A Visions du Réel, un film suisse sur les traces du loup
Le «Canis lupus» est de retour dans les Alpes suisses, mais on en parle plus qu’on ne le voit. Le réalisateur de «Tamina – Wann war es immer so?» peine à le débusquer dans les montagnes saint-galloises
XL’aventure commence sous le regard de Jeannot Lapin (Johannes Kaninchen, en V.O.), enfin son oeil de verre, car cela fait belle lurette que le doux lagomorphe est empaillé. On l’exhibait dans les classes de science naturelle pour enseigner les merveilles de la nature jusqu’au jour où de bonnes âmes antispécistes se sont émues de ces ostentations de taxidermie offensive. Enfermé dans un sac bleu, le lièvre a rejoint toute une faune naturalisée au fond d’une oubliette. Ainsi passent les choses…
Et puis elles reviennent… A Vättis, dans les Alpes saint-galloises, le capricorne et le gypaète barbu sont de retour. Le loup aussi. Flanqué de Lena Hatebur et Samuel Weniger, Beat Oswald (Golden Age) se lance dans une recherche du Canis lupus et du temps perdu à travers «mille histoires courtes» qui se chassent les unes les autres.
Tamina – Wann war es immer so? semble promettre une quête entre mythologie et zoologie comme celle menant Sylvain Tesson sur les traces de la panthère des neiges. Mais du loup, on ne voit pas même le bout de la queue, juste des déjections et des carcasses rongées. Et au lieu d’une pastorale mélancolique, on feuillette le journal intime d’un jeune père, légitimement inquiet de l’avenir, et féru de sociologie rurale.
Prédateur facétieux
Beat Oswald descend dans les fondements du barrage de Gigerwald qui exploite la rivière Tamina, contemple la grandroute qui rapprocha de la ville les habitants de Pfäfers et accéléra l’exode rural, le grand hôtel déserté, les gamins qui tirent à l’arbalète, le vieux chasseur qui considère l’art cynégétique comme une forme de suicide assisté, la cuisinière qui assomme une truite, le pensionnat pour «jeunes filles pures et fraîches» reconverti en centre pour délinquants juvéniles, où «les enfants sauvages des villes viennent se calmer dans les montagnes sauvages».
Le cinéaste ne manque pas d’humour quand il demande «pourquoi tant de végétariens aiment-ils le loup?», ni de finesse quand il observe que «le loup fait moins peur que la perte de la sauvagerie», mais il se disperse et tend à la logorrhée en voix off. Quant au loup, c’est un prédateur facétieux. Il attend que Beat Oswald et sa famille dorment paisiblement pour finalement faire trois petits tours devant la caméra thermique. ■
Tamina – Wann war es immer so? de Beat Oswald, Lena Hatebur et Samuel Weniger (Suisse, 2024), 1h47. Jeudi 18 avril à 13h30 (Usine à Gaz 2).