse et un peu plus de précisions: l’Iran aurait averti les Etats-Unis «que s’ils coopéraient avec Israël pour leurs prochaines actions éventuelles, leurs bases ne seront pas sûres», a déclaré le chef des forces armées iraniennes, le général Mohammad Bagheri à la télévision iranienne.
Depuis 1980 et la prise d’otages de l’ambassade américaine à Téhéran, les Etats-Unis et l’Iran n’ont plus de relations diplomatiques. C’est donc la Suisse qui représente les intérêts des Etats-Unis en Iran. Elle y assure des services consulaires et, en tant que puissance protectrice, fait l’intermédiaire et permet aux deux pays de maintenir un minimum de relations diplomatiques: un rôle d’une importance primordiale lors de l’exacerbation des tensions.
«La Suisse ne commente pas ses activités dans le cadre du mandat de protection des intérêts américains en Iran», répond Nicolas Bideau, responsable de la communication du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), lorsqu’on lui demande quel a été rôle précis de la Suisse le weekend dernier.
Car Berne ne sert pas que de «facteur» entre les deux puissances ennemies: la tradition de bons offices assurée par la Suisse prévoit également un rôle de médiateur. En septembre dernier, Berne avait notamment contribué au succès d’un grand échange de prisonniers entre Washington et Téhéran lors duquel elle avait joué «un rôle majeur» selon un communiqué du DFAE.
Le «canal suisse» a été activé avant l’attaque, a affirmé dimanche un haut responsable de l’administration américaine lors d’un point presse. Via ce dernier, les Etats-Unis auraient envoyé une «série de communications directes», déployant des efforts, affirment-ils, pour dissuader Téhéran de passer à l’acte. Selon le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, Téhéran avait informé les pays voisins, ainsi que les Etats-Unis, de l’opération 72 heures avant de lancer les frappes. Si des responsables irakiens, turcs et jordaniens ont déclaré avoir été mis au courant de plusieurs scénarios, Washington a, lui, démenti l’information iranienne. Vendredi soir, les Etats-Unis semblaient tout de même avertis de l’opération iranienne: selon les médias américains, des sources proches des renseignements affirmaient que ces derniers avaient observé l’Iran déplacer des moyens militaires sur son sol dont des drones et des missiles de croisière. Le même jour, lors d’une conférence de presse à Washington, Joe Biden réaffirmait le soutien américain à Israël assurant qu’il s’attendait à ce que l’Iran passe «bientôt» à l’action.
La Turquie médiatrice
Dimanche, des responsables turcs ont affirmé que le ministre des Affaires étrangères Hakan Fidan avait lui-même mis au courant son homologue américain Antony Blinken la semaine dernière des possibles développements de cette opération iranienne, établissant ainsi un canal entre Washington et Téhéran. «La partie américaine a fait comprendre à l’Iran par notre intermédiaire que la réaction devait respecter certaines limites», a indiqué une source diplomatique turque aux médias américains. «En réaction, l’Iran a déclaré que sa réponse serait une riposte à l’attaque contre l’ambassade iranienne à Damas et qu’elle n’irait pas au-delà.»
La veille de l’attaque, plusieurs pays, dont la France, avaient émis des alertes aux voyageurs, demandant à leurs ressortissants de s’abstenir de se rendre notamment en Iran ou en Israël, y interdisant les missions de fonctionnaires ou demandant le retour des familles des agents diplomatiques de Téhéran.
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