La Suisse s’essaye à l’assemblée citoyenne
Cent personnes tirées au sort dans tout le pays participeront à un projet précurseur des Universités de Genève et Zurich, qui a pour objectif d’étudier des formes complémentaires de démocratie
Dès ce mardi, 22 000 personnes tirées au sort en Suisse recevront dans leur boîte aux lettres une invitation à participer à une assemblée citoyenne. Parmi les intéressés, 100 seront sélectionnés aléatoirement au mois de juin pour le premier exercice d'une telle ampleur au niveau national. Une façon, pour les organisateurs, de proposer une nouvelle forme de participation démocratique.
«Nous observons en Suisse comme ailleurs une certaine fatigue démocratique», entame le professeur Nenad Stojanovic, co-initiateur à l'Université de Genève. «Sans aller jusqu'à parler de crise démocratique, nous sentons un déclin d'intérêt envers les partis politiques et une abstention de vote qui avoisine un taux moyen de 75%». Les Universités de Genève et de Zurich sont à la manoeuvre, en collaboration avec le Centre d'études sur la démocratie d'Aarau. Le budget de cet exercice citoyen est de 1,5 million, financé essentiellement par le Fonds national suisse et Innosuisse, agence suisse pour l'encouragement de l'innovation.
Cinq thèmes définis avec les partis politiques
La Suisse est, selon les organisateurs, confrontée à des défis politiques urgents et parfois bloqués. L'assemblée citoyenne va se pencher sur l'un d'entre eux. Une présélection de cinq thèmes a été effectuée en collaboration avec les partis politiques: la garantie de l'approvisionnement énergétique, le financement de la prévoyance vieillesse, la politique de neutralité de la Suisse, l'augmentation des coûts de la santé ainsi que les relations entre la Suisse et l'Europe.
Chacune des 22 000 personnes invitées a la possibilité de s'exprimer sur ces sujets dans le cadre d'un sondage et de donner sa préférence à l'un d'eux. L'assemblée citoyenne formée de 100 personnes tirées au sort parmi les volontaires discutera dès le mois de novembre de la thématique qui obtiendra la préférence de la majorité.
Le professeur Daniel Kübler, co-initiateur du projet à l'Université de Zurich, ajoute: «Ce qui nous intéresse, c'est de savoir comment un échantillon informé de la population se positionne par rapport à des propositions de solutions politiques concrètes». Selon lui, une assemblée citoyenne est un format prometteur pour mener un débat riche et respectueux sur un sujet controversé ou politiquement bloqué.
«L'assemblée citoyenne fournit une image différenciée des opinions sur des défis politiques concrets, reprend Nenad Stojanovic. Cela permet aux politiques de puiser dans une multitude de points de vue et de propositions de solutions et cela favorise une prise de décision fondée». A la fin du processus, les membres de l'assemblée citoyenne élaborent à cet effet un document final dans lequel ils résument les principaux arguments, connaissances et recommandations sur le thème traité. Ce document pourra servir de base de décision pour les responsables politiques, sans obligation aucune.
«Nous avons fait des efforts pour intégrer le monde politique et l'administration fédérale à cet exercice. Le fait que les partis politiques aient été inclus dans le projet dès le départ nous garantit un intérêt de leur part, sans effectivement qu'il y ait une garantie de prise en considération des résultats. Le but n'est pas de remplacer le parlement des élus par un tirage au sort citoyen mais plutôt d'enrichir notre démocratie avec une nouvelle forme de participation», détaille le politologue.
Rédaction de notices explicatives
Une douzaine d'expériences pilotes ont déjà vu le jour en Suisse depuis 2019, soit par quartier, par ville ou par canton. Avec des résultats parfois visibles: à Genève, des habitants choisis au hasard sont invités à rédiger une notice citoyenne sur un objet de votation afin de faciliter la compréhension des objets de vote. Cette démarche mise sur pied pour les votations cantonales du 24 novembre 2024 ambitionne d'être reconduite annuellement pour un objet de votation sur proposition d'un département.
■