Le Temps

Au National, des élus vaudois s’allient en faveur des paysans

Quatre conseiller­s nationaux du canton de Vaud se sont unis pour demander au Conseil fédéral de dresser un bilan de la nouvelle fiscalité agricole. Ils dénoncent un système qui pénalise les paysans lors de la transmissi­on de biens

- @Raph_jott X RAPHAËL JOTTERAND

Main dans la main, les quatre plus grands partis vaudois ont décidé de faire souffler un vent de révolte à Berne au sujet de la fiscalité agricole. A la suite d’une démarche du conseiller national écologiste Raphaël Mahaim, quatre députés ont déposé tour à tour un postulat identique demandant au Conseil fédéral de dresser le bilan de l’entrée en vigueur, il y a 10 ans, de la nouvelle fiscalité agricole.

Cette union est un moyen, pour Raphaël Mahaim, de revenir à la charge sur un sujet qu’il avait déjà empoigné en 2022 par le biais d’une initiative. «A l’époque, mon objectif était de modifier l’impôt fédéral direct pour qu’une donation ne soit plus considérée comme une aliénation. A ce titre, l’éventuelle plus-value réalisée sur cette opération serait taxée au titre du gain immobilier et non comme du revenu d’activité indépendan­te soumis aux cotisation­s sociales.» Malgré un soutien de l’UDC et de son propre bord politique, l’élu avait vu son texte refusé, notamment par les cantons connaissan­t un système d’imposition moniste.

Ce n’est pas la situation du canton de Vaud, où le système dualiste fait foi. Dans ce cas, les gains réalisés sur la transmissi­on d’un bien sont à la fois assujettis à l’impôt ordinaire sur le revenu (ou sur le bénéfice), ainsi qu’à un impôt spécial sur l’aliénation du bâtiment. Pour plusieurs familles paysannes, cette situation peut avoir d’importante­s conséquenc­es. «Même dans le cadre d’une donation de parcelle entre parents et enfants pour y construire une maison familiale, une imposition, pouvant s’élever jusqu’à 48% de la valeur du bien, est déclenchée», analyse Jacques Nicolet (UDC), l’un des quatre dépositair­es de ce postulat.

«Ce qui est particuliè­rement dramatique, c’est lorsqu’il n’y a pas d’échange d’argent et que le bien passe de fortune commercial­e à fortune privée. Des familles se retrouvent avec une dette fiscale gigantesqu­e et sont contrainte­s de mettre la clé sous la porte ou de vendre leur villa pour faire face à l’impôt.»

Pour Samuel Bendahan, conseiller national et coprésiden­t du groupe socialiste aux Chambres fédérales, le soutien du parlement à ce postulat commun est un bon moyen de faire un état des lieux. «Le but est d’éviter que des cas spécifique­s soient problémati­ques dans certains cantons qui utilisent le système dualiste. Du moment que nous aurons cette vision, aucun parti ne voudra rester les bras croisés face à de tels problèmes qui peuvent impacter toute une famille d’agriculteu­rs. Ce n’est pas normal que quelqu’un doive vendre son bien juste parce qu’il n’a pas le cash nécessaire. En revanche, s’il y a une réelle plus-value sur une transactio­n immobilièr­e, il est tout à fait normal que cette personne soit taxée.»

«Un premier pas dans la bonne direction»

«Cette large et fructueuse alliance m’a remis du baume au coeur» RAPHAËL MAHAIM, CONSEILLER NATIONAL (LES VERT·E·S/VD)

Désormais, face à cette fronde et malgré le peu de motivation démontré lundi sur la question par Karin Keller-Sutter, le Conseil fédéral n’aura d’autres choix que de faire un état des lieux sur cette nouvelle fiscalité agricole vieille de dix ans. «Cette large et fructueuse­s alliance m’a remis du baume au coeur, se réjouit Raphaël Mahaim. Certes, il faudra être patient car un postulat ne va pas déboucher directemen­t sur des mesures concrètes, mais c’est un premier pas dans la bonne direction.»

Le politicien du district de Morges ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. «Il existe des solutions, mais il faut arrêter de nous dire que l’option la plus évidente serait de passer au système moniste. Ça serait une réforme drastique de la fiscalité cantonale qui pourrait avoir de lourdes répercussi­ons sur d’autres secteurs. Et le but n’est pas de mettre une cible dans le dos des agriculteu­rs. Par contre, on pourrait imaginer que tant qu’il n’y a pas de cash dans une transactio­n, il n’y ait pas d’impôts. Je suis également favorable à l’augmentati­on des possibilit­és d’exception de l’impôt sur le revenu lorsqu’on a affaire à une cessation d’activités. Nous devons davantage être dans une logique d’impôt sur la plus-value immobilièr­e, comme avant le funeste arrêt du Tribunal fédéral.»

Malgré cette large alliance, il est difficile d’imaginer que les solutions viennent de Berne. Comme l’a rappelé plusieurs fois lundi la ministre des Finances, ce sont les cantons qui sont responsabl­es de leur propre imposition. ■

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland