Après l’attaque iranienne, le sud du Liban frémit
Un drone du Hezbollah s’est abattu dans le nord d’Israël, faisant des blessés. La veille, un chef de la milice chiite avait été assassiné par les Israéliens. Des prémices d’embrasement?
XL’engin était de fabrication iranienne. Plus moderne et plus performant que ceux qui ont été lancés en Israël ce week-end, le drone kamikaze a réussi à contourner le système de défense et à s’abattre dans le nord d’Israël sans que retentisse la moindre sirène d’alarme. Au moins 18 Israéliens ont été blessés, des civils selon les sources israéliennes, des militaires au contraire, à en croire le Hezbollah libanais, qui a revendiqué l’attaque.
Alors que le gouvernement israélien met la dernière main à ce qui semble être une riposte imminente après l’attaque iranienne, le «front nord», comme l’appellent les Israéliens, menace-t-il à son tour de s’embraser? Mardi, un chef local du Hezbollah, Ismail Yosef Baz, était assassiné par un drone israélien. Mais les violences ont été pratiquement quotidiennes depuis octobre dernier. Côté libanais, quelque 320 membres du Hezbollah et d’autres groupes combattants ont été tués, mais aussi près de 70 civils. Côté israélien, dix soldats et huit civils ont été tués, tandis que quelque 80 000 Israéliens ont déserté la région.
«De nouvelles frappes ciblées israéliennes sont sans doute à craindre, même à Beyrouth»
DANIEL MEIER, SPÉCIALISTE DU PROCHE-ORIENT À L’UNIGE
Un lien entre l’attaque iranienne sans précédent de ce week-end et ce regain de tension à la frontière libanaise? Pas sûr: «L’objectif de Téhéran était en réalité de montrer qu’il pouvait attaquer seul. A dessein, l’Iran a ainsi laissé de côté les autres composantes de «l’axe de la résistance» (Hezbollah, milices chiites irakiennes, houthis yéménites…)», rappelle Daniel Meier, enseignant à l’Université de Genève et spécialiste de la région. Réaffirmant sa place de «patron», en somme, «l’Iran a voulu montrer à la fois sa puissance et accréditer l’idée que chacun joue bien sa part dans ce que l’on appelle «la répartition des fronts».
Démonstration de force
Alors que presque la totalité des drones et des missiles lancés par l’Iran ont été détruits en vol avant d’atteindre le territoire israélien, la perception, retransmise abondamment par le camp pro-iranien, n’en reste pas moins celle d’une réelle démonstration de force, réussie. Les ardeurs n’en sont que renouvelées.
La «riposte» israélienne s’étendra-t-elle au Liban, comme le craignent avant tout les Libanais eux-mêmes? «Je m’attends à ce que les violences s’intensifient. Le Liban, vu sa quasi-vacuité en termes de souveraineté, est un terrain idéal pour tous les débordements. De nouvelles frappes ciblées israéliennes sont sans doute à craindre, même à Beyrouth», estime Daniel Meier.
Le Hezbollah est pourtant conscient de ce qu’il en coûterait d’une confrontation générale contre Israël dans un Liban déjà au bord du gouffre. De leur côté, les militaires israéliens savent aussi combien les centaines de missiles balistiques dont dispose la milice chiite inspirent forcément le respect. Souvent perçu comme une «garantie» dont disposerait l’Iran pour prévenir toute attaque israélienne directe contre lui, le Hezbollah continue de jouer un rôle de barrage de protection ultime pour Téhéran.
Il y a quelques jours, pour la première fois, le Hezbollah parvenait à abattre un drone Hermes 900 israélien en plein vol (coût: 10 millions de dollars) avec un missile de précision sol-air. Avant d’envoyer ce mercredi son propre drone, qui s’est donc révélé indétectable. Deux preuves, parmi beaucoup d’autres, que le prix à payer d’un éventuel durcissement du conflit serait particulièrement élevé. ■