Swissgrid veut un accord avec l’Europe
Le gestionnaire du réseau à très haute tension estime que la Suisse doit collaborer avec Bruxelles pour accroître la sécurité d’approvisionnement et mener à bien la transition énergétique. En attendant, il augmente ses forces
En termes d’employés et d’investissements, 2023 a été une année record pour Swissgrid. Le gestionnaire du réseau à très haute tension comptait 853 salariés en décembre, deux fois plus qu’en 2012, et il a investi l’an dernier 279 millions de francs, surtout dans la modernisation du réseau, un montant jamais vu. Ces chiffres, divulgués hier à l’occasion de la publication des résultats de l’entreprise, montrent que les défis se précisent dans l’industrie électrique.
«Le système énergétique fait face à sa plus grande transformation depuis sa création», a affirmé d’emblée Yves Zumwald, patron de Swissgrid, lors d’une conférence de presse. Le Fribourgeois a, dans la foulée, salué le fait que la Confédération a renoué le dialogue avec la Commission européenne en vue d’un accord en matière d’électricité. «C’est la condition nécessaire à une sécurité d’approvisionnement élevée en Suisse et en Europe», dit-il.
Oppositions et retards
La Suisse a beau être au milieu du réseau européen, une gigantesque toile électrique – la plus grande du monde – qui relie une trentaine d’Etats, du Portugal à l’Ukraine en passant par la Pologne et la Turquie. Elle a beau figurer parmi les pays fondateurs de ce réseau, en 1958 (avec la France et l’Allemagne), et y être reliée avec 41 raccordements aux frontières. Elle n’a pas voix au chapitre à un moment où ce système est en pleine mue avec l’essor des renouvelables, et qu’il gagne en importance avec l’électrification de la société.
Swissgrid, qui exploite les 6700 km de lignes à très haute tension en Suisse, ne sait pas quand des flux d’électrons vont passer, pour relier par exemple l’Italie à l’Allemagne. Or avec l’essor des énergies intermittentes, les échanges vont s’accroître, notamment des régions ensoleillées et venteuses vers les zones de grande consommation.
Berne a relancé en mars des négociations avec Bruxelles en vue d’un accord qui doit permettre d’aborder ensemble ces défis, quelques années après une première tentative avortée. Le Conseil fédéral estime qu’il faut collaborer avec les voisins pour réduire les risques de pénuries et simplifier le commerce d’électrons. Mais les autorités veulent aussi protéger les ménages et les petites entreprises de l’ouverture totale du marché en leur permettant de rester dans l’approvisionnement de base avec des prix réglementés. Or, en Europe, on défend plutôt une libéralisation totale du marché.
L’arrivée des énergies renouvelables, intermittentes et décentralisées, ainsi qu’une demande d’électricité accrue, doit s’accompagner d’une adaptation du réseau, conçu à une époque où la production était centralisée et régulière, et la consommation moindre. Un défi généralisé.
L’UE estime que 548 milliards d’euros seront nécessaires d’ici à 2030 pour moderniser son réseau. Dans un rapport cet automne, l’Agence internationale de l’énergie parle d’un investissement de 600 milliards de dollars par an à l’échelon mondial.
En Suisse, le réseau se divise en sept niveaux. Le courant importé, ou qui sort des principales centrales, circule sur le premier, à très haute tension (380 000 volts ou 220 000 volts), celui de Swissgrid. La tension y est plus élevée afin que le plus d’énergie possible soit transportée avec le moins de perte. Pour que le courant parvienne chez les particuliers, elle doit être réduite près de mille fois. Le septième niveau désigne ce qui est inférieur à 1000 volts. Le réseau suisse s’étend sur 250 000 kilomètres, de quoi faire six fois le tour de la Terre.
Propriété de plusieurs fournisseurs d’énergie, Swissgrid a le mandat de mettre à disposition des lignes et des postes à très haute tension sur lesquels sont raccordés les producteurs et les distributeurs. Cette infrastructure sur laquelle circule le courant fonctionne s’il y a un équilibre de tension et de fréquence. La firme veille, pour maintenir la fréquence de 50 hertz fixée en Europe, à ce que la production soit toujours égale à la consommation.
Année solide pour Swissgrid
«Le système énergétique fait face à sa plus grande transformation depuis sa création»
YVES ZUMWALD, PATRON DE SWISSGRID
En 2023, le réseau géré par Swissgrid n’a pas connu de perturbations majeures. L’entreprise a notamment remis en service une ligne entre Bassecourt et Mühleberg, travaillé sur des câbles entre Mörel et Ulrichen, en Valais, qui doivent être opérationnels en 2025, et raccordé au réseau une centrale en Argovie. Le groupe doit aussi composer avec les oppositions et les retards. Trente-six ans se sont par exemple écoulés entre la première idée de ligne entre Chamoson et Chippis, en Valais, et sa mise en service en 2022. C’est d’autant plus problématique que le temps presse. ■