La débâcle de la Fondation de Beaulieu occupe de nouveau la justice vaudoise
La Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal vaudois se penchait hier sur le cas de l’ex-secrétaire général de l’institution chapeautant le centre des congrès, acquitté en première instance de l’accusation de gestion déloyale. Un épisode de plus dans cette
La justice vaudoise n'en finit plus d'examiner le cas de Marc Porchet, secrétaire général de la Fondation de Beaulieu de 2001 jusqu'à la débâcle de 2017. Alors que le centre des congrès lausannois sombrait, son homme-orchestre s'est-il montré loyal, engagé «au-delà du raisonnable», prenant des risques dans l'urgence pour tenter de sauver – en vain – un navire à la dérive? Ou au contraire, a-t-il savamment maintenu un système financier opaque, véritable «pompe à mandats», au profit de sa société personnelle et de celles de proches? Hier, c'était au tour de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal d'être saisie de l'affaire, scorie d'un retentissant scandale politico-financier à la sauce vaudoise.
Double casquette et conflit d’intérêts
Lors du dernier épisode en date, le 21 août 2023, Marc Porchet était acquitté par le Tribunal d'arrondissement de La Côte à Nyon, pour qui l'ex-secrétaire général ne s'était pas rendu coupable de gestion déloyale. Un jugement contre lequel le parquet a fait appel. Aux yeux du Ministère public, les juges de première instance n'ont pas réussi à s'extraire du contexte extrajudiciaire de l'affaire, comme s'il fallait «sauver le soldat Porchet», pour reprendre la formule du procureur général adjoint François Danthe.
L'affaire éclate fin 2017, à la veille des Fêtes. Marc Porchet est alors jeté en pâture par les pouvoirs publics, canton et ville de Lausanne. Bouc émissaire désigné de la déconfiture, il est soupçonné de fraude massive; le chiffre de 27 millions de francs est évoqué. Des accusations graves qui s'évanouiront au rythme des rebondissements judiciaires.
Finalement, après plus de cinq ans d'instruction, le Vaudois est renvoyé uniquement pour gestion déloyale. On lui reproche d'avoir, dans six cas avérés, surfacturé à la Fondation certaines prestations confiées à des tiers. Le préjudice n'a pas pu être déterminé précisément, mais il pourrait approcher les 150 000 francs.
Durant l'audience, le Tribunal cantonal s'est replongé dans les inextricables méandres de l'organisation de la fondation de Beaulieu, qui fonctionnait avec un système de mandats. Cette gestion, jugée «surannée» par le procureur, sera complètement dépassée lorsque s'enchaîneront les rénovations et que la société exploitante – le groupe bâlois MCH – se désengagera. Au coeur de ce marasme, le Ministère public demeure persuadé que Marc Porchet a volontairement conservé un système d'«une complexité forcément voulue, recherchée et cultivée» pour s'octroyer des marges indues, profitant de sa double casquette porteuse de conflits d'intérêts (secrétaire général de la fondation et patron de la fiduciaire mandatée pour la gestion opérationnelle du site). «On ne tue pas la poule aux oeufs d'or», a imagé le procureur, avant de requérir 8 mois de détention avec un sursis de 3 ans.
Une «dénonciation calomnieuse»
«On se trompe sur ses intentions, sur ce qu’il a pu imaginer. On se trompe de cible» STEFAN DISCH, AVOCAT DE MARC PORCHET
Mais pour Stefan Disch, le défenseur de Marc Porchet, il est au contraire impossible de ne pas tenir compte des événements de décembre 2017, quand son client s'est retrouvé accusé d'avoir creusé un trou de près de 30 millions de francs. «C'était un mensonge éhonté, une dénonciation calomnieuse», a insisté l'avocat. Regrettant qu'on ait «oublié l'humain» dans ce dossier, Stefan Disch a dépeint un homme qui a tout donné à la Fondation de Beaulieu, dans une situation de stress intense liée à une hausse exponentielle des tâches, ne pensant pas au profit. «On se trompe sur ses intentions, sur ce qu'il a pu imaginer. On se trompe de cible», a conclu l'avocat.
En fin d'audience, Marc Porchet s'est longuement expliqué, avec moult détails, laissant poindre un certain «écoeurement». «J'ai toujours agi avec loyauté», a-t-il assuré aux juges. Il a déploré de se retrouver seul sur le banc des accusés, pour quelques factures, alors que «personne ne s'interroge sur comment la Fondation de Beaulieu a pu être vidée de sa substance à coups de millions». Le jugement sera rendu ces prochains jours.
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