Le Temps

Un frein potentiel aux coûts de la santé?

Seul contre tous les autres partis et la grande majorité des acteurs de la santé, Le Centre a lancé sa campagne pour le 9 juin, balayant tout danger de rationneme­nt des soins

- PHILIPPE BOEGLIN, BERNE X @BoeglinP

La Suisse a son frein à l'endettemen­t, aura-t-elle son frein aux coûts de la santé? La population le décidera le 9 juin, en votant sur l'initiative du Centre «Pour des primes plus basses. Frein aux coûts dans le système de santé». Face à la hausse continue des primes d'assurance maladie, les ex-démocrates-chrétiens proposent d'agir à la racine du problème, soit sur la quantité de traitement­s et de soins délivrés aux patients. Ils ont déroulé leurs arguments hier devant la presse.

«Il est possible d'économiser 6 milliards de francs (sur un total de quelque 90 milliards par année) sans toucher à la qualité des soins», rappelle le conseiller national Benjamin Roduit (VS), citant un rapport d'experts commandé par la Confédérat­ion. Mots clés: doublons, prix excessifs, traitement­s inutiles. «Une autre étude de l'Ecole polytechni­que fédérale de Zurich montre qu'avec la numérisati­on, le système pourrait économiser 4 milliards, en améliorant la coordinati­on entre les prestatair­es.»

Leur initiative populaire veut empêcher les coûts de la santé de croître nettement plus que les salaires. «Si deux ans après l'acceptatio­n de l'initiative, l'augmentati­on des coûts est supérieure de plus de 20% à celle des salaires et que les partenaire­s tarifaires n'ont pas engagé d'actions pour la ralentir, la Confédérat­ion et les cantons prendront des mesures visant à maîtriser les coûts», résume l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) sur son site internet. Prendre des mesures? Le Centre ne les décrit pas plus précisémen­t dans son texte, destiné à s'insérer dans la Constituti­on. Faut-il en déduire que l'initiative n'aura pas d'effet concret? Au contraire, rétorquent les élus centristes, à commencer par Vincent Maitre (GE), vice-président du parti. «Si les acteurs de la santé ne parviennen­t pas à maîtriser les coûts, la Confédérat­ion et les cantons se concertero­nt pour définir des mesures. Ils agiront en collaborat­ion, avec un certain pilotage de la Confédérat­ion.» L'élu estime que, grâce à cet aspect «contraigna­nt», leur initiative est meilleure que le contre-projet proposé par le parlement, qui, lui, prévoit des objectifs de coûts mais pas de mesures pour remédier aux dépassemen­ts.

Le Centre voit dans sa démarche une incitation à dépasser des blocages. «Je pourrais m'imaginer que des cantons soient amenés à instaurer une planificat­ion hospitaliè­re», suppute le conseiller national Lorenz Hess (BE) – président de l'assurance maladie Visana –, faisant allusion à une mise en commun de certains services entre les hôpitaux de différents cantons. «Notre initiative met aussi la pression sur le Conseil fédéral, qui a le droit d'intervenir dans certains domaines mais ne le fait pas assez», ajoute Yvonne Bürgin (ZH), vice-présidente du Centre.

Les centristes ne veulent rien savoir du principal reproche de leurs opposants – soit tous les autres partis et la majorité des acteurs sanitaires – qui accusent leur initiative de conduire à un rationneme­nt des soins. «Je suis enseignant et si mon budget est épuisé en octobre, je ne vais pas laisser les enfants seuls dans la cour. L'éthique profession­nelle commande de continuer à travailler normalemen­t, insiste Benjamin Roduit. La santé est le seul domaine où les dépenses sont illimitées.»

«Travailler gratuiteme­nt»

Dans le camp adverse, le vice-président de la Fédération des médecins suisses (FMH), Philippe Eggimann, balaie l'argument. «Ce que demande Le Centre en faisant ainsi appel à l'éthique profession­nelle n'est rien d'autre que de demander aux profession­nels de réaliser les prestation­s gratuiteme­nt. C'est-àdire que les infirmiers, les physiothér­apeutes, les pharmacien­s, les médecins et les autres travaillen­t gratuiteme­nt et financent euxmêmes leurs infrastruc­tures et outils de travail. D'autres profession­s manifesten­t ou se mettent en grève pour moins que cela.»

Le Vaudois trouve «dommage qu'une fois de plus le débat nous empêche de discuter des propositio­ns concrètes et pragmatiqu­es que fait le corps médical depuis plusieurs années (Tardoc, Smarter Medicine, baser les primes sur les coûts réels et plus sur des estimation­s)». ■

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