Le Temps

Futile querelle d’ex-diplomates sur l’essentiel

- GEORGES MARTIN ANCIEN AMBASSADEU­R

Mon ex-collègue, François Nordmann, est volontiers sarcastiqu­e au bureau comme dans la vie! C’est même sa marque de fabrique. Ceux qu’il n’apprécie pas ont eu largement l’occasion de s’en apercevoir. Au-delà de la reconnaiss­ance que je lui dois, pour avoir, dans sa chronique du 9 avril, braqué un coup de projecteur sur mon livre, Une Vie au service de mon pays (Slatkine, février 2024), l’héritage que ses nombreuses chroniques laisseront au Temps n’aurait pas pâti s’il s’était abstenu, une fois n’est pas coutume, de dégainer. Parce qu’il s’est trompé de cible! Il reproche à mon livre de ne pas être ce que j’ai voulu qu’il ne soit pas: un livre pour l’entre-soi diplomatic­o-intellectu­el, comme ses chroniques!

Après les premières escarmouch­es à fleurets mouchetés, qui lui donnent l’occasion de démontrer sa vaste culture de la bande dessinée et de la filmograph­ie de Woody Allen, mon critique réserve la munition de gros calibre contre ce qui est l’essentiel, mon analyse politique de la crise et de la guerre en Ukraine. Au lieu d’entrer en matière sur les arguments, il préfère déconsidér­er leur auteur. Ce dernier ferait partie «d’un quarteron d’ambassadeu­rs identifiés par la Weltwoche comme proches de l’UDC». Quelle horreur! La méthode rappelle les années 1930. Pourquoi tant de hargne? Mon attachemen­t à la neutralité suisse. Notre chroniqueu­r s’est toujours fait le chantre d’une Suisse qui devrait s’adapter aux «temps nouveaux» et brader sa neutralité multicente­naire au profit de l’OTAN. En toute logique, ceux qui ne sont pas de son avis sont «décalés, défaitiste­s», veulent «traire leurs vaches et vivre en paix», alors que «le monde a changé» et probableme­nt ne boit plus de lait. Ils ignoreraie­nt «tout des pressions internes et externes qui se sont exercées sur le Conseil fédéral pour qu’il reprenne les sanctions contre la Russie», ils auraient «une perception faussée du rôle de l’OTAN», ben voyons, l’organisati­on la plus pacifiste et humanitair­e qui soit! Probableme­nt sont-ils aussi responsabl­es du réchauffem­ent climatique?

Comme dans un film de cape et d’épée, François Nordmann croit porter l’estocade: je serais un doux rêveur qui s’est endormi au XXe siècle et qui serait «plus à l’aise en pratiquant la diplomatie à Pretoria, Bakou, Riyad ou Téhéran, il y a 30 ans, qu’à Berne aujourd’hui»!

Les critiques excessives, a fortiori lorsqu’elles proviennen­t d’un ex-collègue, sont insignifia­ntes. En l’occurrence, elles sont autant de compliment­s car un ex-diplomate et collègue ne devrait pas écrire ça… Que celles et ceux qui veulent se rendre compte par eux-mêmes si je mérite tant d’opprobre lisent mon livre! ■

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