Un frein potentiel aux coûts de la santé?
Seul contre tous les autres partis et la grande majorité des acteurs de la santé, Le Centre a lancé sa campagne pour le 9 juin, balayant tout danger de rationnement des soins
La Suisse a son frein à l'endettement, aura-t-elle son frein aux coûts de la santé? La population le décidera le 9 juin, en votant sur l'initiative du Centre «Pour des primes plus basses. Frein aux coûts dans le système de santé». Face à la hausse continue des primes d'assurance maladie, les ex-démocrates-chrétiens proposent d'agir à la racine du problème, soit sur la quantité de traitements et de soins délivrés aux patients. Ils ont déroulé leurs arguments hier devant la presse.
«Il est possible d'économiser 6 milliards de francs (sur un total de quelque 90 milliards par année) sans toucher à la qualité des soins», rappelle le conseiller national Benjamin Roduit (VS), citant un rapport d'experts commandé par la Confédération. Mots clés: doublons, prix excessifs, traitements inutiles. «Une autre étude de l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich montre qu'avec la numérisation, le système pourrait économiser 4 milliards, en améliorant la coordination entre les prestataires.»
Leur initiative populaire veut empêcher les coûts de la santé de croître nettement plus que les salaires. «Si deux ans après l'acceptation de l'initiative, l'augmentation des coûts est supérieure de plus de 20% à celle des salaires et que les partenaires tarifaires n'ont pas engagé d'actions pour la ralentir, la Confédération et les cantons prendront des mesures visant à maîtriser les coûts», résume l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) sur son site internet. Prendre des mesures? Le Centre ne les décrit pas plus précisément dans son texte, destiné à s'insérer dans la Constitution. Faut-il en déduire que l'initiative n'aura pas d'effet concret? Au contraire, rétorquent les élus centristes, à commencer par Vincent Maitre (GE), vice-président du parti. «Si les acteurs de la santé ne parviennent pas à maîtriser les coûts, la Confédération et les cantons se concerteront pour définir des mesures. Ils agiront en collaboration, avec un certain pilotage de la Confédération.» L'élu estime que, grâce à cet aspect «contraignant», leur initiative est meilleure que le contre-projet proposé par le parlement, qui, lui, prévoit des objectifs de coûts mais pas de mesures pour remédier aux dépassements.
Le Centre voit dans sa démarche une incitation à dépasser des blocages. «Je pourrais m'imaginer que des cantons soient amenés à instaurer une planification hospitalière», suppute le conseiller national Lorenz Hess (BE) – président de l'assurance maladie Visana –, faisant allusion à une mise en commun de certains services entre les hôpitaux de différents cantons. «Notre initiative met aussi la pression sur le Conseil fédéral, qui a le droit d'intervenir dans certains domaines mais ne le fait pas assez», ajoute Yvonne Bürgin (ZH), vice-présidente du Centre.
Les centristes ne veulent rien savoir du principal reproche de leurs opposants – soit tous les autres partis et la majorité des acteurs sanitaires – qui accusent leur initiative de conduire à un rationnement des soins. «Je suis enseignant et si mon budget est épuisé en octobre, je ne vais pas laisser les enfants seuls dans la cour. L'éthique professionnelle commande de continuer à travailler normalement, insiste Benjamin Roduit. La santé est le seul domaine où les dépenses sont illimitées.»
«Travailler gratuitement»
Dans le camp adverse, le vice-président de la Fédération des médecins suisses (FMH), Philippe Eggimann, balaie l'argument. «Ce que demande Le Centre en faisant ainsi appel à l'éthique professionnelle n'est rien d'autre que de demander aux professionnels de réaliser les prestations gratuitement. C'est-àdire que les infirmiers, les physiothérapeutes, les pharmaciens, les médecins et les autres travaillent gratuitement et financent euxmêmes leurs infrastructures et outils de travail. D'autres professions manifestent ou se mettent en grève pour moins que cela.»
Le Vaudois trouve «dommage qu'une fois de plus le débat nous empêche de discuter des propositions concrètes et pragmatiques que fait le corps médical depuis plusieurs années (Tardoc, Smarter Medicine, baser les primes sur les coûts réels et plus sur des estimations)». ■