Il est temps d’arrêter de diaboliser Bitcoin
L’émission de nouveaux bitcoins sera divisée par deux ce samedi. Voici tout ce qu’il faut savoir sur ce processus qui a lieu tous les quatre ans
Bitcoin entrera samedi dans une nouvelle phase de son existence. L’émission de sa cryptomonnaie qui porte le même nom sera divisée par deux, ce qui augmentera sa rareté. Pour son mystérieux inventeur connu sous le pseudonyme de Satoshi Nakamoto, il s’agit d’un équivalent numérique de l’argent liquide.
Avant Bitcoin, aucune monnaie numérique n’avait réussi à proposer un système décentralisé garantissant qu’une unité monétaire ne puisse pas être dépensée deux fois en même temps. Résoudre l’écueil de la double dépense était donc en 2009 une prouesse technique, qui a d’abord attiré la curiosité des ingénieurs.
Cette genèse a fait de Bitcoin un sujet toujours présenté comme technique. Une affaire de geeks, en résumé, difficilement accessible aux personnes qui ne maîtrisent pas l’informatique ou la cryptographie. De quoi faire de cette cryptomonnaie un objet encore plus mystérieux, forcément louche parce qu’inutilement complexe. Cette méfiance conduit certains à en faire un outil frauduleux.
Pourtant, tous les jours, des millions d’individus utilisent leur smartphone sans nécessairement connaître les moindres détails techniques qui lui permettent de fonctionner. Tout comme Bitcoin, certains utilisent ces téléphones portables à des fins criminelles – et pourtant ils continuent d’être commercialisés.
Leur usage nécessite aussi de l’énergie, comme les services d’IA générative qui sont réputés très gourmands en puissance de calcul. Sur ce point encore, c’est surtout Bitcoin qui cristallise les controverses autour des conséquences de son utilisation sur le réchauffement climatique.
Ces critiques ne sont pas illégitimes, mais elles occupent une place disproportionnée, comme si Bitcoin était quelque chose de néfaste par essence. Il ne s’agit pourtant que de la (dé)matérialisation de l’argent liquide dans la dimension numérique. Quinze ans après son lancement, aucune faille n’a jamais menacé son existence, ce dont peu d’autres cryptomonnaies créées dans son sillage peuvent se targuer.
Il est grand temps de dédiaboliser Bitcoin. Malgré les vents contraires, il n’a eu de cesse de gagner des utilisateurs, surtout chez les plus jeunes. Il existe et ne va pas disparaître demain. Cela ne signifie pas qu’il faut passer sous silence les questions posées par son usage. Au contraire. Mais il faut le faire sur une base dépassionnée.
Aucune faille n’a jamais menacé son existence
XC'est l'actualité incontournable de ce début d'année dans le monde des cryptomonnaies. La division par deux de l'émission de nouveaux bitcoins – appelée «halving» – devrait avoir lieu samedi. Comment ça fonctionne et pourquoi est-ce important? Le Temps fait le tour du sujet en quatre points.
■ De quoi parle-t-on?
Bitcoin est un réseau de paiement pair à pair décentralisé, qui possède sa propre monnaie – le jeton appelé «bitcoin». Ce dernier est intégré à une blockchain, une sorte de grand livre de comptes ouvert. Les blocs sont des petits fichiers au sein desquels sont inscrites les dernières opérations qui ont eu lieu sur le réseau. Chaque bloc contient une empreinte des précédentes, d'où la notion de «chaîne». En l'occurrence, le nombre de jetons qui sera émis est inscrit dans les règles – le protocole – de Bitcoin depuis sa création. Au total, ce sont 21 millions de bitcoins qui verront le jour, un stade qui pourrait être atteint aux alentours de l'an 2140 selon les estimations. Ces nouveaux bitcoins sont créés toutes les dix minutes environ, lorsqu'un nouveau bloc vient s'ajouter aux précédents.
■ Comment ça fonctionne?
Cette émission de jetons a une fonction importante: récompenser les mineurs qui offrent de la puissance de calcul au réseau, ce qui permet de le sécuriser. Ces mineurs utilisent des ordinateurs spécialement conçus dans le but de résoudre un problème mathématique dont la difficulté s'adapte à la hausse ou à la baisse pour maintenir à toutes les dix minutes environ l'ajout d'un nouveau bloc. Le mineur qui résout l'équation obtient la possibilité de choisir quelles opérations seront incluses dans le nouveau bloc. Si celui-ci est validé par les participants du réseau – qu'on appelle des «noeuds» –, le mineur obtient les bitcoins émis avec le bloc, ainsi que les frais des transactions contenues dedans.
■ Quelles sont les conséquences?
Comme le nombre de bitcoins qui seront mis en circulation est prédéfini, le protocole réduit progressivement la quantité de jetons qui récompensent les mineurs. Tous les 210 000 blocs, ce montant est divisé par deux – d'où le nom de «halving», qui signifie littéralement «division par deux» en anglais. En 2009, lorsque Bitcoin a vu le jour, 50 bitcoins étaient émis toutes les dix minutes environ. Actuellement, ce sont encore 6,25 bitcoins qui sont créés. Le halving réduira ce montant à 3,125 pour les 210 000 prochains blocs – soit quatre ans environ.
Cette division par deux de la récompense du minage aura des répercussions sur les entreprises qui se sont spécialisées dans ce domaine, puisqu'elle va immédiatement réduire leurs revenus. Lors des trois précédents halving – en 2012, 2016 et 2020 –, le prix du bitcoin a pris l'ascenseur dans les mois qui ont suivi, atteignant de nouveaux records. Si le scénario venait à se reproduire, cela pourrait compenser tout ou partie des pertes générées par cette mise à jour du réseau. Cela reste toutefois pour l'heure de l'ordre de l'hypothèse. Ce d'autant plus qu'un fait inédit s'est récemment produit: le prix du bitcoin a dépassé son record de novembre 2021, qui avait suivi le halving de 2020. Un tel phénomène n'avait encore jamais été observé lors des précédents cycles.
■ Quelle est l’heure exacte du «halving»?
Le moment précis où aura lieu le halving n'est pas connu. Il s'agit d'une estimation, basée sur la fréquence à laquelle de nouveaux blocs sont créés, c'est-à-dire environ toutes les dix minutes. Selon le site spécialisé Mempool, l'événement pourrait se produire samedi 20 avril en début de matinée. Ce qui est sûr en revanche, c'est que le halving est attendu de pied ferme par tous les utilisateurs. Certains d'entre eux tenteront même de laisser leur trace dans le dernier bloc du cycle actuel ou dans le premier du nouveau cycle, puisqu'il est possible d'intégrer un message au sein d'une transaction. La seule certitude, c'est que le halving aura lieu quoi qu'il arrive à partir du bloc 840 000. ■