Les appareils dopés à l’intelligence artificielle jugés catastrophiques
L’accessoire AI Pin, lancé par la start-up américaine Humane dans l’optique de remplacer les smartphones, est étrillé par la critique. Alors que d’autres projets similaires sont en développement, leur avenir est incertain
XPour qu'une nouveauté du monde cyber réussisse, il faut en général l'un de ces deux ingrédients – et dans un monde parfait, les deux combinés. Qu'elle permette de résoudre un problème. Ou alors qu'elle propose un saut technologique colossal. Ces derniers mois, ingénieurs et entrepreneurs de la Silicon Valley caressaient un rêve: celui d'insérer des solutions d'intelligence artificielle dans des petits appareils à transporter sur soi. Avec le but d'améliorer nos vies. A la lumière des tests récents de tels accessoires, le moins que l'on puisse dire, c'est que ce rêve est encore inaccessible.
«Une idée intéressante, mais inaboutie»
Parmi ces appareils se trouve l'AI Pin de la start-up américaine Humane, cofondée par d'anciens responsables d'Apple. L'accessoire avait été dévoilé fin 2023 et paraissait prometteur: accroché à ses habits, l'AI Pin devait répondre à des commandes vocales, filmer en permanence les alentours et projeter, grâce à un laser, des informations sur la paume de sa main. Le but de l'accessoire est de remplacer le smartphone. En vente depuis quelques jours aux Etats-Unis, l'AI Pin est étrillé par la presse spécialisée qui a pu le tester.
Le verdict est clair pour The Verge: «Devriez-vous acheter cet appareil? Facile. Non. Il n'en est pas question. L'AI Pin est une idée intéressante, mais elle est tellement inaboutie et totalement défectueuse sur tant de points que je ne vois personne à qui je recommanderais de dépenser les 699 dollars de l'appareil et les 24 dollars de l'abonnement mensuel», affirme le rédacteur qui a effectué le test.
Traduction erratique
Physiquement, l'AI Pin est intéressant: grand comme un cadran de montre, pesant seulement 55 grammes et donc dénué d'écran. Mais son utilisation déçoit. «L'appareil peut être lent à réagir ou ne pas reconnaître le geste tactile nécessaire pour commencer à écouter une commande. Il surchauffe de manière inquiétante et il lui manque des fonctionnalités essentielles. […] Il ne peut pas non plus accéder à des applications tierces et l'autonomie de la batterie est frustrante», note Bloomberg.
Dans le cadre de ce test, le journaliste note que «le problème inhérent à l'appareil n'est pas son dysfonctionnement, son ensemble de fonctions à moitié abouties ou ses problèmes de batterie. Le design et l'interface de l'AI Pin sont fondamentalement défectueux.» Bloomberg note que «l'utilisation d'une commande vocale et d'un système de projection laser ne fonctionnera pas pour la plupart des gens. Ils n'auront tout simplement pas envie d'interagir avec la technologie de cette manière». On note en effet que les haut-parleurs connectés d'Apple, Google ou Amazon sont peu utilisés. Commander un appareil par la voix est rarement une option utile et intéressante.
L'AI Pin est présenté comme un traducteur en temps réel entre deux personnes parlant des langues différentes. «Super cool et futuriste, en théorie. En réalité, j'ai passé une heure dans notre studio à essayer désespérément de faire traduire l'IA Pin en japonais ou en coréen, tandis que [ma collègue, ndlr] Victoria Song, de The Verge, qui parle les deux langues, était assise là à lui parler dans ces langues, en vain. Plutôt que de traduire les choses, il se contentait de les lui répéter, avec un accent horrible et parfois presque moqueur», note The Verge.
L'écran projeté sur la main ne convainc personne non plus. «Même si vous maîtrisez la navigation, faire quoi que ce soit prend toujours trop de temps. Vous contrôlez l'interface en inclinant votre main comme si vous déplaciez une bille – c'est imprécis et frustrant, se désole Bloomberg. L'écran laser ne fonctionne pas bien non plus dans des conditions d'éclairage particulièrement intenses et n'apparaît souvent pas lorsqu'il est censé le faire. Tout cela va à l'encontre du message marketing de l'entreprise, qui souhaite que les utilisateurs restent ancrés dans le monde réel.»
Enfin, l'AI Pin doit être capable de voir en permanence les alentours et de donner des réponses dans ce contexte. «Vous pouvez demander à l'AI Pin de lire des choses à haute voix, d'essayer d'identifier des voitures, des plantes ou des lieux, ou de décrire une pièce. Le relais entre la prise d'une photo et la réponse prend plusieurs secondes. […] Le processus n'est pas aussi automatique ou aussi fluide qu'on le souhaiterait. Parfois, l'IA n'a pas aidé du tout ou a donné des réponses différentes aux mêmes questions», note le site spécialisé CNET.
«Le design et l’interface sont fondamentalement défectueux»
MARK GURMAN, JOURNALISTE CHEZ BLOOMBERG
Nouveaux projets
D'autres appareils similaires vont arriver sur le marché. Fin avril seront livrés les premiers appareils Rabbit R1 (199 dollars), des boîtiers orange dotés d'un écran qui doivent faire office d'assistant personnel, être capables de commander un taxi, trouver un restaurant ou envoyer des messages. Quelque 100 000 de ces appareils ont été précommandés. Quant à la start-up Rewind, elle avait présenté fin 2023 son pendentif appelé Pendant, capable d'enregistrer en permanence les alentours. Depuis, la société a été renommée Limitless et son avenir est incertain.
Enfin, selon des rumeurs, Sam Altman (directeur d'OpenAI) et Jony Ive (ancien responsable du design chez Apple) chercheraient actuellement 1 milliard de dollars pour financer une nouvelle entreprise qui développerait elle aussi un appareil dédié à l'IA. ■