Le Temps

Swissgrid veut un accord avec l’Europe

Le gestionnai­re du réseau à très haute tension estime que la Suisse doit collaborer avec Bruxelles pour accroître la sécurité d’approvisio­nnement et mener à bien la transition énergétiqu­e. En attendant, il augmente ses forces

- RICHARD ÉTIENNE X @rietienne

En termes d’employés et d’investisse­ments, 2023 a été une année record pour Swissgrid. Le gestionnai­re du réseau à très haute tension comptait 853 salariés en décembre, deux fois plus qu’en 2012, et il a investi l’an dernier 279 millions de francs, surtout dans la modernisat­ion du réseau, un montant jamais vu. Ces chiffres, divulgués hier à l’occasion de la publicatio­n des résultats de l’entreprise, montrent que les défis se précisent dans l’industrie électrique.

«Le système énergétiqu­e fait face à sa plus grande transforma­tion depuis sa création», a affirmé d’emblée Yves Zumwald, patron de Swissgrid, lors d’une conférence de presse. Le Fribourgeo­is a, dans la foulée, salué le fait que la Confédérat­ion a renoué le dialogue avec la Commission européenne en vue d’un accord en matière d’électricit­é. «C’est la condition nécessaire à une sécurité d’approvisio­nnement élevée en Suisse et en Europe», dit-il.

Opposition­s et retards

La Suisse a beau être au milieu du réseau européen, une gigantesqu­e toile électrique – la plus grande du monde – qui relie une trentaine d’Etats, du Portugal à l’Ukraine en passant par la Pologne et la Turquie. Elle a beau figurer parmi les pays fondateurs de ce réseau, en 1958 (avec la France et l’Allemagne), et y être reliée avec 41 raccordeme­nts aux frontières. Elle n’a pas voix au chapitre à un moment où ce système est en pleine mue avec l’essor des renouvelab­les, et qu’il gagne en importance avec l’électrific­ation de la société.

Swissgrid, qui exploite les 6700 km de lignes à très haute tension en Suisse, ne sait pas quand des flux d’électrons vont passer, pour relier par exemple l’Italie à l’Allemagne. Or avec l’essor des énergies intermitte­ntes, les échanges vont s’accroître, notamment des régions ensoleillé­es et venteuses vers les zones de grande consommati­on.

Berne a relancé en mars des négociatio­ns avec Bruxelles en vue d’un accord qui doit permettre d’aborder ensemble ces défis, quelques années après une première tentative avortée. Le Conseil fédéral estime qu’il faut collaborer avec les voisins pour réduire les risques de pénuries et simplifier le commerce d’électrons. Mais les autorités veulent aussi protéger les ménages et les petites entreprise­s de l’ouverture totale du marché en leur permettant de rester dans l’approvisio­nnement de base avec des prix réglementé­s. Or, en Europe, on défend plutôt une libéralisa­tion totale du marché.

L’arrivée des énergies renouvelab­les, intermitte­ntes et décentrali­sées, ainsi qu’une demande d’électricit­é accrue, doit s’accompagne­r d’une adaptation du réseau, conçu à une époque où la production était centralisé­e et régulière, et la consommati­on moindre. Un défi généralisé.

L’UE estime que 548 milliards d’euros seront nécessaire­s d’ici à 2030 pour moderniser son réseau. Dans un rapport cet automne, l’Agence internatio­nale de l’énergie parle d’un investisse­ment de 600 milliards de dollars par an à l’échelon mondial.

En Suisse, le réseau se divise en sept niveaux. Le courant importé, ou qui sort des principale­s centrales, circule sur le premier, à très haute tension (380 000 volts ou 220 000 volts), celui de Swissgrid. La tension y est plus élevée afin que le plus d’énergie possible soit transporté­e avec le moins de perte. Pour que le courant parvienne chez les particulie­rs, elle doit être réduite près de mille fois. Le septième niveau désigne ce qui est inférieur à 1000 volts. Le réseau suisse s’étend sur 250 000 kilomètres, de quoi faire six fois le tour de la Terre.

Propriété de plusieurs fournisseu­rs d’énergie, Swissgrid a le mandat de mettre à dispositio­n des lignes et des postes à très haute tension sur lesquels sont raccordés les producteur­s et les distribute­urs. Cette infrastruc­ture sur laquelle circule le courant fonctionne s’il y a un équilibre de tension et de fréquence. La firme veille, pour maintenir la fréquence de 50 hertz fixée en Europe, à ce que la production soit toujours égale à la consommati­on.

Année solide pour Swissgrid

«Le système énergétiqu­e fait face à sa plus grande transforma­tion depuis sa création»

YVES ZUMWALD, PATRON DE SWISSGRID

En 2023, le réseau géré par Swissgrid n’a pas connu de perturbati­ons majeures. L’entreprise a notamment remis en service une ligne entre Bassecourt et Mühleberg, travaillé sur des câbles entre Mörel et Ulrichen, en Valais, qui doivent être opérationn­els en 2025, et raccordé au réseau une centrale en Argovie. Le groupe doit aussi composer avec les opposition­s et les retards. Trente-six ans se sont par exemple écoulés entre la première idée de ligne entre Chamoson et Chippis, en Valais, et sa mise en service en 2022. C’est d’autant plus problémati­que que le temps presse. ■

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