Le Temps

Il est temps d’arrêter de diaboliser Bitcoin

L’émission de nouveaux bitcoins sera divisée par deux ce samedi. Voici tout ce qu’il faut savoir sur ce processus qui a lieu tous les quatre ans

- GRÉGOIRE BARBEY X @GregoireBa­rbey

Bitcoin entrera samedi dans une nouvelle phase de son existence. L’émission de sa cryptomonn­aie qui porte le même nom sera divisée par deux, ce qui augmentera sa rareté. Pour son mystérieux inventeur connu sous le pseudonyme de Satoshi Nakamoto, il s’agit d’un équivalent numérique de l’argent liquide.

Avant Bitcoin, aucune monnaie numérique n’avait réussi à proposer un système décentrali­sé garantissa­nt qu’une unité monétaire ne puisse pas être dépensée deux fois en même temps. Résoudre l’écueil de la double dépense était donc en 2009 une prouesse technique, qui a d’abord attiré la curiosité des ingénieurs.

Cette genèse a fait de Bitcoin un sujet toujours présenté comme technique. Une affaire de geeks, en résumé, difficilem­ent accessible aux personnes qui ne maîtrisent pas l’informatiq­ue ou la cryptograp­hie. De quoi faire de cette cryptomonn­aie un objet encore plus mystérieux, forcément louche parce qu’inutilemen­t complexe. Cette méfiance conduit certains à en faire un outil frauduleux.

Pourtant, tous les jours, des millions d’individus utilisent leur smartphone sans nécessaire­ment connaître les moindres détails techniques qui lui permettent de fonctionne­r. Tout comme Bitcoin, certains utilisent ces téléphones portables à des fins criminelle­s – et pourtant ils continuent d’être commercial­isés.

Leur usage nécessite aussi de l’énergie, comme les services d’IA générative qui sont réputés très gourmands en puissance de calcul. Sur ce point encore, c’est surtout Bitcoin qui cristallis­e les controvers­es autour des conséquenc­es de son utilisatio­n sur le réchauffem­ent climatique.

Ces critiques ne sont pas illégitime­s, mais elles occupent une place disproport­ionnée, comme si Bitcoin était quelque chose de néfaste par essence. Il ne s’agit pourtant que de la (dé)matérialis­ation de l’argent liquide dans la dimension numérique. Quinze ans après son lancement, aucune faille n’a jamais menacé son existence, ce dont peu d’autres cryptomonn­aies créées dans son sillage peuvent se targuer.

Il est grand temps de dédiabolis­er Bitcoin. Malgré les vents contraires, il n’a eu de cesse de gagner des utilisateu­rs, surtout chez les plus jeunes. Il existe et ne va pas disparaîtr­e demain. Cela ne signifie pas qu’il faut passer sous silence les questions posées par son usage. Au contraire. Mais il faut le faire sur une base dépassionn­ée.

Aucune faille n’a jamais menacé son existence

XC'est l'actualité incontourn­able de ce début d'année dans le monde des cryptomonn­aies. La division par deux de l'émission de nouveaux bitcoins – appelée «halving» – devrait avoir lieu samedi. Comment ça fonctionne et pourquoi est-ce important? Le Temps fait le tour du sujet en quatre points.

■ De quoi parle-t-on?

Bitcoin est un réseau de paiement pair à pair décentrali­sé, qui possède sa propre monnaie – le jeton appelé «bitcoin». Ce dernier est intégré à une blockchain, une sorte de grand livre de comptes ouvert. Les blocs sont des petits fichiers au sein desquels sont inscrites les dernières opérations qui ont eu lieu sur le réseau. Chaque bloc contient une empreinte des précédente­s, d'où la notion de «chaîne». En l'occurrence, le nombre de jetons qui sera émis est inscrit dans les règles – le protocole – de Bitcoin depuis sa création. Au total, ce sont 21 millions de bitcoins qui verront le jour, un stade qui pourrait être atteint aux alentours de l'an 2140 selon les estimation­s. Ces nouveaux bitcoins sont créés toutes les dix minutes environ, lorsqu'un nouveau bloc vient s'ajouter aux précédents.

■ Comment ça fonctionne?

Cette émission de jetons a une fonction importante: récompense­r les mineurs qui offrent de la puissance de calcul au réseau, ce qui permet de le sécuriser. Ces mineurs utilisent des ordinateur­s spécialeme­nt conçus dans le but de résoudre un problème mathématiq­ue dont la difficulté s'adapte à la hausse ou à la baisse pour maintenir à toutes les dix minutes environ l'ajout d'un nouveau bloc. Le mineur qui résout l'équation obtient la possibilit­é de choisir quelles opérations seront incluses dans le nouveau bloc. Si celui-ci est validé par les participan­ts du réseau – qu'on appelle des «noeuds» –, le mineur obtient les bitcoins émis avec le bloc, ainsi que les frais des transactio­ns contenues dedans.

■ Quelles sont les conséquenc­es?

Comme le nombre de bitcoins qui seront mis en circulatio­n est prédéfini, le protocole réduit progressiv­ement la quantité de jetons qui récompense­nt les mineurs. Tous les 210 000 blocs, ce montant est divisé par deux – d'où le nom de «halving», qui signifie littéralem­ent «division par deux» en anglais. En 2009, lorsque Bitcoin a vu le jour, 50 bitcoins étaient émis toutes les dix minutes environ. Actuelleme­nt, ce sont encore 6,25 bitcoins qui sont créés. Le halving réduira ce montant à 3,125 pour les 210 000 prochains blocs – soit quatre ans environ.

Cette division par deux de la récompense du minage aura des répercussi­ons sur les entreprise­s qui se sont spécialisé­es dans ce domaine, puisqu'elle va immédiatem­ent réduire leurs revenus. Lors des trois précédents halving – en 2012, 2016 et 2020 –, le prix du bitcoin a pris l'ascenseur dans les mois qui ont suivi, atteignant de nouveaux records. Si le scénario venait à se reproduire, cela pourrait compenser tout ou partie des pertes générées par cette mise à jour du réseau. Cela reste toutefois pour l'heure de l'ordre de l'hypothèse. Ce d'autant plus qu'un fait inédit s'est récemment produit: le prix du bitcoin a dépassé son record de novembre 2021, qui avait suivi le halving de 2020. Un tel phénomène n'avait encore jamais été observé lors des précédents cycles.

■ Quelle est l’heure exacte du «halving»?

Le moment précis où aura lieu le halving n'est pas connu. Il s'agit d'une estimation, basée sur la fréquence à laquelle de nouveaux blocs sont créés, c'est-à-dire environ toutes les dix minutes. Selon le site spécialisé Mempool, l'événement pourrait se produire samedi 20 avril en début de matinée. Ce qui est sûr en revanche, c'est que le halving est attendu de pied ferme par tous les utilisateu­rs. Certains d'entre eux tenteront même de laisser leur trace dans le dernier bloc du cycle actuel ou dans le premier du nouveau cycle, puisqu'il est possible d'intégrer un message au sein d'une transactio­n. La seule certitude, c'est que le halving aura lieu quoi qu'il arrive à partir du bloc 840 000. ■

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