Le Temps

Digitec Galaxus rappelée à l’ordre par Berne

L’autorité de surveillan­ce a examiné les pratiques du champion suisse de l’e-commerce. Il devra proposer aux utilisateu­rs la possibilit­é d’effectuer des achats sans créer de compte

- GRÉGOIRE BARBEY @GregoireBa­rbey

XC’est un bras de fer qui ne laissera pas le secteur suisse de l’e-commerce indifféren­t. Le préposé fédéral à la protection des données et à la transparen­ce (PFPDT) a publié ce mercredi une décision concernant les pratiques de Digitec Galaxus. Il reproche au géant suisse de l’e-commerce de violer le principe de proportion­nalité inscrit dans la loi en obligeant ses clients à créer un compte pour faire des achats sur son site web.

Selon l’autorité de surveillan­ce, l’entreprise détenue par Migros devrait offrir une alternativ­e à ses clients. Elle précise que la possibilit­é de réaliser des commandes en tant qu’invité, sans créer de compte, constituer­ait une solution acceptable. Mais Digitec Galaxus ne l’entend pas de cette oreille. Dans un communiqué diffusé quelques heures après, le spécialist­e du commerce en ligne précise prendre au sérieux les recommanda­tions émises par le PFPDT, mais que celles-ci vont trop loin.

Problème récurrent

Digitec Galaxus estime que l’obligation de créer un compte est indispensa­ble pour faciliter l’envoi des commandes ou encore effectuer les retours. Par ailleurs, note l’entreprise, cela lui permet de proposer des recommanda­tions ciblées selon les préférence­s des utilisateu­rs. Le géant de l’e-commerce accuse en outre le préposé fédéral de ne pas tenir compte de la concurrenc­e internatio­nale. Il cite son principal rival, Amazon, qui oblige aussi sa clientèle à créer un compte.

De son côté, l’avocat et professeur à l’Université de Lausanne Sylvain Métille se réjouit de la prise de position du préposé fédéral: «L’obligation de créer un compte est un problème récurrent pour les achats en ligne, mais nullement justifié, analyse-t-il. Même si le droit de ne pas fournir des données personnell­es pour effectuer un achat était déjà bien établi, ce rappel du PFPDT est bienvenu.» Selon lui, l’acheteur ne doit pas être pris en otage et contraint à communique­r des données qui ne sont pas nécessaire­s à l’objectif poursuivi.

Autre point d’achoppemen­t: l’autorité de surveillan­ce estime que Digitec Galaxus doit être plus exhaustif dans sa déclaratio­n de protection des données. Une exigence que l’entreprise n’entend pas appliquer, tant elle s’avère selon elle irréaliste en pratique. Sur ce point, les experts se montrent aussi partagés.

Une position qui divise

Le juriste spécialisé en protection des données François Charlet se dit partagé. «Il faut se mettre à la place des entreprise­s, explique-t-il. C’est difficile d’anticiper et de suivre les évolutions technologi­ques et des traitement­s de données. La pratique de Digitec Galaxus permet de ne pas être exhaustif et de limiter sa responsabi­lité juridique.» Il précise que ce n’est pas toujours évident pour les personnes responsabl­es de savoir exactement comment sont mis en oeuvre tous les traitement­s d’une entreprise au jour le jour. S’il admet que le PFPDT a raison sur le principe, l’applicatio­n de sa recommanda­tion s’avère plus compliquée à mettre en pratique qu’il n’y paraît.

Le géant de l’e-commerce soumettra prochainem­ent des propositio­ns aux autorités pour se mettre en conformité. Si celles-ci ne satisfont pas le préposé fédéral, celui-ci indique au Temps qu’il se réserve la possibilit­é de demander au Tribunal administra­tif fédéral de trancher, ou d’ouvrir une procédure pour violation de la protection des données. ■

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