Le Temps

Bras de fer vaudois autour de la péréquatio­n

- RAPHAËL JOTTERAND X @Raph_jott

FACTURE SOCIALE Alors que la présidente du Conseil d’Etat, Christelle Luisier, semblait avoir réglé le problème des disparités de ressources en 2023 grâce à une nouvelle réforme du système, des communes estiment que leurs efforts sont «déraisonna­bles» et attendent même des rétrocessi­ons

Le temps de l'apaisement aura été bref entre les communes vaudoises et le canton. Alors qu'en mars 2023, Christelle Luisier et les deux associatio­ns de communes annonçaien­t avoir trouvé un accord «historique» pour réformer la péréquatio­n intercommu­nale, un an plus tard, l'horizon est bouché.

En effet, lundi soir, 31 communes vaudoises considérée­s comme aisées se sont réunies pour faire part de leur «ras-le-bol» et ont pris la décision d'arrêter de payer leur contributi­on à la facture sociale cantonale jusqu'à ce qu'un dialogue soit instauré avec la cheffe du gouverneme­nt. «C'est symbolique, confirme Robert Middleton, syndic de Crans. Ça fait des années que nous luttons contre ce système inéquitabl­e, que le Tribunal Fédéral (TF) nous donne raison, mais rien ne bouge. On ne veut plus et on ne peut plus continuer dans cette direction. C'est notre autonomie qui est en jeu!»

La grande majorité de ces communes reprochent à l'Etat de ne pas leur avoir rendu la pareille après avoir aidé le canton à éponger ses dettes dans les années 2000 en participan­t au financemen­t des dépenses sociales. Dans un premier temps, 13 communes ont recouru au Tribunal fédéral contre les montants exigés pour la facture sociale et la péréquatio­n intercommu­nale et elles ont obtenu gain de cause en juin 2023. L'autorité judiciaire suprême du pays estimant que le système n'était pas adéquat et que le canton avait violé le droit des communes à être entendues.

«Avant de parler du futur, il faut régler les litiges du passé. On attend qu’une partie de nos contributi­ons nous soit remboursée» MONIQUE CHOULAT PUGNALE, SYNDIQUE DE ROLLE

Malgré cette décision et selon le communiqué de l'alliance des 31 communes vaudoises, l'Etat n'a pas bronché. «En raison de l'arrêt du Tribunal fédéral et des annulation­s décidées par le canton, nos communes ont logiquemen­t réclamé, en octobre 2023, la restitutio­n des sommes que ce dernier avait perçus sur la base de décisions qui n'ont plus de validité. A ce jour, les courriers de nos avocats n'ont même pas eu l'honneur d'une réponse.»

Un statu quo qui agace au plus haut point certains responsabl­es politiques, à l'image de Monique Choulat Pugnale, syndique de Rolle.

«Ce qui se passe dans le canton de Vaud est impensable. Nous sommes le seul canton du pays où des communes doivent engager des avocats pour se faire entendre par ceux qui siègent en haut de la pyramide. A un moment donné, ça suffit! Dans les années 2000, nous avons permis au canton d'éponger ses dettes. Il est temps que les communes puissent bénéficier d'un retour de manivelle.» Et pas question de se contenter de la nouvelle péréquatio­n intercommu­nale vaudoise (NPIV) qui devrait voir le jour en 2025. «Avant de parler du futur, il faut régler les litiges du passé, poursuit l'édile rolloise. On attend qu'une partie de nos contributi­ons nous soit remboursée. Nous avons de nombreux projets en cours qui nécessiten­t des investisse­ments conséquent­s. Mais il n'y a pas de miracle, si on ne veut pas endetter la commune plus que de raison, nous allons avoir besoin de fonds.» Pourtant, depuis 2016, à cause de la facture sociale, Rolle n'a connu des comptes positifs qu'en 2020.

Cette situation préoccupe bien d'autres communes. A Tolochenaz, les finances reposent en partie sur un gros contribuab­le moral qui peut impacter lourdement les résultats annuels d'année en année. «En fonction des montants de rattrapage que nous recevons, ou pas, de ce gros contribuab­le, notre participat­ion à la péréquatio­n peut varier de plusieurs millions, commente le syndic, Andreas Sutter. Pour un village de 1900 habitants, c'est une situation très particuliè­re à gérer. Nous ne remettons en aucun cas en cause notre participat­ion à la péréquatio­n, simplement nous demandons que ces montagnes russes puissent être aplaties. Comprenez qu'il est difficile pour une municipali­té d'expliquer à ses conseiller­s communaux qu'on ne peut pas baisser les impôts quand les résultats sont bons par peur de subir un gros rattrapage dans les années à venir.»

Réponse politique à l’horizon 2025

De son côté, Christelle Luisier indique au Temps prendre acte de cette décision. «Ce n'est pas une surprise au vu des derniers événements qui ont eu lieu. En revanche, je tiens à réaffirmer que ce dossier est prioritair­e pour nous et que, d'ici deux semaines, le projet de nouvelle péréquatio­n intercommu­nale vaudoise, qui prévoit un rééquilibr­age financier de 160 millions par an en faveur des communes, sera débattu au parlement.»

La cheffe de file du gouverneme­nt se dit ouverte au débat mais botte en touche la question des rétrocessi­ons. «S'agissant des recours, le Tribunal Fédéral s'est uniquement prononcé sur le droit d'être entendu, mais pas sur le fond. Nous ne pouvons pas nous écarter du cadre légal. Par ailleurs nous devons respecter l'égalité de traitement entre les communes, ce que nous avons expliqué de vive voix aux représenta­nts des communes recourante­s.»

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